----------------------------------------------------------------- ------------- ©Tout droits réservés Sifriat Hava, Beit El, Mizrah Binyamin 96031 Israël Communauté On-Line : WWW.COL.FR ------------------------------------------------------------------------------ VAYETSE LE MERVEILLEUX SAUT DE JACOB Afin d'echapper a son frère Esaü qui le poursuit dans l'intention de le tuer, Jacob est contraint de quitter la terre d'Israël: "Et Jacob sortit de Beershéva et alla vers Haran" (Genèse, XXVIII, 10). Haran se trouve à l'extérieur des frontières d'Israël. Or c'est en se rendant à Haran que se produit un événement inattendu : "Il heurta 'Le Lieu' et il y passa la nuit car le soleil s 'était couché. Il prit une pierre de l'endroit, la mit sous sa tête et se coucha" (Genèse, XXVIII, I l). Quel est donc ce ":lieu" dont l'importance est telle qu'il est ainsi mentionné dans la Tora ? En fait, c'est le 'lieu' de Dieu. Rachi nous précise qu'il n'est pas stipulé dans ce verset de quel lieu il était question, mais nous savons qu'il s'agissait du mont Moriah (I'actuel mont du Temple à Jérusalem), à propos duquel il est écrit, dans un autre passage de la Bible: "Abraham vit le lieu de loin". En effet, lorsque Abraham reçut l'ordre de sacrifier son fils Isaac, Dieu ne lui précisa pas sur quel emplacement devait intervenir ce sacrifice. Mais Abraham vit le lieu de loin: "Le troisième jour, Abraham éleva ses yeux et vit le lieu de loin" (Genèse, XX11, 40). Comment a-t-il pu donc comprendre qu'il s'agissait bien du mont Moriah ? C'est que, selon Rachi, notre patriarche vit, grâce à son esprit prophétique, une nuée envelopper la cime de la montagne: il saisit d'emblée que le lieu vers lequel il se dirigeait était empreint de sainteté. Deux générations plus tard, Jacob arrive lui aussi sur ce même emplacement. Nous ne pouvons manquer d'être surpris par la tournure prise par cet évenement: Jacob est en route vers l'exil de Haran et, soudain au lieu d'y parvenir directement, voilà qu'il se retrouve dans l'endroit le plus saint et le plus central de la terre d'Israël. Nos sages expliquent qu'il fit alors un "saut miraculeux". Comment interpreter cet épisode ? Célèbre disciple du Rav Abraham Itshak Hacohen Kook et déjà réputé pour sa sagesse bien avant l'arrivée de ce dernier en Eretz Israël, le rav Harlap affirme que ce "bond miraculeux" ne doit pas être perçu comme l'illustration d'une simple curiosité géographique, mais bel et bien comme un événement extraordinaire dont la signification est extrêmement profonde: lorsque l'homme est imprégné d'une volonté tenace et qu'il veut absolument parvenir à quelque chose de très important à ses yeux, il cherche et trouve toujours l'option d'un "raccourci". Ainsi, souvent, à force de volonté et de ténacité, ce qui semblait éloigné et difficile devient proche et plus accessible. Pour le rav Harlap, cet épisode miraculeux de l'histoire de Jacob constitue une préfiguration, sur une échelle plus large, les tentatives du peuple d'Israël de revenir vers sa terre ancestrale, celle qui lui a été promise par l'Eternel. Le message que reçoit Jacob est prémonitoire: I'amour de notre peuple pour Eretz Israël est si intense que nous assisterons, tout au long de ce processus de retour vers la terre reçue en héritage par les patriarches, à un raccourci historique. Ainsi, avant la création de l'Etat d'Israël, le projet sioniste semblait-il être une véritable utopie. Tout paraissait impossible et difficile. Mais impossible, dirons-nous, n'est pas juif ! Lorsque l'on possède une volonté tenace d'aboutir, on arrive à surmonter les difficultes et à résoudre les problèmes les plus insolubles. Profondément amoureux d'Eretz Israël, Jacob franchit donc d'un seul bond la distance qui le sépare du mont Moriah et, à peine arrivé, il se couche et s'assoupit. Bien qu'effectivement il ait de bonnes raisons d'être fatigué, remarquons pourtant qu'il est assez rare que la Tora mentionne ce genre de détails superflus. Or si le texte biblique stipule que Jacob s'allonge et s'endort, là, sur les pierres du mont Moriah, c'est que son geste revêt une importance particulière. Justement, dans son sommeil, I'Eternel lui apparaît et lui dit: "Je suis l'Eternel, le Dieu d'Abraham ton père et le Dieu d'lsaac. Cette terre sur laquelle tu es couché, Je te la donne à tol et à ta postérité" (Genèse, XXVIII, 13) On remarque donc que Dieu insiste sur le fait que Jacob s'est bel et bien couché sur cette terre et nos commentateurs de s'etonner: Seulement la terre sous laquelle il s'est allongé ? Autrement dit: ces quelqlues coudées seraient-elles un héritage si important ? Le Midrach nous raconte que Dieu réalisa alors un nouveau miracle :Il rassembla toute la terre d'Israël et la placa sous Jacob (rapporté par Rachi). Nous apprenons de ce récit que, pour ceux qui la désirent ardemment, la terre d Israël sera aussi facile à conquérir que ces quatre coudées (Rachi, ibid.). Car, lorsque l'on est attaché à Eretz Israël, tout devient plus facile. Abraham avait reçu précédemment un ordre: "Lève-toi et promène-toi sur cette terre car je te la donnerai" (Genèse, XIII, 17). Les Sages du Talmud ont expliqué que cette "promenade" d'Abraham sur la Terre promise a facilité, plus tard, sa conquête par les Enfants d'Israël (Traité Baba Batra, p. 100/a). En se promenant aux quatre coins d'Eretz Israël, il entendait témoigner de son profond attachement. Or cet amour pour Israël qui s'est manifesté tout au long des générations sans jamais se démentir, a facilité et justifié notre reprise de possession de la terre ancestrale. Et nous constatons qu'au fil des générations ce lien se raffermit: si Abraham ne faisait que se "promener" sur la terre d'Israël, son fils Isaac, lui, y réside bel et bien, comme il est écrit: "Installe-toi dans le pays" (Genèse. XXVI, 2). Quant à Jacob, il va jusqu'à se coucher sur ce sol, manifestant ainsi un attachement sans borne. Nous comprenons mieux maintenant cette multiplicahon de détails fournis par la Tora sur cet épisode: "Et il prit des pierres du lieu et il les plaça sous sa tête, et il se coucha en ce lieu". Le commentateur "Tzror Hamor" (contemporain de l'inquisition en Espagne) affirme que c'est justement en raison de son amour pour les pierres d'Israël que Jacob s'en est servi comme oreiller ! Et notre commentateur de rapprocher cette situation du verset: "Car tes serviteurs ont désiré ces pierres et sont amoureux de sa poussière" (Psaumes, 102, 15). Jacob est donc amoureux de la terre et des pierres, et il les "embrasse". A la fin du livre du Kouzari, on touche au problème de la venue du Messie. :Rabbi Yéhouda Halévi affirme que le Messie ne viendra que lorsque le peuple sera devenu follement amoureux de Jérusalem, comme il est écrit: "Lève-toi et tu prendras en miséricorde Sion car le temps est venu, car tes serviteurs ont voulu ses pierres et sont amoureux de sa poussière" (ibid, 14, 165). L'amour du peuple juif pour la terre d'Israël a ainsi la faculté de renforcer également l'attachement de Dieu pour cette terre: I'amour d"'en-bas " éveille l'amour d"'en-haut" . Nos Sages racontent qu'en vertu du verset précité, rabbi Hyia Bar Gamda avait l'habitude de se rouler dans la poussière d'Israël et que rabbi Abba embrassait quant à lui les rochers de la cité d'Akko (Traité talmudique Ketouvot, p. 112, a/b). Lorsque le Talmud énonce aussi ce fameux verset, Rachi, de manière très exceptionnelle, ne fait que le recopier sans y ajouter nulle autre explication dans son commentaire traditionnel ! Selon le Gaon de Vilna, le grand commentateur a agi de la sorte car il avait parfaitement compris que nos deux Sages respectaient l'essence même de ce verset au plus profond de leur être et qu'ils réagissaient donc avec un amour illimité. On demanda à Rabbi Yeoshoua Mikoutna s'il etait judicieux de promouvoir un mouvement d'alya vers Eretz Israël afin que le peuple se décide à y monter, à s'y installer et à y construire. Il répondit positivement et inséra dans son explication un élément messianique: un profond désir anime en fait toutes les composantes de notre peuple. Aucun doute à ce sujet: toutes sont animées d'un profond et sincère amour d'Eretz Israël ! Et par conséquent la lumière de la Guéoula (la Rédemption) commence à apparaître (Yéchouot Molko, Yoré Déa responsum 66). Celui qui aime profondément et sincèrement la terre d'Israël sait plus facilement surmonter les obstacles qui pourraient se dresser dans la concrétisation de son amour.