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--VAYECHEV

QUERELLES INTESTINES

"Jacob s'installa dans le pays des pérégrinations de son
père, dans le
pays de Canaan" (Genèse XXXVII, 1). Après avoir lutté
pendant de
longues années contre ses ennemis, après avoir dû fuir
ses proches -
Esaü et Laban - et suite à de nombrenses tribulations, Jacob
aspire à
un repos et une tranquillité bien mérites dans le pays de son
père: la
terre promise par Dieu à ses descendants.

C'est entouré d'une nombreuse famille et
précédé d'une certaine
notoriété que Jacob revient en terre de Canaan. Mais
malheureusement, il
va très vite se rendre compte que ses aspirations sont
prématurées et que
l'heure du repos n'a pas encore sonné.

En effet, sans transition, le texte biblique nous relate l'histoire de
Joseph, fils préféré de Jacob. D'après nos Sages
cités, le commentateur
médiéval Rachi (sur Genèse XXXVII, 2), ont tenu
à subordonner l'histoire
de Jacob à celle de Joseph: si Jacob a subi de nombreuses
épreuves face
aux représentants des nations étrangères - en
particulier lors du combat
contre "I'ange d'Esaü" - I'histoire de Joseph va être
marquée quant à elle
par un profond conflit interne avec ses frères.

Pour bon nombre de commentateurs, cette déchirure intérieure
représente la première esquisse de la fameuse "Guerre des
Juifs" qui se
prolongera tout au long de l'histoire du "Peuple de Dieu". Les exemples de
querelles intestines n'ont maheureusement pas manqué au fil des
siècles:
la lutte entre la maison de Saül et celle de David pour la
royauté, le
schisme entre le royaume de Juda et celui d'Israël, et bien sûr,
à l'époque
du second Temple de Jérusalem, la division et même la lutte
armée entre
les différentes castes, comme le relate si crûment Flavius
Joseph dans sa
fameuse chronique (qui, justernent, s'intitule sans ironie: La Guerre des
Juifs): "Pendant la journée témoignent les acteurs du drame, nous
combattions les Romains et, à la nuit tombante, nous nous
affrrontions les
uns les autres"

De nos jours, alors que nous sommes revenus en terre d'Israël, force est
de constater que notre peuple reste encore déchiré par des
querelles
intestines, par exemple entre "religieux" et "non religieux", entre hommes
"de gauche" et partisans de "la droite", ou bien encore entre
séfarades et
ashkénazes. Or nous ne devons pas oublier que le schéma type
de cette
tendance à l'éclatement se trouve exposé en
détail dans les relations entre
Joseph et ses frères.

Joseph était un homme de critique: "Joseph rapporta de mauvais
propos [concernant ses frères] à leur père" (ibid. 2).
Rachi explique:
"Tout ce qu'il voyait de mal chez ses frères, les fils de Léa,
il le racontait
à son père". Il n'essayait donc pas de les réprimander
ou de leur faire lui-
même la leçon et préférait aller se plaindre
à l'autorité supérieure: son
père Jacob. De son côté, Jacob écoutait
patiemment les critiques de ce fils
pour lequel il avait une affection particulière, et, au lieu de tenter de
retablir l'harmonie dans la famille, il accordait a Joseph un statut
préférentiel, notamment lorsqu'il lui offrit une "tunique
bigarrée" (ibid, 3) -
celle dont la tradition nous dit qu'elle fut transmise de
génération en
génération depuis Adam, le premier homme.

Cette situation fut donc propice à l'émergence d'une forte
jalousie, puis
d'une haine farouche de la part des frères de Joseph: "lls le hairent
et ne
purent lui parler en paix" (ibid, 4). En d'autres termes, leur haine
n'était
pas seulement intérieure, mais se concrétisait
également dans leurs
paroles .

Or le recit que fait lui-même Joseph de ses rêves ne fit
qu'envenimer la
situation: "Nous ramassions des gerbes dans le champ, et soudain ma
gerbe se dressa, elle resta debout: et les vôtres se rangèrent et
s'inclinèrent devant la mienne" (ibid, 7). Ses frères
répondirent alors:
"Veux-tu régner sur nous ?" "Et ils le hairent plus encore. Joseph eut un
nouveau rêve dans lequel il vit la lune, le soleil et onze
étoiles se
prosterner devant lui" (ibid, 9). Et évidemment: "Ses frères le
jalousèrent"(ibid, Il).

Cette jalousie provient du fait que les frères de Joseph se rendaient bien
compte qu'il avait des capacités qu'eux ne possédaient pas:
c'était un
homme doué pour l'agriculture aussi bien que l'économie, et
dont la
productivité dans ces domaines était étonnante. De
surcroît, Joseph savait
aussi très bien agir en politique.

Ces tendances se confirmeront plus tard lorsqu'il règnera sur l'Egypte.
Pourtant, au lieu de s'unir avec lui et de rassembler leurs qualités
respectives afin de les mettre au service de la nouvelle nation juive, chacun
des frères se replie sur son propre monde, quitte même à
disqualifier
l"' autre " .

Des lors, le dialogue entre Joseph et ses frères est presque inexistant,
peut-être aussi afin d'éviter de part et d'autre des disputes.
Il est vrai que
Joseph et ses frères sont foncièrement différents. En
fin de compte, on peut
dire que tous les enfants de Jacob sont différents les uns des
autres, et dans
sa bénédiction pre-mortem, leur père confirmera
l'existence, au sein de la
famille hébraïque, de ces tendances qui sont en fait celles des
futures
tribus du peuple d'Israël.

Le problème se situe dars le fait que ces différences ne
devraient pas
impliquer la haine, surtout entre frères. On peut certes avoir des
conceptions distinctes et des aspirations fort différentes, mais
cependant
vivre en pleine harmonie. En effet, la paix authentique n'est pas
fondée sur
l'identité totale des êtres ! Les gens sont et seront toujours
différents les
uns des autres. Le véritable défi de l'histoire de
l'humanité, c'est donc
d'etablir un lien entre les différentes forces agissant au sein de
la nation
juive. Ainsi pourrions-nous comparer notre peuple au corps humain dans
lequel chaque membre, qui a sa fonction spécifique, travaille
également en
pleine coordination avec des centaines d'autres membres.

Joseph est défini comme un "Naar" (un adolescent) ou,
étymologiquement, "un homme en éveil"". Alors que ses
frères aînés sont
déjà pleinement impliqués dans la vie active de leur
société, lui, par contre,
est encore au stade de l'apprentissage des théories de l'existence. La
rencontre entre l'univers conceptuel de Joseph et la réalité
vécue par ses
frères provoque un choc qui s'exprime par le "lachon hara", la
médisance.

Depourvu d'expérience de la vie, Joseph choisit la voie la plus facile et
commence à juger ses frères au lieu de se juger
lui-même. C'est pourquoi,
sa vie est jonchée d'épreuves au cours desquelles il devra
faire preuve de
qualités exceptionnelles pour s'en sortir. Ce n'est qu'à ce
prix que Joseph
deviendra un Tsadik, un Juste.

Au travers du célèbre épisode de la tentative de
séduction par la femme
de Putiphar, on comprendra que, pour être à même de
critiquer son
prochain, Joseph se doit d'êre lui-même irréprochable.
Malheureusement,
entre lui et ses frères règne une mésentente profonde.
Joseph leur reproche
d'être des "incapables" en matière d'agriculture et de gestion
économique
et sociale. Et eux lui reprochent de briser l'unité de la famille.
Le dialogue
devient vite impossible  ils ne pouvaient Iui parler en paix !" Rachi
remarque: "A travers leurs défauts, nous pouvons déceler
leurs vertus:
ils ne voulaient pas avoir une parole dans le coeur et une autre dans la
bouche".

Nous constatons là que les enfants de Jacob sont donc sincères et
dépourvus de la moindre hypocrisie. Mais cette qualité ne
parvient pas
seule à résoudre cette atmosphère d'hostilité,
puisque finalement la haine
éclate au grand jour et ils projettent ouvertement d'assassiner
Joseph. Il
faudra d'ailleurs l'intervention de l'un des frères, Reuven, pour
qu'ils se
"contentent" de le vendre comme esclave.

Empêchant toute dynamique vers l'harmonie dans les relations inter-
humaines, la haine est à l'origine de tous les désastres,
aujourd'hui comme
hier.

Mais le peuple d'Israël doit conserver l'espoir car, finalement,
après de
longues pérégrinations et de longues épreuves, c'est
dans la plus grande
émotion que les frères, finalement, se retrouveront.