----------------------------------------------------------------- ------------- ©Tout droits réservés Sifriat Hava, Beit El, Mizrah Binyamin 96031 Israël Communauté On-Line : WWW.COL.FR ---------------------------------------------------------------------------- --VAYECHEV QUERELLES INTESTINES "Jacob s'installa dans le pays des pérégrinations de son père, dans le pays de Canaan" (Genèse XXXVII, 1). Après avoir lutté pendant de longues années contre ses ennemis, après avoir dû fuir ses proches - Esaü et Laban - et suite à de nombrenses tribulations, Jacob aspire à un repos et une tranquillité bien mérites dans le pays de son père: la terre promise par Dieu à ses descendants. C'est entouré d'une nombreuse famille et précédé d'une certaine notoriété que Jacob revient en terre de Canaan. Mais malheureusement, il va très vite se rendre compte que ses aspirations sont prématurées et que l'heure du repos n'a pas encore sonné. En effet, sans transition, le texte biblique nous relate l'histoire de Joseph, fils préféré de Jacob. D'après nos Sages cités, le commentateur médiéval Rachi (sur Genèse XXXVII, 2), ont tenu à subordonner l'histoire de Jacob à celle de Joseph: si Jacob a subi de nombreuses épreuves face aux représentants des nations étrangères - en particulier lors du combat contre "I'ange d'Esaü" - I'histoire de Joseph va être marquée quant à elle par un profond conflit interne avec ses frères. Pour bon nombre de commentateurs, cette déchirure intérieure représente la première esquisse de la fameuse "Guerre des Juifs" qui se prolongera tout au long de l'histoire du "Peuple de Dieu". Les exemples de querelles intestines n'ont maheureusement pas manqué au fil des siècles: la lutte entre la maison de Saül et celle de David pour la royauté, le schisme entre le royaume de Juda et celui d'Israël, et bien sûr, à l'époque du second Temple de Jérusalem, la division et même la lutte armée entre les différentes castes, comme le relate si crûment Flavius Joseph dans sa fameuse chronique (qui, justernent, s'intitule sans ironie: La Guerre des Juifs): "Pendant la journée témoignent les acteurs du drame, nous combattions les Romains et, à la nuit tombante, nous nous affrrontions les uns les autres" De nos jours, alors que nous sommes revenus en terre d'Israël, force est de constater que notre peuple reste encore déchiré par des querelles intestines, par exemple entre "religieux" et "non religieux", entre hommes "de gauche" et partisans de "la droite", ou bien encore entre séfarades et ashkénazes. Or nous ne devons pas oublier que le schéma type de cette tendance à l'éclatement se trouve exposé en détail dans les relations entre Joseph et ses frères. Joseph était un homme de critique: "Joseph rapporta de mauvais propos [concernant ses frères] à leur père" (ibid. 2). Rachi explique: "Tout ce qu'il voyait de mal chez ses frères, les fils de Léa, il le racontait à son père". Il n'essayait donc pas de les réprimander ou de leur faire lui- même la leçon et préférait aller se plaindre à l'autorité supérieure: son père Jacob. De son côté, Jacob écoutait patiemment les critiques de ce fils pour lequel il avait une affection particulière, et, au lieu de tenter de retablir l'harmonie dans la famille, il accordait a Joseph un statut préférentiel, notamment lorsqu'il lui offrit une "tunique bigarrée" (ibid, 3) - celle dont la tradition nous dit qu'elle fut transmise de génération en génération depuis Adam, le premier homme. Cette situation fut donc propice à l'émergence d'une forte jalousie, puis d'une haine farouche de la part des frères de Joseph: "lls le hairent et ne purent lui parler en paix" (ibid, 4). En d'autres termes, leur haine n'était pas seulement intérieure, mais se concrétisait également dans leurs paroles . Or le recit que fait lui-même Joseph de ses rêves ne fit qu'envenimer la situation: "Nous ramassions des gerbes dans le champ, et soudain ma gerbe se dressa, elle resta debout: et les vôtres se rangèrent et s'inclinèrent devant la mienne" (ibid, 7). Ses frères répondirent alors: "Veux-tu régner sur nous ?" "Et ils le hairent plus encore. Joseph eut un nouveau rêve dans lequel il vit la lune, le soleil et onze étoiles se prosterner devant lui" (ibid, 9). Et évidemment: "Ses frères le jalousèrent"(ibid, Il). Cette jalousie provient du fait que les frères de Joseph se rendaient bien compte qu'il avait des capacités qu'eux ne possédaient pas: c'était un homme doué pour l'agriculture aussi bien que l'économie, et dont la productivité dans ces domaines était étonnante. De surcroît, Joseph savait aussi très bien agir en politique. Ces tendances se confirmeront plus tard lorsqu'il règnera sur l'Egypte. Pourtant, au lieu de s'unir avec lui et de rassembler leurs qualités respectives afin de les mettre au service de la nouvelle nation juive, chacun des frères se replie sur son propre monde, quitte même à disqualifier l"' autre " . Des lors, le dialogue entre Joseph et ses frères est presque inexistant, peut-être aussi afin d'éviter de part et d'autre des disputes. Il est vrai que Joseph et ses frères sont foncièrement différents. En fin de compte, on peut dire que tous les enfants de Jacob sont différents les uns des autres, et dans sa bénédiction pre-mortem, leur père confirmera l'existence, au sein de la famille hébraïque, de ces tendances qui sont en fait celles des futures tribus du peuple d'Israël. Le problème se situe dars le fait que ces différences ne devraient pas impliquer la haine, surtout entre frères. On peut certes avoir des conceptions distinctes et des aspirations fort différentes, mais cependant vivre en pleine harmonie. En effet, la paix authentique n'est pas fondée sur l'identité totale des êtres ! Les gens sont et seront toujours différents les uns des autres. Le véritable défi de l'histoire de l'humanité, c'est donc d'etablir un lien entre les différentes forces agissant au sein de la nation juive. Ainsi pourrions-nous comparer notre peuple au corps humain dans lequel chaque membre, qui a sa fonction spécifique, travaille également en pleine coordination avec des centaines d'autres membres. Joseph est défini comme un "Naar" (un adolescent) ou, étymologiquement, "un homme en éveil"". Alors que ses frères aînés sont déjà pleinement impliqués dans la vie active de leur société, lui, par contre, est encore au stade de l'apprentissage des théories de l'existence. La rencontre entre l'univers conceptuel de Joseph et la réalité vécue par ses frères provoque un choc qui s'exprime par le "lachon hara", la médisance. Depourvu d'expérience de la vie, Joseph choisit la voie la plus facile et commence à juger ses frères au lieu de se juger lui-même. C'est pourquoi, sa vie est jonchée d'épreuves au cours desquelles il devra faire preuve de qualités exceptionnelles pour s'en sortir. Ce n'est qu'à ce prix que Joseph deviendra un Tsadik, un Juste. Au travers du célèbre épisode de la tentative de séduction par la femme de Putiphar, on comprendra que, pour être à même de critiquer son prochain, Joseph se doit d'êre lui-même irréprochable. Malheureusement, entre lui et ses frères règne une mésentente profonde. Joseph leur reproche d'être des "incapables" en matière d'agriculture et de gestion économique et sociale. Et eux lui reprochent de briser l'unité de la famille. Le dialogue devient vite impossible ils ne pouvaient Iui parler en paix !" Rachi remarque: "A travers leurs défauts, nous pouvons déceler leurs vertus: ils ne voulaient pas avoir une parole dans le coeur et une autre dans la bouche". Nous constatons là que les enfants de Jacob sont donc sincères et dépourvus de la moindre hypocrisie. Mais cette qualité ne parvient pas seule à résoudre cette atmosphère d'hostilité, puisque finalement la haine éclate au grand jour et ils projettent ouvertement d'assassiner Joseph. Il faudra d'ailleurs l'intervention de l'un des frères, Reuven, pour qu'ils se "contentent" de le vendre comme esclave. Empêchant toute dynamique vers l'harmonie dans les relations inter- humaines, la haine est à l'origine de tous les désastres, aujourd'hui comme hier. Mais le peuple d'Israël doit conserver l'espoir car, finalement, après de longues pérégrinations et de longues épreuves, c'est dans la plus grande émotion que les frères, finalement, se retrouveront.