----------------------------------------------------------------- ------------- ©Tout droits réservés Sifriat Hava, Beit El, Mizrah Binyamin 96031 Israël Communauté On-Line : WWW.COL.FR ------------------------------------------------------------------------------ TOLEDOTH ITZHAK LA FORCE TRANQIIILLE Le second des Patriarches est assurément un "juste caché" ("tsadik nisstar"), un homme secret, presque timide, qui refuse d'apparaître à l'avant-scène de l'Histoire, mais qui, grâce à sa simplicité et son étonnante opiniâtreté, parvient à provoquer des profonds bouleversements positifs dans le cours de cette même Histoire. Itzhak est avant tout l'homme du silence: celui qui parle peu, mais qui préfère agir pour le bien de son prochain et celui de l'humanité. Et pour agir au mieux, il sait puiser dans ses ressources morales et spirituelles. Bien qu'il soit le digne descendant et héritier d'Abraham, il a su se distinguer par sa propre personnalité. Ainsi, lorsque la famine s'étend sur toute la terre d'Israël, Abraham décide de quitter provisoirement la région pour s'installer en Egypte. Mais lorsqu'une famine semblable - et même bien plus intense encore - vient se greffer à la première, Itzhak, sur ordre divin. demeure en Terre Sainte: "Ne descends pas en Egypte, fixe ta demeure dans le pays que je te désignerai'' (Genèse, XXVI, 2). Rachi explique le motif de cet ordre divin: "Tu ne peux descendre en Egypte car tu es [toi-même] une offrande entièrement consacrée à Dieu. De même que tout sacrifice ne peut sortir de l'enceinte du Temple, toi, Itzhak tu ne peux quitter la terre d'Israël car les autres pays ne sont pas dignes de toi". D'une certaine manière, nous pourrions affirmer que l'intégrité d'ltzhak était même plus haute que celle de son père Abraham, lequel pouvait se permettre de quitter provisoirement la Terre promise sans que sa personnalité ne s'en trouve affectée. Or la relation entre Itzhak et la terre d'Israël est autrement plus mtense et profonde. Les Sages passés maîtres dans l'interprétation allusive (en hébreu: le remez) ont même vu dans le nom d'Itzhak, un acrostiche des différents noms de la terre d'Israël (Israël, Zwi, Hemda, Kedocha). Voilà pourquoi, même en cas de grave famine, il est hors de question qu'il quitte cette terre. A défaut, Itzhak peut se suffire d'un exil intérieur auprès d'Avimelech, le roi des Philistins installé à Guérar, dans une région qui se situe à l'intérieur des frontières d'Eretz Israël, même si elle est provisoirement sous souveraineté étrangère. Dieu intime donc à Itzhak l'ordre d'habiter sur la terre d'Israël: "Réside [Shekhon] dans cette terre". D'après le Midrach Rabba, le terme hébreu "Shekhon" utilisé ici signifie: "crée des résidences". Il s'avère par ailleurs que Itzhak est bel et bien un agriculteur de renom: "Itzhak sema dans ce pays-là et recueillit, cette même année, au centuple, et Dieu le bénit" (ibid, 12). En d'autres termes, sa récolte fut cent fois plus importante que celle des agriculteurs voisins. Le travail agricole raffermit le lien unissant l'agriculteur à sa terre de manière beaucoup plus intense que la pratique de l'élevage qui peut toujours être liée à une certaine forme de nomadisme. A l'inverse, celui qui plante sur la terre d'Israël, associe ses propres racines personnelles à cette terre. Itzhak se révèle donc être un homme d'une grande puissance. A tel point que les Philistins en viennent à le jalouser (ibid, 13-14). Au lieu de s'incliner face aux efforts sincères d'Itzhak, ces mêmes Philistins se considèrent - et c'est une habitude millénaire ! - comme les maîtres de cette terre. Pourtant force est de constater que la terre d'Israël rejette par elle- même ce prétendu lien d'appropnation que brandit au cours des siècles la peuplade philistine. Mais par contre, lorsque Itzhak plante, la terre lui répond généreusement, Face à ces succès "naturels" de Itzhak, la jalousie des Philistins en vient même à être destructrice: "Les Philistins comblèrent les puits creusés par Abraham et les remplirent de terre", (ibid, 15). Ce faisant, ils ne réalisent pas à quel point ils se détruisent eux- mêmes. Mais leur désir d'effacé tout souvenir d'Abraham est plus fort que tout . Ne pouvant supporter la réussite agricole d'Itzhak, Avimelech lui dit: "Va-t'en de chez nous, car tu es trop puissant pour nous" (ibid, 16). Au lieu de reconnaître la force d'Itzhak, de profiter de sa bonté et de créer des liens de bon voisinage avec lui, ils préfèrent l'expulser. Et si Itzhak se laisse faire, c'est surtout parce qu'il a d'autres projets. C'est pourquoi, dit le texte biblique: "Il partit de là-bas et s'installa dans la vallée de Guérar, et y résida" (ibid, 17) . Or, cet apparent "recul" ne signifie pas qu'Itzhak est un défaitiste et désespère d'accomplir l'ordre divin de créer des résidences et des vlllages en terre d'Israël. C'est pourquoi il poursuit sa mission de construction: une fois installé dans son nouveau site, il se remit donc à creuser les puits d'eau déjà forés par son père et comblés par les Philistins, et il leur redonna leurs noms d'origine. Itzhak ne désespère jamais: il est l'authentique continuateur d'Abraham. Ne se satisfaisant pas de recréer le passé, il va aussi de l'avant: "Les serviteurs d'ltzhak creusèrent dans la vallée et ils découvrirent une source d'eau vive". Continuant à creuser par lui-même, il poursuit une oeuvre civilisatrice qui est loin de plaire aux résidents de ces régions: "Les pâtres de Guérar cherchèrent querelle à ceux de Itzhak en disant: 'L'eau est à nous '. . . " (ibid, 20) . Evidemment, eux aussi revendiquent tout, y compris ce qui a été réalisé par les autres ! Ne pensant plus détruire le travail d'Itzhak après avoir constaté que ce serait là une chose vaine puisque ce dernier est, à bon escient, fort "entêté", les Philistins adoptent alors une autre stratégie en prétendant que tout est à eux. Mais, encore une fois, ils en seront pour leurs frais. Avant de poursuivre son bonhomme de chemin, Itzhak, loin d'être troublé par cet incident, donnera à ce puits le nom d'Esek (en hébreu : contestation) en souvenir, justement, de la dispute avec les Philistins. Ce peuple a en fait une seule et unique vocation: celle de contester tout ce qu'Israël construit et réalise ! S'il faut certes en tenir compte, il est surtout indispensable de ne pas se laisser impressionner par ce toupet sans nom. Il nous faut tranquillement poursuivre notre mission: "lls creusèrent un nouveau puits et se disputèrent également à son sujet" (ibid, 21). Ces gens-là sont eux aussi têtus, mais Itzhak l'est encore plus. Ainsi, les Philistins en deviennent-ils frustrés parce qu'ils ne parviennent finalement pas à pousser Itzhak dans une dispute violente. Alors se dévoilent leurs véritables :intentions, c'est pourquoi Itzhak nomme ce puits "Sitna" (en hébreu - haine). Cette dispute n'est pas de leur part une simple contestation, ni un conflit passager, nais elle repose plutôt sur la profonde haine qui les habite contre Israël. Mais face à cela, Itzhak poursuit sagement son chemin: "Il alla de là-bas et creusa un nouveau puits, et ils ne se disputèrent plus à son sujet" (ibid, 22). Ce sont donc les Philistins qui se sont fatigués les premiers et qui se sont finalement inclinés devant l'obstination tranquille de notre second patriarche. Itzhak appela quant à lui ce puits "Rehovot", ce qui signifie en hébreu "largesse", et dit: "Pour le coup le Seigneur nous a élargis, et nous fructifierons sur la terre" (ibid, 22). Cette force tranquille qui émane d'Itzhak a donc vaincu sans dispute. C'est alors que Dieu se révèle à nouveau a lui: "Et l'Eternel se révéla à lui, cette même nuit, en disant: 'Je suis le Dieu d'Abraham ton père; sois sans crainte car Je suis avec toi, Je te bénirai et Je multiplierai ta postérité, à cause d'Abraham, Mon serviteur ' (ibid, 24). Itzhak célèbre alors l'évenement: "Il érigea en ce lieu un autel, invoqua le nom de l'Eternel et y dressa sa tente" (ibid, 25). Les serviteurs d'Itzhak y creusèrent même un puits. Et tout à coup, une visite inattendue: "Avimelech alla chez lui de Guérar avec un groupe de ses amis et Pikol, son général d'armée" (ibid, 26). Itzhak leur dit alors: "Pourquoi venez-vous vers moi, alors que vous m'avez chassé de chez vous ?" (ibid, 27). Apparemment, ils viennent donc sans mauvaise intention. Que s'est-il donc passé ? Et ils lui répondirent en substance: "C'est que Dieu est avec toi. Faisons donc une alliance !" lls ont alors saisi que Dieu pouvait aussi se révéler grâce à cette forme de comportement obstiné par rapport aux affaires terrestres, et pas uniquement par le surnaturel: "Et nous ferons un pacte avec toi, que tu t'abstiendras de nous nuire, de même que nous en avons toujours bien usé avec toi et que nous t'avons renvoyé en paix" (ibid, 29). Le véritable enseignement que nous devons à notre ancêtre Itzhak, c'est bien son obstination à construire coûte que coûte en terre d'Israël. A l'heure où, une fois de plus, nous sommes indubitablement confrontés à de graves problèmes sur notre terre, il ne faut en aucun cas s'affoler, ni même reculer. Au contraire: il faut regarder droit devant soi et aller toujours de l'avant !