----------------------------------------------------------------- ------------- ©Tout droits réservés Sifriat Hava, Beit El, Mizrah Binyamin 96031 Israël Communauté On-Line : WWW.COL.FR ------------------------------------------------------------------------------ SOUCCOT (II) LES "NUEES DIVINES" Dans la trilogie des célèbres fêtes de pèlerinage que sont Pessah, Shavouot et Souccot, les deux premières sont faciles a définir dans le temps: Pessah nous rappelle la Sortie d'Egypte, cet événement majeur qui a fait de nous une nation libre et indépendante. La date de ce miracle dont l'Eternel nous a gratifié est connue de tous. De même, nous savons pertinemment que la fête de Shavouot, qui commémore le don e la Tora au Mont Sinaï, se déroule invariablement, chaque année, le cinquantième jour après Pessah. Par contre, il est nettement plus ardu de donner à la fête de Souccot une place precise sur notre "calendrier historique". Ceux qui estimeraient avec la plus ferme conviction que l'événement historique qui marquerait cette fête s'est bel et bien produit le quinze du mois de Tishri - date à laquelle nous la célébrons traditionnellement - feraient là une déduction naïve et erronée. Il nous faut donc tenter de trouver une explication bien plus profonde que celle, souvent invoquée, des aléas du calendrier hébraïque". "C'est parce que J'ai fait résider les Enfants d'Israël dans des souccot", nous dit l'Eternel dans le texte de la Tora. On peut alors s'interroger sur la nature précise de ces fameuses ''Souccot". Nos Sages se sont posé la question et, visiblement, ils n'ont pas réussi à tomber d'accord sur une réponse commune ! Selon certains, il s'agirait d'un simple abri matériel à l'instar des tentes de protection que nous connaissons aujourd'hui. L'explication de cette hypothèse est simple: si le peuple juif a réussi à survivre pendant quatre décennies dans le désert, sous des tentes de toile, c'est bel et bien qu'il a joui d'une protection divine particulière. Toutefois, selon une second interprétation, ces tentes seraient en fait les "Ananeï Kavod"' (les "Nuées divines") qui enveloppaient de leur splendeur le peuple d'Israël pendant la traversée du désert. Et les commentateurs de préciser que ce mérite revenait en fait au grand-prêtre Aaron. On le sait, les trois miracles qui accompagnaient en permanence les Enfants d'Israël lors de leurs longues pérégrinations dans le désert avaient été octroyé grâce au mérite des trois enfants d'Amram et de Yoheved: la manne dépendait du mérite de notre maître Moïse, le puits d'eau qui ne se tarissai jamais devait son existence à Myriam, la soeur de Moïse, et enfin les "nuées de gloire", avaient été attribuées grâce au mérite de leur frère Aaron. Mais quel est donc le sens de ces "Nuées divines" ? Une première réponse peut de prime abord paraître troublante: "Le monde entier a été créé afin de dévoiler la gloire divine", nous enseignent nos Sages, qui disent encore dans "Pirké Avot" ["les Maximes des Pères"]: "Tout ce qui est appelé en Mon Nom, Je l'ai créé, formé, et Je l'ai fait en Mon honneur" (ch. VI, in fine). Pourquoi l'Eternel a-t-il donc voulu créer le monde d'ici-bas ? Le Zohar répond clairement dans la même optique: "afin que Sa gloire s'y révèle également et qu'il puisse aussi exister une sancafication du Nom divin dans le monde de la matière". Le ciel n'est pas le seul élément à témoigner de la gloire divine: de par leur existence même, chaque fleur, chaque pierre, chaque animal, et à plus forte raison chaque être humain, proclament la gloire divine et contiennent en eux toute la beauté et la gloire du projet divin. Dans le psaume "Le ciel raconte Sa gloire" (XIX) que nous récitons le shabbat à la prière du matin, nous dénombrons sept versets qui évoquent la gloire de Dieu dans le monde de la nature, et ensuite huit autres versets qui parlent de Sa gloire dans le monde de la Tora, celui de la spiritualité. Les chiffres sept et huit seront famillers aux lecteurs du Maharal de Prague: sept évoque le monde naturel, huit renvoie au monde supranaturel. Certes, le monde naturel est déjà extraordinaire en lui-même, mais il existe un monde encore plus extraordinaire: c'est le monde de la Tora, celui de la spiritualité et de la vertu. L'homme est, en quelque sotte, le diadème de la Création, et le peuple d'Israël constitue le diamant le plus pur de ce diadème. Alors que les nations du monde possèdent des vertus qui sont de l'ordre du physique, Israël demeure quant à lui dans l'ordre du métaphysique. Lorsque nous voyons un roi, nous prononcons une bénédiction particulière: "Béni sois-Tu, Eternel notre Dieu ... qui a délégué de Sa gloire aux êtres de chair et de sang". Mais, lorsque nous avons le privilège de contempler un roi d'Israël, nous disons: "... qui a délégué de Sa gloire à ceux qui Le craignent". C'est que les rois d'Israël qui représentent la nation hébraïque ne sont pas seulement des êtres de chair et de sang, mais représentent une nation ayant atteint une relation privilégiée et authentique avec l'Eternel. Ainsi, pouvons-nous effectivement mieux comprendre que des "Nuées de gloire divine" aient pu intervenir dans l'existence réelle du peuple juif. Les autres nations bénéficient elles aussi d'une certaine gloire divine puisque celle-ci se révèle au travers de chaque brin d'herbe et de chaque fleur, mais le sommet de cette révélation concerne le peuple d'Israël: ce peuple - qualifié par Rabbi Yéhouda Halévi de "coeur des nations", dont la naturs intinsèque est spirituelle et dont la finalité est entièrement morale. Mais pourquoi parler alors de "Nuées de gloire" et non tout simplement de gloire ? C'est que, dans le monde de l'Eternel notre Dieu, tout n'est pas limpide et perceptible par l'entendement humain. Lorsque Dieu s'est révélé au mont Sinaï, Il a choisi de le faire à l'intérieur d'une nuée, de nuages et de brouillard. Tout n'est effectivement pas saisissable par l'intelligence humaine ! Evidemrnent, nous sommes très attachés à un certain mode de rationnalité, mais la pensée la plus rationnelle n'est pas en mesure de rendre compte de tout: elle n'est qu'une petite lucarne ouverte sur le monde. La prophétie se hisse quant à elle bien plus haut que les sages discours de la réflexion humaine, philosophique ou théologique ! Dieu reside donc dans les nébuleuses. D'une certaine manière, nous pouvons afirmer que la science a pour finalité dans ce monde-ci, de décrire, et surtout de comprendre tous les phénomènes perceptibles de I'univers. Par contre, la science relative au divin restera toujours enveloppée d'une nuée, ou plutôt d'un épais brouillard difficile à percer définitivement, en dépit de tous nos efforts pour analyser, le plus précisément possible, les textes bibliques les plus profonds et les plus ésotériques . Notre approche de l'Eternel pourrait être comparée à l'échelle de Jacob, dont le bas repose solidement sur terre, et dont le haut s'élève vers les cieux. Notre esprit accepte et reçoit ce qui est clair, rationnel et parfaitement établi. Et puis nous nous laissons entraîner progressivement vers l'univers spirituel, jusqu'à ce que nous nous perdions dans les nuées célestes. Certes, à ce stade, la lumière devient nébuleuse, mais parallèlement, la réflexion humaine ne peut pas ici tout percevoir de manière logique et homogène ! C'est bien pourquoi ce sont les "Nuées de la gloire divine" qui enveloppent le peuple d'Israël pendant sa traversée du désert. Tout cela se produit, nous l'avons dit, grâce au mérite d'Aaron qui était l'un des persormages clés d'Israël, car il n'était en aucune façon un "homme privé". En effet, lorsqu'un Hébreu commettait un homicide involontaire, il devait, pour avoir la vie sauve, se rendre dans une "ville-refuge" et y attendre qu'advienne la mort du grand-prêtre pour pouvoir la quitter librement et retrouver ainsi sa liberté. Ce commandement apporte la preuve indirecte que le grand-prêtre devait assumer une part de responsabilité dans l'accident qui avait malencontreusement coûté la vie à l'un de ses contemporains, membre de la communauté d'Israël. Les commentateurs nous expliquent en effet que si le grand-prêtre, censé être le porteur d'un message d'amour des créatures, avait mieux prié et intercédé plus sincèrement auprès de l'Eternel, ce grave accident ne se serait pas produit. Aaron et ses descendants portaient donc une responsabilité jusque dans les gestes des "assassins involontaires" ! Par contre, lorsque Aaron se tenait au milieu de son peuple avec amour et invoquait ses mérites, I'Eternel accordait à toute la communauté Sa protection par l'intermédiaire de ces Nuées. Par ailleurs, nous devons comprendre qu'Aaron et sa descendance ne sont pas les seuls prêtres au sein du peuple d'Israël: "Nous sommes un royaume de prêtres et une nation sainte", dit la Tora. Cela signifie que chacun de nous doit se considérer comme un prêtre relativement à la pratique des commandements et à l'attachement à Dieu. Pour la plupart d'entre nous,nous vivons dans un monde séculier, et nous ne sommes donc pas des "prêtres" à part entière, mais la prêtrise doit demeurer une des facettes déterminantes de notre personnalité. Il y a toujours le risque de plonger dans les profondeurs du monde profane sans disposer de la moindre attache spirituelle susceptible de transcender la vie quotidienne. Et de fait, il s'est concrétisé à plusieurs époques obscures lors desquelles, notamment pendant l'exil, cette qualité de "prêtrise" a été totalement effacée de la vie juive. Mais si l'on va plus loin, cette afirmation s'avère en fait inexacte: certes, notre comportement s'est trouvé parfois vidé de toute spiritualité, tant sur le plan des actes, que sur le plan moral ou sur celui de la foi et des opinions. Mais dans les profondeurs secrètes de l'âme, brille toujours la flamme juive et hébraïque - ce que nous pourrions appeler la "grande prêtrise", celle qui est éternelle ! Plusleurs fois au cours de notre longue histoire, cette flamme a subitement jailli, comme ce fut le cas à l'époque des Asmonéens: le peuple était corrompu par l'influence néfaste des Grecs qui avaient souillé le Temple et profané toutes les fioles d'huile sacrée. Et pourtant, après avoir livré un dur combat militaire, les Maccabées ont retrouvé miraculeusement une fiole d'huile scellée par le sceau du grand-prêtre. D'une certaine manière, cette découverte miraculeuse illustre le fait que même lorsque tout semble perdu, notre peuple sait retrouver dans son âme et sa spiritualité les plus enfouies, les forces pour faire face à l'envahisseur profane et à ses projets d'assimilation et de destruction ! Ce sont donc bien là les "Nuées de gloire" qui accompagnent notre peuple dans ses pérégrinations - toujours grâce au mérite du grand-prêtre Aaron. S'il en est ainsi, la fête de Souccot commémore un évenement infiniment plus chargé de conséquences que Pessah et Shavouot. Pessah marquait en fait une intervention divine unique qui a évidemment déterminé des conséquences historiques capitales, mais dont on peut clairement désigner l'instant; et il en est de même pour le don de la Tora, à Shavouot. Par contre, I'événement que nous évoquons à Souccot, reste inscrit dans la plus vaste continuité: il illustre la Présence divine à l'intérieur du peuple d'Israël et de l'âme juive. Malgré toutes les épreuves, les exils, les crises incessantes et les fautes de Son peuple, Dieu continuera toujours à recouvrir Israël de Ses Nuées de gloire et de Sa puissante protection.