----------------------------------------------------------------- ------------- ©Tout droits réservés Sifriat Hava, Beit El, Mizrah Binyamin 96031 Israël Communauté On-Line : WWW.COL.FR ------------------------------------------------------------------------------ SOUCCOT (I) LE TEMPS DE LA JOIE Yom Kippour est traditiommellement considéré comme le jour de ressourcement spirituel par excellence des êtres humains et comme une coupure avec le monde matériel toujours "prioritaire" pendant le reste de l'année. Par contre, la fête de Souccot sera marquée par le retour de l'homme vers cette vie matérielle apres le summum de sainteté et de spiritualité atteint à Kippour. Immédiatement à l'issue du jeûne suprême, l'homme juif a pour obligation de construire de ses propres mains une cabane recouverte de feuillage. Et quatre jours plus tard, dans cette atmosphère réjouie et solennelle de Souccot, il devra brandir le bouquet des "quatre espèces" de plantes qui sont les plus douces et les plus agréables de la création. Maïmonide, qui manifeste une opposition farouche à toute abstinence maladive, insiste sur le fait oue Dieu ne dédaigne pas le corps humain. C'est pourquoi le Maître du monde ne nous incite pas à annihiler les tendances naturelles existant en nous (voir le Traité sur les Huit Chapitres, IV). S'il est exact de souligner que Yom Kippour est un jour de distanciation praroxystique d'avec la nature foncière de l'être humain, il constitue avant tout un moment intemporel servant en fait de passerelle d'un temps à l'autre. Mais à Souccot, nous revenons vers la vie, cette vie calme de tous les jours. Dans son ouvrage Orot ha-Teshouva - "Les lueurs de la Teshouva" (chap. IX ) - le Rav Abraham Itshak Hacohen Kook utilise la parabole suivante: "Un homme malade doit suivre un traitement médical de choc, qui permet de détruire le poison menacant son existence, mais qui par là- même l'affaiblit considérablement". Or c'est bien ce qui nous arrive pendant la période des "Dix jours de pénitence", et même durant le mois d'Eloul . A partir de Rosh Hashana, explique le Rav, ces austères journées donnent à l'homme l'occasion de se débarrasser des "maladies" qui se sont incrustées en lui durant toute l'année. Mais en même temps cette thérapie est éprouvante et affaiblit le puissant désir de vivre. C'est pourquoi après ces jours le crainte et d'anxiété, il nous faut retrouver une certaine joie de vivre et rebâtir ainsi les fondements de notre nature humaine. C'est que la Teshouva purifie les hommes, affine l'esprit et sait extraire le bien des actes humains ! Or cet effort de "retour" vers Dieu contient nécessairement en lui-même une certaine faiblesse à laquelle même l'homme le plus fort ne peut échapper. Lorsque l'on fait dépendre la force de vivre du seul dégoût intérieur à l'égard du péché, la volonté de retour vers le bien, elle aussi, s'affaiblit... La purification morale est une épreuve qu'il faut donc apprendre à surmonter. C'est pourquoi, après Kippour, nous redécouvrons les jours remplis de joies saintes en régénérant notre volonté et nos convictions en faveur d'une vie emplie de pureté et de bien-être. C'est seulement alors que la Teshouva annoncée à Kippour se concrétise pleinement. A Souccot, nous revenons donc vers la vie et ce n'est pas par hasard si la valeur numénque du mot loulav (la feuille de palmier) s'élevant à 68, est égale à celle du mot haïm (la vie), et presque semblable à celle du mot hadas (le myrte) qui atteint 69. Maïmonide s'oppose à toute interprétabon homilétique du sens des "quatre espèces" que l'on agite à Souccot. Ou plutôt, il considère que ces commentaires sont profondément vrais, mais ne prétendent pas révéler le sens authentique du texte: les quatre espèces, explique-t-il, renvoient à la gaieté et à la joie éprouvée par les Hébreux lorsqu'ils quittèrent le désert, qui fut pour eux "un lieu impropre aux semences, sans figuiers, sans vigne, ni grenadiers, ni eau à boire" (Nombres XX, 5) - pour arriver enfin dans une région où poussaient des arbres fruitiers et où coulaient des rivières. Pour en célébrer le souvenir, on prenait le fruit le plus beau et le plus parfumé de ces lieux, I'étrog (cédrat), des feuillages et des branchages parmi les plus belles verdures - à savoir les saules des rivières, le myrte et la feuille de palmier. Ces quatre espèces se distinguaient par trois particularités: elles étaient très répandues en Terre d'Israël, de sorte que chacun pouvait se les procurer; elles étaient d'un bel aspect et dotées d'une bonne odeur (sauf le saule); et elles conservent leur fraîcheur pendant une semaine, qualité que l'on ne retrouve pas pour d'autres espèces (Guide des Egarés, vol. 3, chap. 43). Ces quatre espèces sont donc les plus belles, les plus agréables et les plus odonférantes qu'il soit, et elles nous remplissent de joie lorsque nous avons le mérite de resider en Terre d'Israël. Elles seules nous permettent de retrouver les forces de la vie et de ses joies. Il est également intéressant de remarquer que ces espèces deviennent inutilisables dès qu'elles se dessèchent. Elles doivent donc rester "vivantes". Le Talmud de Jerusalem nous explique pourquoi, en rapportant le verset des Psaumes suivant: "Les morts ne sauraient louer Dieu". A Souccot, en un mot, nous revenons à la vie. L'attachement le plus profond à Dieu n'est nullement contradictoire avec les forces de la vie et de la nature: "Et vous qui êtes attachés à Dieu, vous êtes tous vivants aujourd'hui" (Deutéronome, lV, 4). Plus on est attaché à Dieu, plus on manifeste de vitalité, et plus on se sent plein d'harmonie avec soi-même et avec la profondeur authentique de son être propre . L'attachement à Dieu et le respect de la Tora et des commandements ne viennent pas priver les êtres humains de bonheur, en leur imposant artificiellement un mode de vie étranger. Ils n'entendent au contraire que dévoiler à l'homme la profondeur secrète de son être. Nos Sages racontent dans le Talmud qu'à la fin des temps, au jour du Jugement dernier, Dieu reprochera aux nations de ne s'être pas livrées - contrairement au peuple d'Israël - au culte divin et au respect des commandements. Alors les nations de la terre tenteront de se disculper en disant: "C'est injuste, ordonne-nous une mitsva, et tu verras que nous l'accomplirons". Dieu rétorquera alors qu'il est "trop tard": "Celui qui a trimé le vendredi aura de quoi manger le shabbat, et celui qui n'aura pas trimé le vendredi, que prendra-t-il à manger le shabbat ?" dit un proverbe talmudique. Cependant, Dieu accordera une nouvelle "chance" aux nations: "J'ai un commandement facile à vous proposer: la soucca ! Quoi de plus aisé que de construire une cabane... " Relevant le défi, les nations construiront leurs cabanes sur le toit de leurs maisons. Dieu décidant alors de faire briller un puissant soleil, chaque nation sortira de sa soucca en la frappant du pied ! (Traité Avoda Zara, p. 3 /a). Qu'y a-t-il de surprenant a cela ? N'est-il pas écrit que celui qui est en peine, se trouve dispensé de soucca ? Mais si telle nation était gênée d'habiter sous sa soucca, elle pouvait la quitter sans aucune protestation et sans avoir besoin de la frapper ! En fait, ce commandement porte un tort aux non-Juifs au plan financier, usurpe leur bonbeur et leur joie intérieure et ils sont donc incapables de ressentir une quelconque harmonie intérieure en l'exécutant. C'est pourquoi, dès que le moindre problème surgit, ils se rebellent contre Dieu ! Or, il n'en n'est pas de même pour le peuple juif qui se considère et se sent intrinsèquement lié aux préceptes divins: ne ressent-il pas profondément que cette mitsva de la soucca est "naturelle" pour lui ? Ce n'est pas un hasard si c'est bien à propos de la fête de Souccot et des lois sur le loulav que Maïmonide fait état du fameux principe selon lequel "il faut servir Dieu dans la joie". Il évoque ainsi en detail les joyeuses festivités qui accompagnaient la "Simhat Beit ha-Shoeva" - la joie du puisage: cette mitsva qui se déroulait dans l'enceinte du Temple atteignait en effet des sommets de réjouissances. Or ce qui rendait cette joie encore plus unique était le fait qu'à cette occasion, ce n'était pas les ignares, mais les grands sages d'Israël, les chefs du Sanhédrin, les vieillards et les hommes de bien qui dansaient et se réjouissaient à un haut niveau spirituel. Quant aux hommes et aux femmes du peuple, ils se rendaient au Temple pour regarder et s'émerveiller (Lois sur le loulav, Chap. Vlll, alinéa 14). Après avoir décrit cette joie si propre à Souccot, Maïmonide généralise: selon lui, il ne suffit pas seulement d'accomplir les commandements divins, il convient de le faire avec joie. Quant au commentateur du Maïmonide, le Maguid Michné, il se demande comment il est possible de se réjouir en observant certains de nos préceptes qui sont particulièrement pénibles. En fait, il s'agit d'une joie intérieure et beaucoup plus authentique: celle qui illumine la personne humaine lorsqu'elle fait le bien et accomplit la volonté divine. N'est-ce pas là, en fin de compte, que réside la profonde finalité de la vie humaine ?