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SIMHAT TORA

LA TORA N'EST-CE PAS LA JOIE ?

La fête de Simhat Tora marque pour nos générations
à la fois la
clôture et le recommencement de la lecture annuelle des cinq livres
du Pentateuque. Le peuple juif y trouve une occasion particulière
pour manifester sa joie d'être le possesseur de l'inestimable
héritage
que représente la Tora !

Tous les commentateurs remarquent que le caractère si particulier de
Simhat Tora, forgé au fil des siècles, n'est pas
mentionné explicitement
dans le texte biblique. En fait, cette fête est appelée,
d'après la Tora,
"Shemini Atséret": elle ne représente que la clôture,
au huitième jour, des
festivités de Souccot. D'ailleurs, Souccot et Simhat Tora sont
dénommées
"zeman simhaténou"-"le temps de notre joie".

Certes, les trois "fêtes de pèlerinage" du calendrier
hébraïque sont pour
nous l'occasion de réjouissances particulières, mais Souccot
et Simhat Tora
constituent par excellence les festivités de la joie. Dans ce
contexte, on
peut considérer Simhat Tora comme une solennité qui reste
intrinsèquement liée aux célébrations de
Souccot, tout en possédant un
cachet spécifique.

Apparemment, cette "joie" que nous avons pour prescription
d'extérioriser lors des fêtes de Souccot et de Simhat Tora,
contraste
singulièrement avec l'atmosphère de recueillement quelque peu
sévère que
l'on a vécu juste avant, lors des austères journées de
Rosh Hashaoa et de
Kippour. Ainsi, cinq jours à peine séparent-ils le sommet
d'élévation
spirituel qu'est Kippour, de la réjouissance totale qui explose
à Souccot!

Nous pourrions même avour tendance à considérer cette
transition
quelque peu rapide, comme un brusque passage d'un monde à l'autre.
Cependant, pour certains de nos Sages, comme le Rabbi de Gour (dans
son ouvrage "Sefat Emet") ou le Rav Kook (dans son livre "Orot ha-
Teshouva"), cette proximité possède une signification plus
profonde. En
effet, les "Journées austères" qui incluent également
les "Dix jours de
penitence" et l'ensemble du dernier mois de l'année - celui d'Eloul,
traditionnellement consacré au retour à Dieu - forment une
période
incontournable pour la purification et la réhabilitation de
l'âme juive.

Or, par le remforcement du pôle spirituel, ce processus
d'élévation
entraine irrémédiablement un certain éloignement par
rapport aux repères
du monde de la matière, ceux de notre monde d'ici-bas. A force de vouloir
aller à la rencontre de l'Eternel pour nous faire pardonner nos
égarements,
nous pourrons, pendant cette période de repentir, quitter ce monde pour
pénétrer dans les sphères de la spiritualité.

Pour illustrer cette interprétation, le Rav Kook utilise une parabole:
nous pouvons être comparés à des "malades" qui auraient
subi un choc
électrique, lequel aurait certes chassé leur mal, mais en
affaiblissant par
ailleurs leur organisme ! C'est la raison pour laquelle nous devons, après
cette "thérapie radicale", revenir à la vie quotidienne et
rejoindre le monde
qui reste le nôtre.

Il faut bien comprendre que même si l'univers de la
spiritualité est bien
un modèle de perfection pour notre âme, il nous est impossible de faire
abstraction de ce monde-ci: il ne s'agit en aucun cas de refuser la vie qui
nous a été accordée ici-bas par Dieu, mais seulement
de vouloir la purifier.
Et c'est pourquoi, à peine avons-nous terminé d'expier nos
fautes devant
l'Eternel et de reconnaitre, dans la plus parfaite abnégation, la
royauté
divine lors de la prière de Neila clôturant Yom Kippour, nous nous
précipitons dehors pour construire une petite cabane, bien
matérielle celle-
là !

Renforcés par le travail spirituel de ces journées
austères, nous
parvenons à sanctifier cette habitation provisoire, ainsi que le fameux
"bouquet des quatre espèces", que Dieu nous demande d'agiter, afin de
nous réconcilier avec la vie dans toute sa plénitude.

En effet, le renouveau de notre attachement à Dieu n'a pas pour
fonction de nous détacher de la vie, mais bien au contraire
d'illuminer notre
quotidien, comme il est ecrit "Et vous, qui êtes attachés
à Dieu,
demeurez tous vivants aujourd'hui" (Deutéronome, IV, 4). Car on peut -
et l'on doit  - rester profondément attaché à Dieu,
tout en restant "bien
vivant" ! Seuls certains individus d'exception, considérant ces deux
pôles
de l'existence comme inconcilables, choisissent de se détacher au
maximum du monde qui nous entoure. Evitant systématiquement de la
contrarier, la Tora ne va nullement à l'encontre de la nature
humaine: elle
n'a pas le désir d'aliéner le monde d'ici-bas, en lui
imposant artificiellement
un autre monde qui le déchirerait cruellement ! Au contraire, elle vient
aider l'être humain à dévoiler son propre monde
intérieur dans toute sa
splendeur, sa pureté et son élévation.

C'est pourquoi nous ne devons pas être surpris par le commandement
qui nous demande de servir Dieu dans la joie: "Parce que vous n'avez pas
servi Dieu avec joie et bon coeur, vous servirez vos ennemis ... dans
l'affliction' (Deutéronome, XXVIII, 47). Maïmonide
interprète d'ailleurs
ce verset en disant qu"'il ne suffit pas de 'servir Dieu' mais il faut
observer Ses commandements dans la joie" ("Lois sur la soucca et le
loulav", VIII, 15). L'observance des mitsvot ne peut se faire dans la
tristesse, mais dans une joie intérieure la plus profonde.

Certes, il existe des commandements dont le respect est
particulièrement difficile, mais le "Maguid Michné", le
commentaire du
Rambam, précise que la joie procurée par une simple bonne
action - cette
joie de faire le bien et d'accomplir la volonté du Créateur -
estompe toutes
ces difficultés et transforme le dur effort de la mitsva en un monde de
délices .

Certes, notre vision du monde n'est pas celle d'Epicure, qui considérait
que la finalité de l'existence humaine était de jouir pour le
seul plaisir. Pour
la Tora, la finalité de notre présence sur terre est de faire
le bien: nous ne
recherchons ni le plaisir, ni le bonheur, mais le Bien !

Pourtant, ces deux registres ne sont pas contradictoires. C'est en effet le
même Dieu qui, par Sa bonté a créé le monde. A
l'origine, cet univers était
composé du seul Jardin d'Eden qui fut profané par la faute
humaine. Et
c'est le même Dieu qui a créé la responsabilité
humaine et la moralité. Il ne
peut donc y avoir d'antinomie entre ces deux dimensions de l'être. Les
commandements de la Tora conviennent à l'identité profonde de
l'homme
juif, de même que le message universel des lois morales est conforme
à la
nature profonde de l'être humain en général.

Lorsque l'homme juif accomplit une mitsva, il se rencontre lui-même et
dévoile sa nature la plus authentique, car toute mitsva fait partie du
"naturel" de l'homme juif !

Dans son introduction succinte au "Traité des Principes", dite "Huit
Chapitres", Maïmonide précise que la Tora nous demande seulement
d'être "naturel". C'est vrai, il nous faut parfois constater que
cette nature
originelle a été déformée par certaines
réalités de la vie quotidienne; il
nous faut donc vivre un processus de révélation et
d'immanence divine
pour redécouvrir quelle est notre nature.

Jean-Jacques Rousseau lui-même affirmait avec sagesse - mais non
sans un certain pessimisme - que tout ce qui est parfaitement
créé par le
Maître de l'univers, finit par se dégrader entre les mains de
l'homme. Et
Rabbi Yéhouda Halévi, quant à lui, conseillait aux
hommes qui
recherchent le naturel, de le chercher d'abord dans le divin ! Ce n'est
d'ailleurs pas un hasard si la valeur numérique du mot "nature" (en
hébreu:
ha-Téba) est la même que celle du nom divin "Elohim" (le Nom
de Dieu,
lors de la Création) à savoir 86.

Nous devons comprerdre qu'avant d'avoir été ecrite sur un
parchemin
avec de l'encre, la Tora a d'abord été gravée au plus
profond de notre
nature humaine. A la limite, nous serions à même de pouvoir
redécouvrir,
ou plutôt réinventer la Tora en écoutant le discours de
notre âme.

C'est précisément ce qu'ont fait nos patriarches Abraham,
Itzhak et
Jacob, qui respectaient l'ensemble des commandements avant d'en avoir
reçu l'ordre divin: nous serions tentés de dire que
c'était "la plume de leur
âme qui les avait inscrits sur les parchemins de leur existence". Bien
évidemment fort éloigné de ce degré de
sainteté de nos trois patriarches,
notre propre naturel est enfoui sous une montagne de déchets, et il nous
faut impérativement un guide susceptible de nous incliquer quelle
est cette
véritable nature qui est la nôtre.

C'est pourquoi la journée de Simhat Tora, point central du cycle annuel
de lecture de la Tora est pour nous débordante de joie sincère
et profonde:
c'est un jour où nous donnons libre cours au bonheur profond de
l'être qui
a réussi à dominer les plaisirs passagers. C'est aussi
l'expérience que
l'homme traverse lorsqu'il se rencontre avec lui-même et lorsqu'il
parvient,
au coeur même de son être, à insérer des aspects
qui lui faisaient défaut
jusque-là.

Certes. comme le disent nos Sages, la Tora constitue un "joug", dans la
mesure où elle empêche toute dépravation de l'âme
et tout libertinage de
l'être. Certes, elle nous fait pénétrer dans un monde
de rigueur morale.
Mais elle est également la clé qui nous ouvre un univers de
joie et de
bonheur véritables ! La contrariété intérieure
qu'il peut parfois nous arriver
d'éprouver dans l'accomplissement des commandements, ne
témoigne en
rien d'un défaut inhérent a notre âme ou d'une
hétérogenéité foncière entre
l'homme d'Israël et la Tora: c'est tout simplement une étape dans un
nécessaire apprentissage - lequel exige une certaine dose de
patience de la
part de chaque individu. C'est de cette même patience dont nous devons
aussi nous armer, en ce qui concerne le retour du peuple d'Israël vers sa
Tora. Or cet effort n'est en rien contradictoire avec la joie et le bonheur - la
paresse n'étant quant à elle qu'assez rarement synonyme de
bonheur.


La pratique de la Tora nécessite, il est vrai, une mobilisation
générale
de toute la personnalité de l'être, mais elle lui procure
aussi ume joie
profonde - celle d'avoir réussi son oeuvre. Et cette joie-là n'est pas
passagère: une expérience permanente de plénitude et de
bonheur traverse
continuellement l'âme humaine.

C'est pourquoi nous sommes foncièrement optimistes et convaincus
qu'en fin de compte, I'humanité retrouvera sa droiture originelle
qui est, en
fait, sa véritable nature. L'homme redeviendra tel que Dieu l'a
créé: droit
et intègre ! De la même manière, nous sommes
également certains que
l'ensemble du peuple juif retrouvera la voie de la Tora et sa foi en Dieu: ne
dit-on pas que si l'on chasse le naturel, il revient au galop ?