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ROSH HASHANA (I)

LE SHOFAR OU LE REVEIL DE L'AME

D'après nos Sages, le commandement spécifique de la
journée de
Rosh Hashana est celui des sonneries du Shofar. Quels sont donc les
sens attachés aux sons de cette corne de bélier, dans
laquelle nous
soufflons si solennellement dans les synagogues a l'occasion des deux
premiers jours de la nouvelle année dn calendrier hébraïque ?

Maïmonide affirme qu'il s'agit là d'une Guezera hakatouv, un
décret
divin, innaccessible à toute compréhension humaine.
D'après la Tora, la
réflexion rationnelle et l'intelligence ne sont en effet pas les seuls
instruments mis à notre disposition pour tenter d'appréhender
la réalité. Il
existe des fonctions qui se situent en dessous de l'intelligence - par
exemple l'imagination, la volonté ou le sentiment - et il en est
d'autres se
trouvant au-dessus de cette intelligence, comme l'esprit divin (en
hébreu:
Rouah haKodesh).

Il ne faut donc guère s'étonner s'il existe des notions que
l'être humain
ne puisse pas saisir rationnellement dans toute leur profondeur. L'une des
fonctions pour y parvenir est le Remez, le sens allusif, qui selon
Maïmonide suscite notre curiosité et nous éveille au
sens moral. Ainsi, les
sonneries du Shofar renferment-elles de nombreux sens dont il est évident
que la plupart ne sont pas perceptibles par l'intelligence humaine.

Face à cette question, il peut exister deux déviations,
dangereuses
toutes les deux, qui constituent en quelque sorte deux attitudes
extrémistes
et fallacieuses.

D'après la première, I'homme aurait les facultés
nécessaires pour tout
comprendre. Ce qui revient à dire, par exemple selon la theorie
d'Aristote,
que seul l'intelligible est réel: ce que l'homme ne peut comprendre
n'existerait pas.

L'autre déviation consiste à penser que l'on ne peut rien
approfondir et
que tout est mystère. Or il est certain que les commandements de la Tora
font appel à nos facultés de compréhension, comme il
est écrit: "Ta
'mitsva' [précepte] est très large et immense". Mais d'un
autre côté, il
existe dans une certaine mesure une zone frontière entre ce qui est
perceptible par l'intelligence, et ce qui se trouve au-delà d'elle.

Maïmonide consacre une partie importante de son Livre des
Egarés à
ce qu'il appelle les "Taamé ha-Mitsvot" (Les motivations des
préceptes), et
explique que l'être humain ne peut prétendre comprendre et
assimiler
l'intégralité des commamdements, et particulièrement
les commandements
les plus ardus - comme celui des cendres purificatrices de la vache rousse.

De la même manière, il n'est pas très aisé de
saisir aisément toutes les
significations du précepte qui consiste à s'emparer d'une
corne de bélier
pour y souffler à plusieurs reprises, et selon des durées et
des intonations
différentes .

La seule interprétabon rationnelle, explique encore Maïmonide,
consiste
à dire que le Shofar réveille l'âme humaine. Pendant
toute l'année, I'être
humain mène en effet un train de vie "infernal" qui ne lui laisse pas
le loisir
de se pencher posément sur le sens de son existence. Or à
Rosh Hashana,
le Shofar vient nous extirper de cette torpeur: grâce à ses sons si
impressionnants et si purs, il ébranle notre personme et notre sensibilité.
"Le Shofar peut-il retentir dans la ville sans que le peuple ne soit pris de
tremblements ?" remarque le prophète. Ce curieux instrument qui semble
venir du fond des âges, suscite en effet un réveil au plus
profond de l'être
humain et le force à secouer sa nature foncièrement bonne.

Certaines théories ont prétendu que l'éducation
idéale consistait à
imposer et calquer sur l'individu un comportement qui lui est
fondamentalement extérieur. C'était la conception en vigueur
dans le
monde occidental jusqu'il y a deux cents ans.

Ce n'est qu'il y a deux siècles que quelques penseurs
révolutionnaires,
comme Jean-Jacques Rousseau, ont démontré que cette approche
était
erronée: I'éducation ne devrait pas avoir pour objectif de
forcer l'homme à
accepter des qualités et des penchants qu'il ne possède pas
par nature. Au
contraire, I'éduquer consiste à le libérer de ses
mauvais instincts et de son
côté négatif et de permettre à son
intérionté de s'épanouir. Lorsque
l'homme apparaîtra dans son aspect le plus pur, son éducation
aura réussi.
C'est là une conception optimiste selon laquelle l'être humain est
intrinsèquement bon, alors que c'est bel et bien la
société, le monde
organisé et la vie quotidienne qui endommagent son âme.

Cette conception est conforme à celle de la Tora: "Dieu créa
l'homme
'tov meod' [impeccablement, parfaitement]", proclame la Bible dans les
premiers chapitres de la Genèse. Il faut donc parfois aider
l'être humain à
se libérer de l'emprise de certaines influences néfastes.
C'est pourquoi, disait Rousseau, toute chose est bonne au moment où
elle sort de la main du Créateur, alors qu'elle se
détériore une fois
parvenue dans la main de l'homme. Voilà pourquoi la véritable
éducation
de l'enfant consiste à lui faire découvrir sa nature propre.

Mais attention ! Il ne s'agit pas là d'une simple méthode
pédagogique,
sans doute assez attrayante en apparence pour l'éducation scolaire
moderne. Cette analyse va beaucoup plus loin: elle remet totalement en
cause toute la doctrine chrétienne ancienne qui considérait
les enfants
comme des suppôts du Diable uniquement parce qu'à leur jeune
âge il
n'avaient d'autres activités que celles de dormir et de manger.

L'idée directrice de ces conceptions chrétiennes
surannées consistaient à
inculquer aux enfants exclusivement des "bonnes choses", afin d'exorciser
leurs "tendances sataniques" naturelles. Remarquons d'ailleurs que cette
méthode ne s'appliquait qu'aux individus du genre masculin les jeunes
filles étant déjà condamnées des leur naissance
à une satanisation
permanente et définitive.

Une déviation qui explique pourquoi certains de ces
chrétiens, fort
respectueux de cette tradition voyaient d'un très mauvais oeil le mariage,
ne s'y soumettant que pour perpétuer la descendance de leur
commumauté.

A l'opposé, la Tora explique clairement que l'homme possède
une âme
pure: "L'âme que Tu m 'as donnée est pure", dit-on au matin
dans la prière
du réveil. Pour la Bible hébraïque, I'homme a
été créé "à l'image de Dieu"
et l'Ecclésiaste vient nous préciser que "Dieu a
créé l'homme droit" - alors
que c'est seulement l'existence terrestre qui entame cette certitude.

Cela ne signifie évidemment pas qu'il faille donc délaisser
l'existence
terrestre et sociale: ne sommes-nous pas ici-bas pour sanctifier le Nom de
Dieu - une entreprise nettement plus complexe que la mission des anges,
lesquels se "bornent" quant à eux à sanctifier le
Créateur dans les cieux
(aunsi qu'il est mentionné dans le texte de la Kedoucha de la Amida, la
prière des Dix-huit bénédictions) ?

En fait, le son du Shofar vient nous réveiller et nous rappeler qui nous
sommes réellement, quels objectifs élevés sont les
nôtres dans ce monde-ci
et combien notre nature profonde recèle de richesses enfouies.

D'ailleurs ce cor est lui-même un instrurnent "naturel", certainement le
plus naturel qui puisse exister, puisqu'il est simplement fait d'une corne de
bélier !

Pour Maïmonide, les sonneries du Shofar restent donc au-delà de la
compréhension humaine, mais elles font naître en nous un
espoir: celui
que leurs sons stridents ou graves, dénudés ou brisés,
parfois même
sanglotants, puissse réveiller authentiquement nos facultés
secrètes.

Mais, au-delà de cette explication de Maïmonide, nous pouvons tenter
de pousser l'interprétation plus loin en rappelant aussi que le
Shofar est
souvent mentionné dans le texte biblique comme étant
utilisé à des fins de
guerre .

Il est bien sûr toujours nettement plus heureux de régler des
différends
entre nations ou Etats en discutant et en négociant. Mais il existe
parfois
des situations qui ne laissent guère le choix et l'on est contraint
de partir en
guerre. Pour la Tora, c'est une Mitsva de partir en guerre lorsque
Israël fait
face à une menace susceptible de remettre en cause son existence
même !
Or, lorsque le peuple d'Israël se mobilise et "sort" en guerre, il se
doit de
sonner le Shofar pour, là encore, éveiller les
énergies et les motivations les
plus nobles des combattants.

Le fait est qu'à Rosh Hashana également, nous partons "en guerre":
une guerre contre les pulsions instinctives négatives qui demeurent en
nous! Or, comme nous le savons, il n'est guère aisé de
remporter cette
campagne. Ne sommes-nous pas, comme le commun des mortels,
fortement soumis à nos pulsions ?

L'exercice à bon escient de la liberté constitue un talent
divin mais qu'il
convient de développer et de structurer comme n'importe quel talent.
Ainsi, le virtuose du piano doit-il s'entramer constamment pour
intrepréter
avec grâce et maestria son morceau. Il en est de même pour la guerre
quand la vie même d'Israël est en danger.

Nous l'avons dit, à Rosh Hashana, I'homme qui tente de retrouver sa
nature profonde doit combattre aussi et entamer un combat. C'est alors, dit
Maïmonide, que le Shofar l'aide à rencontrer et à saisir
son intériorité.

Dans l'un de ses ouvrages (Orot ha-Kodesh - "Les Lumières du
Sacré''), le Rav Kook consacre une vingtaine de chapitres a ces
sujets et les
regroupe sous un titre général fort évocateur: "La
découverte de la
personnallé et la guerre intérieure".

Et encore n'est-ce là que l'un des nombreux enseignements que l'on
peut commenter autour de ce précepte si profond et si
spécifique des
sonneries du Shofar.