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--PESSAH (II)

UNE NATION COURAGEUSE

"L'Eternel dit à Moïse: 'Pourquoi m'implores-tu ? Parle aux enfants
d'Israël, et qu'ils avancent ! Et toi, lève ton bâton et
étends ta main
sur la mer, et divise-la, et les Enfants d'Israël entreront au milieu de
la mer !' ..." (Exode, XIV, lS-16).

Il y a lieu de s'étonner de cet ordre que Dieu avait imposé
à Moïse
avant le fameux "passage à pied sec" de la mer Rouge par les
Hébreux.
Cormment les Enfants d'Israël auraient-ils pu pénétrer
dans la mer ? C'est
en effet la question que pose le célèbre Sage d'origine
marocaine, Rabbi
Haïm Benattar. Qui donc Moïse pouvait-il implorer à ce
moment, si ce
n'est le Maître de l'univers ? Si l'on tient compte du contexte
particulièrement difficile dans lequel se trouvait l'ensemble du peuple,
explique ce Sage, quelle direction aurait-il pu prendre puisqu'il était
poursuivi en arrière par les Egyptiens, et que la mer lui barrait le
passage
par devant lui ? Si Dieu avait l'intention de fendre les flots, n'aurait-ll pas
d'abord dû le faire savoir par révélation à
Moïse ? Et ce n'aurait eté
qu'après, en toute logique, que Moïse aurait pu donner l'ordre
au peuple
d'avancer dans la mer (Commentaire Or ha-Haim). L'ordonnancement de
ce passage de notre section shabbatique aurait été alors bien plus
compréhensible et bien plus "rationnel" !

La réponse traditionnelle à ce genre d'interrogation est la
suivante: pour
qu'ait lieu un miracle divin, il faut d'abord qu'existe un
"réceptacle" à la
lumière divine inhérente à cette manifestation. En
fait, ce réceptacle n'est
autre que l'implication de l'homme dans le processus du miracle - ce
qu'exprime à sa manière l'adage bien connu: "Aide-toi, et Ie
Ciel t'aidera!"

Afin d'être sauvé - et pour mériter d'être sauve
- il faut concrètement
apporter la preuve de ce désir et de cette volonté
d'être épargné ! Pour être
le temoin d'un miracle, il faut avoir foi en ce rniracle, et être
prêt a sacrifier
quelque chose de soi-même, il convient donc de mériter ce
miracle. C'est
bien connu: "On n'a rien sans rien !"

C'est ainsi également que nous pouvons comprendre un autre épisode
biblique: lors de la première soirée pascale, certains ont un
cérémonial
particulier pour attirer l'attention des enfants, en prononcant le verset
suivant: "Et vous le [I'agneau pascal] mangerez, la ceinture aux reins, les
sandales aux pieds, vos bâtons à la main; et vous le mangerez avec
précipitation ! c'est un sacrifice pascal pour Dieu" (Exode, XI, 2). Dans
son livre Pri Tzadik, Rabbi Tzadok Hacohen de Lublin pose la question
suivante: pourquoi les Hébreux ont-ils mangé l'agneau pascal
en pleine
nuit, alors que la Sortie d'Egypte n'est intervenue que le lendemain en
pleine journée " En effet, chronologiquement, ce repas s'est
déroulé alors
que les Enfants d'Israël n'étaient pas encore libres ! En fait,
répond notre
Rabbi, ce repas spécial constituait une préparation: les
Hébreux
montraient par là qu'ils étaient prêts à suivre
Dieu en tous lieux ! Comme
le dit le prophète Jérémie: "Et tu me suivais dans le
désert" (Jérémie, ,
2). Certes, les Enfants d'Israël pouvaient manger l'agneau pascal pendant
toute la nuit, et ils auraient même eu assez de temps pour le terminer
jusqu'au matin, et pourtant Dieu leur a ordonné de le consommer en
"état
d'alerte" et en vitesse, uniquement afin de démontrer à
travers ce geste leur
infinie disponibilité I être sauvés par Ses soins.

Seulement, si lors de cette première et fameuse nuit du quinze Nissan
où tous ont mangé l'agneau pascal, il suffisait de cette
seule disponibilité,
sept jours plus tard, devant la mer Rouge, il fallait faire preuve de
beaucoup plus de courage pour mériter un miracle aussi impressionnant
que la déchirure des flots !

On peut tout de même préciser que le sacrifice de l'agneau
pascal n'était
pas un acte anodin: il nécessitait un grand courage puisque cet animal
avait en Egypte le statut d'une divinité, et que le consommer
risquait d'être
fort dangereux pour les Hébreux. On remarque donc que lors de ce
premier épisode, les Enfants d'Israël avaient
déjà surmonté leur crainte: ils
n'ont pas hésité à I'attacher, durant trois jours au
pied de leurs lits, cette
divinité égyptienne, et l'ont solennellement consommée
sans nulle peur
d'une quelconque réaction des Egyptiens

Dans le contexte de la société carcérale et oppressive
du Pharaon,
c'était là un geste hautement téméraire et
audacieux. Et c'est justement
cette audace qui leur a fait mériter la Sortie d'Egypte.

Quant au passage de la mer Rouge et à la question
précitée de Rabbi
Haïm Benattar, la tradition hébraïque répond ainsi:
"Selon nos Sages, un
problème fut soulevé dans le tribunal d'En-Haut à
propos de la
possibibté de leur faire un miracle puisque, il faut le
reconnaître, les
Enfants d'Israël étaient des idolâtres. Pourquoi donc
méritaient-ils qu'un
miracle leur soit fait au détriment des Egyptiens " (Beshalah, Mehilta,
alinéa 4). C'est que la "Midat ha-Din" - un "jugement
sévère" - pesait sur
eux au moment même où ils devaient bénéficier de
la "Midat ha-
Rahamim" - un "jugement miséricordieux".

Or pour etre le réceptacle de la miséricorde divine, il
fallait qu'ils
puissent accomplir de bonnes actions, voire même qu'ils montrent un
zèle
exceptionnel vers le bien; et c'est pourquoi Dieu dit à Moïse:
"Pourquoi
m'implores-tu ?" Autrement dit, selon le Or ha-Halm: "Ce n'est pas là la
solution ! Par contre, il est indispensable que les Enfants d'Israël
renforcent leur foi et pénètrent d'eux-memes dans les flots
avant que
ceux-ci ne se fendent : ainsi seulement, ils prouveraient leur profonde
confiance en Dieu - ce qui contribuerait grandement à éveiller la
miséricorde divine. Alors seulement, toi, Moïse, tu
soulèveras ton baton !
C'est donc cette action méritoire des Enfants d'Israël qui te
permettra de
susciter un miracle et defendre les flots. Et ce sera grâce à
la puissante
foi et la grande confiance du peuple d 'Israël en Dieu, que le
fléau de la
balance penchera en leur faveur".

Rachi exprime cette même idée de manière plus succinte:
"... 'Qu'ils
avancent !' dit Dieu dans la Tora. Il leur faut seulement se mettre en
marche et la mer ne leur fera plus obstacle ! Le mérite de leurs
ancêtres
et la foi qu'ils Me portent suffiront pour que la mer se sépare' dit
I Éternel".

Nous pouvons d'ailleurs ajouter que les flots ne se sont pas fendus
immédiatement après que les Enfants d'Israël y aient
pénétré: Moïse se
trouvait sur la berge et ordonnait au peuple d'avancer. Ce que firent les
Hébreux: I'eau leur arriva aux genoux, puis à la hanche, puis
au cou, et ce
n'est que lorsque les flots parvinrent à la hauteur de leur bouche
que la mer
se fendit ! A travers ce difficile épisode, Dieu a donc pu mesurer la
confiance des Enfants d'Israël en lui. Et c'est donc cette foi qui
leur a fait
mériter ce miracle exceptionnel n y a en effet une
corrélation entre le
dévouement humain - en hébreu "Messirout nefesh" ou esprit de
sacrifice -
et l'apparition du miracle.

Le Talmud nous raconte l'histoire suivante: "Rav Papa avait demandé
à Abayé Pourquoi les premières
générations avaient eu droit à tant de
miracles et pas nous ?' 'Par exemple, ajouta Rav Papa: nous, lorsque la
sécheresse s'installe sur notre terre, nous jeûnons le lundi
et le jeudi, et
pourtant nous n'obtenons aucun résultat, alors qu'au cours de la
génération
précédente, il suffisait que Rav Yéhouda ôte ses
chaussures (en signe de
contrition) pour que la pluie apparaisse ! Peut-être est-ce parce
qu'à son
époque, les Sages étaient plus dévoués à
l'étude de la Tora qu'à la nôtre ?'
'Non, continua Pav Papa, il n'en est rien ! Au contraire, nous
étudions plus
que dans la dernière génération. Preuve en est: Rav
Yéhouda lui-même
s'est retrouvé impuissant devant certaines questions talmudiques
délicates,
alors que nous avons quant à nous su trouver à ces
interrogations des
explications adéquates'. Abayé lui répondit que la
grandeur des
générations précédentes venait du fait gu'elles
étaient prêtes à de
nombreux sacrifices pour la sanctification du nom divin [Messirout
Nefesh al Kiddoush Hashem]: 'Et c'est pourquoi elles ont eu le mérite
d'être témoins de nombreux miracles, elles et pas la
nôtre !' ..." (Traité
Berakhot, p. 20/a). D'ailleurs, I'épisode relaté dans cette
démonstration très
didactique du Talmud n'était justement pas un épisode dans lequel
quelqu'un avait risqué sa vie, mais plutôt une grosse somme
d'argent
équivalant à ce qui est nécessaire pour vivre pendant
deux ans. Or,
sacrifier son argent est en quelque sorte sacrifier sa vie !

Dieu dit alors: "Inutile de m'implorer davantage ! La seule chose qui
leur reste à faire, c'est de se mettre en marche dans les flots".

Nous pouvons deviner dans le texte biblique les teribles hésitations des
Enfants d'Israël Mais en fin de compte, I'un d'eux prit l'initiative
et sauta
courageusement dans les flots: "Lorsque les Enfants d'lsraël se
trouvaient au bord de la mer, les tribus rivalisaient les unes avec les
autres pour ne pas pénétrer la première dans la mer.
C'est alors que
Nahshon Ben Aminadav, prince de Juda, se leva et se précipita dans les
flots. A ce moment-là, Moïse priait vers I'Eternel Dieu lui
dit: 'Mes bien-
aimés se noient dans la mer, et toi tu pries longuement devant Moi ?!'
Moïse répondit 'Mais que puisje faire ?' Il lui dit: 'Parle aux
Enfants
d'Israël et qu'ils avancent !' ... (Traité talmudique Sota, p.
37/a).

Nahshon n'a pas hésité et a plongé dans la mer ! Et
c'est grâce à son
mérite que le peuple tout entier a pu franchir la mer Rouge.

Depuis ce geste courageux d'un prince d'Israël, chaque homme de notre
peuple, de génération en génération, est
appelé à manifester, d'une manière
ou d'une autre, sa "messirout Nefesh" - son dévouement- et son sens du
sacrifice pour l'ensemble de la nation, pour la terre d'Israël et pour la
Délivrance.