----------------------------------------------------------------- ------------- ©Tout droits réservés Sifriat Hava, Beit El, Mizrah Binyamin 96031 Israël Communauté On-Line : WWW.COL.FR ---------------------------------------------------------------------------- --PESSAH (II) UNE NATION COURAGEUSE "L'Eternel dit à Moïse: 'Pourquoi m'implores-tu ? Parle aux enfants d'Israël, et qu'ils avancent ! Et toi, lève ton bâton et étends ta main sur la mer, et divise-la, et les Enfants d'Israël entreront au milieu de la mer !' ..." (Exode, XIV, lS-16). Il y a lieu de s'étonner de cet ordre que Dieu avait imposé à Moïse avant le fameux "passage à pied sec" de la mer Rouge par les Hébreux. Cormment les Enfants d'Israël auraient-ils pu pénétrer dans la mer ? C'est en effet la question que pose le célèbre Sage d'origine marocaine, Rabbi Haïm Benattar. Qui donc Moïse pouvait-il implorer à ce moment, si ce n'est le Maître de l'univers ? Si l'on tient compte du contexte particulièrement difficile dans lequel se trouvait l'ensemble du peuple, explique ce Sage, quelle direction aurait-il pu prendre puisqu'il était poursuivi en arrière par les Egyptiens, et que la mer lui barrait le passage par devant lui ? Si Dieu avait l'intention de fendre les flots, n'aurait-ll pas d'abord dû le faire savoir par révélation à Moïse ? Et ce n'aurait eté qu'après, en toute logique, que Moïse aurait pu donner l'ordre au peuple d'avancer dans la mer (Commentaire Or ha-Haim). L'ordonnancement de ce passage de notre section shabbatique aurait été alors bien plus compréhensible et bien plus "rationnel" ! La réponse traditionnelle à ce genre d'interrogation est la suivante: pour qu'ait lieu un miracle divin, il faut d'abord qu'existe un "réceptacle" à la lumière divine inhérente à cette manifestation. En fait, ce réceptacle n'est autre que l'implication de l'homme dans le processus du miracle - ce qu'exprime à sa manière l'adage bien connu: "Aide-toi, et Ie Ciel t'aidera!" Afin d'être sauvé - et pour mériter d'être sauve - il faut concrètement apporter la preuve de ce désir et de cette volonté d'être épargné ! Pour être le temoin d'un miracle, il faut avoir foi en ce rniracle, et être prêt a sacrifier quelque chose de soi-même, il convient donc de mériter ce miracle. C'est bien connu: "On n'a rien sans rien !" C'est ainsi également que nous pouvons comprendre un autre épisode biblique: lors de la première soirée pascale, certains ont un cérémonial particulier pour attirer l'attention des enfants, en prononcant le verset suivant: "Et vous le [I'agneau pascal] mangerez, la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, vos bâtons à la main; et vous le mangerez avec précipitation ! c'est un sacrifice pascal pour Dieu" (Exode, XI, 2). Dans son livre Pri Tzadik, Rabbi Tzadok Hacohen de Lublin pose la question suivante: pourquoi les Hébreux ont-ils mangé l'agneau pascal en pleine nuit, alors que la Sortie d'Egypte n'est intervenue que le lendemain en pleine journée " En effet, chronologiquement, ce repas s'est déroulé alors que les Enfants d'Israël n'étaient pas encore libres ! En fait, répond notre Rabbi, ce repas spécial constituait une préparation: les Hébreux montraient par là qu'ils étaient prêts à suivre Dieu en tous lieux ! Comme le dit le prophète Jérémie: "Et tu me suivais dans le désert" (Jérémie, , 2). Certes, les Enfants d'Israël pouvaient manger l'agneau pascal pendant toute la nuit, et ils auraient même eu assez de temps pour le terminer jusqu'au matin, et pourtant Dieu leur a ordonné de le consommer en "état d'alerte" et en vitesse, uniquement afin de démontrer à travers ce geste leur infinie disponibilité I être sauvés par Ses soins. Seulement, si lors de cette première et fameuse nuit du quinze Nissan où tous ont mangé l'agneau pascal, il suffisait de cette seule disponibilité, sept jours plus tard, devant la mer Rouge, il fallait faire preuve de beaucoup plus de courage pour mériter un miracle aussi impressionnant que la déchirure des flots ! On peut tout de même préciser que le sacrifice de l'agneau pascal n'était pas un acte anodin: il nécessitait un grand courage puisque cet animal avait en Egypte le statut d'une divinité, et que le consommer risquait d'être fort dangereux pour les Hébreux. On remarque donc que lors de ce premier épisode, les Enfants d'Israël avaient déjà surmonté leur crainte: ils n'ont pas hésité à I'attacher, durant trois jours au pied de leurs lits, cette divinité égyptienne, et l'ont solennellement consommée sans nulle peur d'une quelconque réaction des Egyptiens Dans le contexte de la société carcérale et oppressive du Pharaon, c'était là un geste hautement téméraire et audacieux. Et c'est justement cette audace qui leur a fait mériter la Sortie d'Egypte. Quant au passage de la mer Rouge et à la question précitée de Rabbi Haïm Benattar, la tradition hébraïque répond ainsi: "Selon nos Sages, un problème fut soulevé dans le tribunal d'En-Haut à propos de la possibibté de leur faire un miracle puisque, il faut le reconnaître, les Enfants d'Israël étaient des idolâtres. Pourquoi donc méritaient-ils qu'un miracle leur soit fait au détriment des Egyptiens " (Beshalah, Mehilta, alinéa 4). C'est que la "Midat ha-Din" - un "jugement sévère" - pesait sur eux au moment même où ils devaient bénéficier de la "Midat ha- Rahamim" - un "jugement miséricordieux". Or pour etre le réceptacle de la miséricorde divine, il fallait qu'ils puissent accomplir de bonnes actions, voire même qu'ils montrent un zèle exceptionnel vers le bien; et c'est pourquoi Dieu dit à Moïse: "Pourquoi m'implores-tu ?" Autrement dit, selon le Or ha-Halm: "Ce n'est pas là la solution ! Par contre, il est indispensable que les Enfants d'Israël renforcent leur foi et pénètrent d'eux-memes dans les flots avant que ceux-ci ne se fendent : ainsi seulement, ils prouveraient leur profonde confiance en Dieu - ce qui contribuerait grandement à éveiller la miséricorde divine. Alors seulement, toi, Moïse, tu soulèveras ton baton ! C'est donc cette action méritoire des Enfants d'Israël qui te permettra de susciter un miracle et defendre les flots. Et ce sera grâce à la puissante foi et la grande confiance du peuple d 'Israël en Dieu, que le fléau de la balance penchera en leur faveur". Rachi exprime cette même idée de manière plus succinte: "... 'Qu'ils avancent !' dit Dieu dans la Tora. Il leur faut seulement se mettre en marche et la mer ne leur fera plus obstacle ! Le mérite de leurs ancêtres et la foi qu'ils Me portent suffiront pour que la mer se sépare' dit I Éternel". Nous pouvons d'ailleurs ajouter que les flots ne se sont pas fendus immédiatement après que les Enfants d'Israël y aient pénétré: Moïse se trouvait sur la berge et ordonnait au peuple d'avancer. Ce que firent les Hébreux: I'eau leur arriva aux genoux, puis à la hanche, puis au cou, et ce n'est que lorsque les flots parvinrent à la hauteur de leur bouche que la mer se fendit ! A travers ce difficile épisode, Dieu a donc pu mesurer la confiance des Enfants d'Israël en lui. Et c'est donc cette foi qui leur a fait mériter ce miracle exceptionnel n y a en effet une corrélation entre le dévouement humain - en hébreu "Messirout nefesh" ou esprit de sacrifice - et l'apparition du miracle. Le Talmud nous raconte l'histoire suivante: "Rav Papa avait demandé à Abayé Pourquoi les premières générations avaient eu droit à tant de miracles et pas nous ?' 'Par exemple, ajouta Rav Papa: nous, lorsque la sécheresse s'installe sur notre terre, nous jeûnons le lundi et le jeudi, et pourtant nous n'obtenons aucun résultat, alors qu'au cours de la génération précédente, il suffisait que Rav Yéhouda ôte ses chaussures (en signe de contrition) pour que la pluie apparaisse ! Peut-être est-ce parce qu'à son époque, les Sages étaient plus dévoués à l'étude de la Tora qu'à la nôtre ?' 'Non, continua Pav Papa, il n'en est rien ! Au contraire, nous étudions plus que dans la dernière génération. Preuve en est: Rav Yéhouda lui-même s'est retrouvé impuissant devant certaines questions talmudiques délicates, alors que nous avons quant à nous su trouver à ces interrogations des explications adéquates'. Abayé lui répondit que la grandeur des générations précédentes venait du fait gu'elles étaient prêtes à de nombreux sacrifices pour la sanctification du nom divin [Messirout Nefesh al Kiddoush Hashem]: 'Et c'est pourquoi elles ont eu le mérite d'être témoins de nombreux miracles, elles et pas la nôtre !' ..." (Traité Berakhot, p. 20/a). D'ailleurs, I'épisode relaté dans cette démonstration très didactique du Talmud n'était justement pas un épisode dans lequel quelqu'un avait risqué sa vie, mais plutôt une grosse somme d'argent équivalant à ce qui est nécessaire pour vivre pendant deux ans. Or, sacrifier son argent est en quelque sorte sacrifier sa vie ! Dieu dit alors: "Inutile de m'implorer davantage ! La seule chose qui leur reste à faire, c'est de se mettre en marche dans les flots". Nous pouvons deviner dans le texte biblique les teribles hésitations des Enfants d'Israël Mais en fin de compte, I'un d'eux prit l'initiative et sauta courageusement dans les flots: "Lorsque les Enfants d'lsraël se trouvaient au bord de la mer, les tribus rivalisaient les unes avec les autres pour ne pas pénétrer la première dans la mer. C'est alors que Nahshon Ben Aminadav, prince de Juda, se leva et se précipita dans les flots. A ce moment-là, Moïse priait vers I'Eternel Dieu lui dit: 'Mes bien- aimés se noient dans la mer, et toi tu pries longuement devant Moi ?!' Moïse répondit 'Mais que puisje faire ?' Il lui dit: 'Parle aux Enfants d'Israël et qu'ils avancent !' ... (Traité talmudique Sota, p. 37/a). Nahshon n'a pas hésité et a plongé dans la mer ! Et c'est grâce à son mérite que le peuple tout entier a pu franchir la mer Rouge. Depuis ce geste courageux d'un prince d'Israël, chaque homme de notre peuple, de génération en génération, est appelé à manifester, d'une manière ou d'une autre, sa "messirout Nefesh" - son dévouement- et son sens du sacrifice pour l'ensemble de la nation, pour la terre d'Israël et pour la Délivrance.