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--PEKOUDE

"L'ETERNEL FEMININ": UNE SAUVEGARDE DE LA NATION


"Il fit le bassin d 'airain et son support d 'airain à l 'aide des
miroirs des
femmes qui s'étaient assemblées en armées à la
porte de la Tente
d'assignation" (Exode, XXXVIII, 8). Que sont donc ces miroirs de
femmes, et pourquoi dans notre verset, le terme "assemblées" est à
rapprocher en hébreu du terme "armées" ?

La réponse apparaît dans le commentaire de Rachi que nous
reproduisons ici intégralement compte tenu de son importance et de sa
pertinence: "Les filles d'Israël possédaient des miroirs devant
lesquels
elles se regardaient lorsqu'elles se faisaient belles. Et pourtant,
même ces
miroirs, elles n'hésitèrent pas à les apporter afin
qu'ils servent
d'offrandes pour la construchon du Tabernacle. Mais Moïse
répugna à
les accepter parce qu'ils étaient destinés à
satisfaire le penchant du mal'
L'Eternel lui répondit alors: 'Accepte-les, car ils Me sont plus
chers que
tout. En effet ,c'est grace à ces miroirs que les femmes ont
donné le jour à
nos nombreuses armées qui sont sorties d 'Egypte' ...".

D'après Rachi, le terme "Tsebaot" traduit ici par "armées" peut
également signifier "atroupements", et faire donc allusion aux "Tsvaot
ashem" - les "légions de Dieu", à savoir les Enfants
d'Israël qui sortirent
d'Egypte (Exode, Xl, 14) "En effet, continue Rachi, lorsque leurs mains
rentraient au foyer conjugal épuisés après une
journée de dur labeur, les
,femmes allaient leur apporter nourriture et boisson. Les femmes leur
donnaient à manger et elles emportaient leurs miroirs. Chacune se
regardait dans le miroir avec son mari, et ainsi elles éveillaient
en eux le
désir, s'unissaient à eux et devenaient mères, comme il
est écrit: 'C'est
sous ce pommier que j'ai éveillé ton amour' (Cantique des
Cantiques,
VIII, 5) ...". On déduit de ce passage que les miroirs des femmes
ont donc
contribué indirectement à former ces "armées" du
peuple hébreu. Or c'est
bien avec ces mêmes miroirs que fut fabriquée la cuve du Sanctuaire
servant aux ablutions.
Il ne faut évidemment pas oublier que cet épisode idyllique s'est
toutefois produit dans le contexte tragique de l'infernal asservissement des
Enfants d'Israël, à l'époque où ils furent
détenus et exploités dans les
camps de concentration et de travail égyptiens. Il convient
également de se
souvenir que c'est dans ce contexte-là que fut publié le
terrible décret de
Pharaon ordonnamt aux Hébreux de jeter tout nouveau-né
mâle dans les
eaux du Nil. On peut donc comprendre que des parents qui auraient
été
contraints de se plier aux dispositions de cet infame décret
n'auraient guère
pu se regarder en face jusqu'à la fin de leurs jours.

C'est cette atroce situation qui avait effectivement provoqué le
désespoir d'Amram, le leader d'Israël, à tel point qu'il
avait décidé de se
séparer de son épouse. Il estimait qu'il était
préférable de ne pas enfanter
plutôt que de risquer d'apporter sa contribution à ce qu'il
considérait
comme un "autogénocide''. Et tout naturellement, I'ensemble du peuple a
suivi l'exemple de son leader.

Il fallut ensuite toute la force de persuasion de Myriam, la fille
d'Amram qui n'était âgée à l'époque que
de cinq ans, pour que ce dernier
se laisse convaincre de reconstruire son foyer (voir Rachi, Exode, Il, 1).
Cette mibative de Myriam a en fait rendu possible la naissance de Moïse,
son irere.

Nous savons aussi que grâce à une nouvelle intervention de Myriam,
Molse fut sauvé des eaux par la fille de Pharaon et qu'il
vécut longtemps à
la cour du maître de l'Egypte. Mais que sont donc finalement devenus les
enfants nés à sa suite dans les autres foyers hébreux
? Où et comment le
peuple d'Israël parvint-il à puiser les forces morales
indispensables pour
surmonter cet horrible épisode de son histoire ?

En fait, la réponse se trouve encore aussi bien dans le verset
déjà cité en
exergue que dans le commentaire éclairé de Rachi.

Les miroirs des femmes qui servirent à la création de la Cuve du
Sanctuaire, n'avaient jamais été des objets futiles. A
l'époque de
l'asservissement d'Egypte, ils avaient non seulement permis aux Hébreux
de surmonter, aux côtés de leurs épouses, les moments
cruels de
l'esclavage, mais ils avaient par ailleurs bel et bien permis la naissance de
plusieurs "légions" et "armées" d'Enfants d'Israël, tous
prêts au service
divin Ainsi, ces miroirs avaient-ils contribué à la
sauvegarde du peuple
hebreu.

Le Midrash Tanhouma - qui constitue la principale source sur laquelle
s'appuie ici Rachi - décrit cet épisode avec l'abondance de
détails que
voici: "Nous avons appris qu'à l'époque où les Enfants
d'Israël étaient
astreints aux plus durs travaux en Egypte, un décret de Pharaon leur
interdit de dormir chez eux et donc d'avoir des rapports avec leurs
femmes. Rabbi Shimon Ben Halaffa disait: Que faisaient les filles
d'Israël ? Elles allaient puiser de l'eau au fleuve et là,
elles trouvaient
providentiellement des petits poissons. Elles en vendaient une partie et
achetaient du vin avec cet argent Ensuite, elles cuisinaient les poissons
qui restaient et se rendaient ainsi aux champs où leurs époux
travaillaient Lorsqu'ils avaient mangé et bu, elles prenaient leurs
miroirs
et s y contemplaient avec leurs maris. La femme disait . 'Je suis plus belle
que toi !', et le mari lui répondait: 'Non, c'est moi qui suis plus
beau que
toi !' Et ainsi, ils éveillaient leurs désirs mutuels. Ils
s'unissaient, et par
miracle, ee Saint béni soit-ll rendait leur union féconde.
Ainsi qu'il est
écrit: 'Les enfants d'Israël furent féconds et se
multiplièrent; ils
s'accrurent et devinrent de plus en plus féconds' (Exode, I, 7). Il
est écrit
ailleurs: 'Plus on l'attaquait, plus il se multipliait' Le mérite en
revient
donc à ces miroirs. C'est au milieu des plus durs travaux que les femmes
hébraïques donnèrent naissance à ces nombreuses
armées. Ainsi qu'il est
écrit: 'Toutes les armées de l'Eternel sortirent du pays
d'Egypte' (Exode,
XII, 41). Lorsque l'Eternel dit à Moïse de construire la Tente
d 'assignation, tout Israël apporta sa contribution: les uns
apportèrent de
l'argent, les autres de l'or, du cuivre et des pierres d'onyx. Ils firent donc
preuve du plus grand empressement Les femmes dirent alors:
'Qu'avons-nous à offrir au Temple ?' Et immédiatement, elles
pensèrent
à leurs miroirs. Voyant cela, Moise s'emporta contre elles et dit aux
Enfants d'Israël 'Qu'avons nous à faire de ces miroirs ?' L'Eternel
répondit à Moise que ces miroirs avaient rendu possible la
formation
des 'armées' du peuple hébreu [et il lui dit]: 'Prends-les,
et fais-en un
bassin de cuivre afin que les prêtres puissent s'y purifier' . "

D'une manière genérale, les habitudes de pudeur et de discrétion
recommandées par la Loi juive et toute la tradition ont
poussé nos Sages à
ne pas considérer avec grande sympathie la mise en valeur
systématique de
la beauté féminine. La Tora estime en effet que l'exposition
de cette beauté
est de nature à faire trébucher les hommes hébreux en
éveillant leurs plus
bas instincts. Par ailleurs, cette mise en valeur agressive de leur aspect
extérieur ne fait-elle pas aussi des femmes par trop
séduisantes, des
femmes-objets ? Or l'on vient nous enseigner ici - avec ce passage sur la
fabrication de la Cuve d'airain du Sanctuaire - que ce même instinct, qui
peut amener l'homme à l'impureté et à l'ignominie,
peut également le
conduire à renforcer les relations à l'intérieur de
son couple et à redonner
une stabilité à son foyer.

"Tu aimeras ton Dieu de tout ton coeur": dans ce célèbre verset du
Shemah - la prière récitée matin et soir - c'est une
expression redoublée
("levav") qui est employée à la place du mot "lev", le
"coeur". Nos Sages
expliquent à ce propos: "[Tu aimeras ton Dieu] avec tes deux penchants:
le bon et le mauvais" (Mishna Berakhot, I;X, 5).

L'instinct de la femme est de mettre en valeur sa beauté. Mais ce qui en
général dérive du penchant du mal, peut être
également utilisé à bon
escient et pour le bien lorsque cela sert à renforcer les liens
unissant un
couple .

Dans ce contexte, il est intéressant de remarquer que cette cuve
d'ablution servait non seulement à purifier les prêtres avant
le service divin,
mais aussi, d'après Rachi, elle recevait l'eau que buvait la "femme
sota" -
une épouse dont le mari aurait éprouvé de la jalousie
parce qu'elle se serait
isolée avec un homme. Ainsi, I'eau contenue dans cette cuve
confectionnée
avec les miroirs des femmes d'Israël servait-elle, dans sa
finalité, à
ramener la paix entre les deux époux et à recréer
l'harmonie au sein du
couple. Et ce, de la même manière qu'en Egypte, les miroirs
avaient permis
aux couples hébreux de retrouver une intimité pure et
même miraculeuse.

A nouveau dans cet épisode, les épouses d'Israël
apparaissent en tant
que femmes méritantes au premier rang du combat pour la sauvegarde de
la nation. Or c'est la raison essentielle pour laquelle la femme juive est
astreinte, comme l'homme, aux mitsvot du Séder, bien qu'en
général elle
soit exemptée des préceptes liés au temps.

Comment aurait-il pu en être autrement alors que ce sont bel et bien les
femmes d'Israël qui furent les artisans de cette délivrance ?