----------------------------------------------------------------- ------------- ©Tout droits réservés Sifriat Hava, Beit El, Mizrah Binyamin 96031 Israël Communauté On-Line : WWW.COL.FR ---------------------------------------------------------------------------- --PEKOUDE "L'ETERNEL FEMININ": UNE SAUVEGARDE DE LA NATION "Il fit le bassin d 'airain et son support d 'airain à l 'aide des miroirs des femmes qui s'étaient assemblées en armées à la porte de la Tente d'assignation" (Exode, XXXVIII, 8). Que sont donc ces miroirs de femmes, et pourquoi dans notre verset, le terme "assemblées" est à rapprocher en hébreu du terme "armées" ? La réponse apparaît dans le commentaire de Rachi que nous reproduisons ici intégralement compte tenu de son importance et de sa pertinence: "Les filles d'Israël possédaient des miroirs devant lesquels elles se regardaient lorsqu'elles se faisaient belles. Et pourtant, même ces miroirs, elles n'hésitèrent pas à les apporter afin qu'ils servent d'offrandes pour la construchon du Tabernacle. Mais Moïse répugna à les accepter parce qu'ils étaient destinés à satisfaire le penchant du mal' L'Eternel lui répondit alors: 'Accepte-les, car ils Me sont plus chers que tout. En effet ,c'est grace à ces miroirs que les femmes ont donné le jour à nos nombreuses armées qui sont sorties d 'Egypte' ...". D'après Rachi, le terme "Tsebaot" traduit ici par "armées" peut également signifier "atroupements", et faire donc allusion aux "Tsvaot ashem" - les "légions de Dieu", à savoir les Enfants d'Israël qui sortirent d'Egypte (Exode, Xl, 14) "En effet, continue Rachi, lorsque leurs mains rentraient au foyer conjugal épuisés après une journée de dur labeur, les ,femmes allaient leur apporter nourriture et boisson. Les femmes leur donnaient à manger et elles emportaient leurs miroirs. Chacune se regardait dans le miroir avec son mari, et ainsi elles éveillaient en eux le désir, s'unissaient à eux et devenaient mères, comme il est écrit: 'C'est sous ce pommier que j'ai éveillé ton amour' (Cantique des Cantiques, VIII, 5) ...". On déduit de ce passage que les miroirs des femmes ont donc contribué indirectement à former ces "armées" du peuple hébreu. Or c'est bien avec ces mêmes miroirs que fut fabriquée la cuve du Sanctuaire servant aux ablutions. Il ne faut évidemment pas oublier que cet épisode idyllique s'est toutefois produit dans le contexte tragique de l'infernal asservissement des Enfants d'Israël, à l'époque où ils furent détenus et exploités dans les camps de concentration et de travail égyptiens. Il convient également de se souvenir que c'est dans ce contexte-là que fut publié le terrible décret de Pharaon ordonnamt aux Hébreux de jeter tout nouveau-né mâle dans les eaux du Nil. On peut donc comprendre que des parents qui auraient été contraints de se plier aux dispositions de cet infame décret n'auraient guère pu se regarder en face jusqu'à la fin de leurs jours. C'est cette atroce situation qui avait effectivement provoqué le désespoir d'Amram, le leader d'Israël, à tel point qu'il avait décidé de se séparer de son épouse. Il estimait qu'il était préférable de ne pas enfanter plutôt que de risquer d'apporter sa contribution à ce qu'il considérait comme un "autogénocide''. Et tout naturellement, I'ensemble du peuple a suivi l'exemple de son leader. Il fallut ensuite toute la force de persuasion de Myriam, la fille d'Amram qui n'était âgée à l'époque que de cinq ans, pour que ce dernier se laisse convaincre de reconstruire son foyer (voir Rachi, Exode, Il, 1). Cette mibative de Myriam a en fait rendu possible la naissance de Moïse, son irere. Nous savons aussi que grâce à une nouvelle intervention de Myriam, Molse fut sauvé des eaux par la fille de Pharaon et qu'il vécut longtemps à la cour du maître de l'Egypte. Mais que sont donc finalement devenus les enfants nés à sa suite dans les autres foyers hébreux ? Où et comment le peuple d'Israël parvint-il à puiser les forces morales indispensables pour surmonter cet horrible épisode de son histoire ? En fait, la réponse se trouve encore aussi bien dans le verset déjà cité en exergue que dans le commentaire éclairé de Rachi. Les miroirs des femmes qui servirent à la création de la Cuve du Sanctuaire, n'avaient jamais été des objets futiles. A l'époque de l'asservissement d'Egypte, ils avaient non seulement permis aux Hébreux de surmonter, aux côtés de leurs épouses, les moments cruels de l'esclavage, mais ils avaient par ailleurs bel et bien permis la naissance de plusieurs "légions" et "armées" d'Enfants d'Israël, tous prêts au service divin Ainsi, ces miroirs avaient-ils contribué à la sauvegarde du peuple hebreu. Le Midrash Tanhouma - qui constitue la principale source sur laquelle s'appuie ici Rachi - décrit cet épisode avec l'abondance de détails que voici: "Nous avons appris qu'à l'époque où les Enfants d'Israël étaient astreints aux plus durs travaux en Egypte, un décret de Pharaon leur interdit de dormir chez eux et donc d'avoir des rapports avec leurs femmes. Rabbi Shimon Ben Halaffa disait: Que faisaient les filles d'Israël ? Elles allaient puiser de l'eau au fleuve et là, elles trouvaient providentiellement des petits poissons. Elles en vendaient une partie et achetaient du vin avec cet argent Ensuite, elles cuisinaient les poissons qui restaient et se rendaient ainsi aux champs où leurs époux travaillaient Lorsqu'ils avaient mangé et bu, elles prenaient leurs miroirs et s y contemplaient avec leurs maris. La femme disait . 'Je suis plus belle que toi !', et le mari lui répondait: 'Non, c'est moi qui suis plus beau que toi !' Et ainsi, ils éveillaient leurs désirs mutuels. Ils s'unissaient, et par miracle, ee Saint béni soit-ll rendait leur union féconde. Ainsi qu'il est écrit: 'Les enfants d'Israël furent féconds et se multiplièrent; ils s'accrurent et devinrent de plus en plus féconds' (Exode, I, 7). Il est écrit ailleurs: 'Plus on l'attaquait, plus il se multipliait' Le mérite en revient donc à ces miroirs. C'est au milieu des plus durs travaux que les femmes hébraïques donnèrent naissance à ces nombreuses armées. Ainsi qu'il est écrit: 'Toutes les armées de l'Eternel sortirent du pays d'Egypte' (Exode, XII, 41). Lorsque l'Eternel dit à Moïse de construire la Tente d 'assignation, tout Israël apporta sa contribution: les uns apportèrent de l'argent, les autres de l'or, du cuivre et des pierres d'onyx. Ils firent donc preuve du plus grand empressement Les femmes dirent alors: 'Qu'avons-nous à offrir au Temple ?' Et immédiatement, elles pensèrent à leurs miroirs. Voyant cela, Moise s'emporta contre elles et dit aux Enfants d'Israël 'Qu'avons nous à faire de ces miroirs ?' L'Eternel répondit à Moise que ces miroirs avaient rendu possible la formation des 'armées' du peuple hébreu [et il lui dit]: 'Prends-les, et fais-en un bassin de cuivre afin que les prêtres puissent s'y purifier' . " D'une manière genérale, les habitudes de pudeur et de discrétion recommandées par la Loi juive et toute la tradition ont poussé nos Sages à ne pas considérer avec grande sympathie la mise en valeur systématique de la beauté féminine. La Tora estime en effet que l'exposition de cette beauté est de nature à faire trébucher les hommes hébreux en éveillant leurs plus bas instincts. Par ailleurs, cette mise en valeur agressive de leur aspect extérieur ne fait-elle pas aussi des femmes par trop séduisantes, des femmes-objets ? Or l'on vient nous enseigner ici - avec ce passage sur la fabrication de la Cuve d'airain du Sanctuaire - que ce même instinct, qui peut amener l'homme à l'impureté et à l'ignominie, peut également le conduire à renforcer les relations à l'intérieur de son couple et à redonner une stabilité à son foyer. "Tu aimeras ton Dieu de tout ton coeur": dans ce célèbre verset du Shemah - la prière récitée matin et soir - c'est une expression redoublée ("levav") qui est employée à la place du mot "lev", le "coeur". Nos Sages expliquent à ce propos: "[Tu aimeras ton Dieu] avec tes deux penchants: le bon et le mauvais" (Mishna Berakhot, I;X, 5). L'instinct de la femme est de mettre en valeur sa beauté. Mais ce qui en général dérive du penchant du mal, peut être également utilisé à bon escient et pour le bien lorsque cela sert à renforcer les liens unissant un couple . Dans ce contexte, il est intéressant de remarquer que cette cuve d'ablution servait non seulement à purifier les prêtres avant le service divin, mais aussi, d'après Rachi, elle recevait l'eau que buvait la "femme sota" - une épouse dont le mari aurait éprouvé de la jalousie parce qu'elle se serait isolée avec un homme. Ainsi, I'eau contenue dans cette cuve confectionnée avec les miroirs des femmes d'Israël servait-elle, dans sa finalité, à ramener la paix entre les deux époux et à recréer l'harmonie au sein du couple. Et ce, de la même manière qu'en Egypte, les miroirs avaient permis aux couples hébreux de retrouver une intimité pure et même miraculeuse. A nouveau dans cet épisode, les épouses d'Israël apparaissent en tant que femmes méritantes au premier rang du combat pour la sauvegarde de la nation. Or c'est la raison essentielle pour laquelle la femme juive est astreinte, comme l'homme, aux mitsvot du Séder, bien qu'en général elle soit exemptée des préceptes liés au temps. Comment aurait-il pu en être autrement alors que ce sont bel et bien les femmes d'Israël qui furent les artisans de cette délivrance ?