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--NOAH

LE GOLEM TECHNOLOGIQUE

"Or, en immigrant de l'Orient, les hommes avaient trouvé une
vallée
dans le pays de Sennaar et ils y résidairent, Ils se irent l 'un
à l 'autre:
'Allons, préparons-nous des briques et cuisons-les au feu'. : Et la
brique leur tint lieu de pierre, et le bitume de mortier. Ils dirent:
'Allons, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet atteigne
le ciel, et faisons-nous un nom pour ne pas nous disperser sur la
surface de la terre' ." (Genèse7 X17 2).

Ce projet de construcion que la tradition retiendra sous le nom de
Tour te Babel" était apparemment à ce point dangereux que
"Dieu les
dispersa de là-bas sur toute la surface de la terre et ils
cessèrent de
construire la ville" (Genèse, Xl, 8). A la lecture ce de passage de
la Bible,
une question surgit: quelle fut donc précisément la faute
commise par
cette génération ?

Pour y répondre, nos Sages précisent d'emblée que si
les actes de la
génération du éluge (celle de Noé) ont
été explicités, ceux de la
génération de la dispersion (Dor Ha-Plaga) ne l'ont pas
eté (voir Midrach
Berechit Rabba, 38, 6). En effet quoi de répréhensible
à construire une
ville et une tour faites de briques et de bitume ? La Tora s'opposerait-elle
au progrès et au développement technologique ?

La réponse ne fait aucun doute: loin de s'opposer au progrès,
la Tora a
au contraire tendance à l'encourager. Aillsi à propos du
verset: "Et
remplissez la terre et assujetissez-la" (Genèse I, 28), Nahmanide
explique: "Dieu a donné aux hommes la force et le pouvoir sur terre de
traiter les animaux selon leur désir, de déraciner, de
planter, d'extraire
les minéraux", etc. Le Maitre de l'univers a tonc laissé le
champ libre à
I'intelligence et au sens de la recherche te l'homme afin de l'associer à
l'oeuvre de la création. L'essentiel de l'activité humaine
est tournée vers la
domestication de la nature. Ceci constitue à la fois une
benédiction et un
commandement. On ne peut donc reprocher à l'homme de souhaiter
vraiment comprendre l'oeuvre divine et d'y exercer son initiative.

Pour mieux comprendre l'etat d'esprit qui régnait sur le chantier de la
Tour de Babel, écoutons cette histoire racontée par nos
Sages: "La tour
avait sept degrés à l'est et sept degrés à
I'ouest. Les hommes montaient
des briques d'un côté et descendaient de l'autre. Si un homme
tombait et
se tuait, on n'y pretait guère attention, mais si une brique tombait, les
bâtisseurs restaient consternés par cette perte et disaient:
'Malheur à
nous, combien de temps mettrons-nous avant de monter une nouvelle
brique pour la remplacer ?' Abraham, fils de Terah, qui passait par la les
vit construire la tour et les maudit au nom de son Dieu. Il dit: 'Seigneur
fend leur la langue' (Psaumes, LV, 10)' (Pirkei de Rabbi Eliezer, 24).

La réaction des batisseurs du "Dor Ha-Plaga" n'est pas sans rappeler la
théorie prônée à notre époque par la
plupart des hommes de science et de
recherche: d'une part en effet, nous assistons à une impulsion formidable
donnée à tous les domaines scientifiques et à la
technologie, tandis que, de
l'autre, se développe un discrédit inquiétant et qui
va en s'amplifiant sur la
valeur de l'homme. Seul importerait le prores technique, idéal pour lequel
il faudrait tout sacrifier, y compris la vie humaine.

Heureusement, Abraham passe par là et les maudit. Ce faisant, le
patriarche nous apprent ainsi qu'il ne faut pas oublier que la technique ne
peut être une valeur en soi, mais uniquement un instrument
destiné a
permettre l'élévation morale de l'homme - une explication que
nous fournit
Rabbi Itzhak Arama (dans son ouvrage Akedat Itzhak, XI, 1).

Tout ceci nous permet de comprendre la définition donnée par nos
Sages concernant la faute de la génération de la tour de
Babel. C'est Rachi
qui mentionne au nom des Sages: "lls se sont detachés du principe
essentiel". Voici la formulation exacte de nos Sages: "Rabbi Eliezer dit:
'lls avaient des paroles unies [devarim ahadim]', ce qui sinifie qu'ils
parlaient contre des principes sacrés comme l'Eternel notre Dieu,
l'Eternel
est un, et contre le fait qu'Abraham était unique sur terre. Ils
osaient dire:
Abraham est stérile, il n'engendrera rien. Contre le lieu unique, ils
affirmaient: il n'est pas omnipotent et n'arrivera pas à maintenir
le haut et
le bas, construisons-nous une tour et pratiquons l'idolatrie et, à son
sommet, plaçons une épée afin qu'elle sache combattre
contre Lui"
(Berechit Rabba, XXXVIII, 6).

Selon cete explication reprise par Sforno. ces bâtisseurs sont
effectivement coupables d'idolâtrie. Pourquoi ? Ethique et technique
seraient-elles a ce point incompatibles ?

En fait, pas du tout ! Mais, selon le judaïsme, il ne peut y avoir qu'une
seule manière d'être un homme : respecter toutes les valeurs
simultanément, même si elles possèdent parfois une dynamique
contradictoire - la bonté et la justice, par exemple. Au contraire,
les Grecs
disaient à propos des différents idéaux: "Celui qui
sacrifie à l'un sacrfie
à l'autre", et leur mythologie est justement jonchée de
combats entre dieux,
c'est-à-dire entre différentes valeurs. Une seule et unique
voie demeure
morale: celle qui consiste à respecter toutes les valeurs
simultanément,
celle d'Abraham qui etait "unique sur terre".

En tant que valeur, le progrès technologique doit être lui aussi
subordonné au bien. C'est ce que la Tora nous avait enseigné
a propos des
enfants de Noé: "La beauté de Dieu est à Yafet !
Qu'elle réside dans la
tente de Sem !" (Genèse, IX, 27). Mais quel est le sens profond de ce
verset ? La "beauté de Dieu" représente en fait la sagesse de
la Grèce, ce
que les Sages appelaient les arts, les sciences et les techniques: Dieu a
donné ce don à Yafet, ancêtre des civilisations
occidentales. La tente de
Sem représente quant à elle l'enseignement du sens du bien,
de la morale
et de l'éthique. Le prorès est donc amplement permis et même
recommandé, mais uniquement dans la tente de Sem, et non dans
l'entourage de Yafet. En un mot: la science doit etre subordonnée
à
l'éthique, et non l'inverse. Ne pas s'en tenir là constitue
une forme
d'idolâtrie que nous pourrions définir comme de la
"sciencolâtrie" ou
encore de la "technolâtrie". Vouloir privilégier
aveuglément une valeur au
détriment des autres, c'est briser l'unité du nom de Dieu,
qui rassemble en
Lui toutes ces vales, et cela revient finalement à ne pas croire en
Dieu et
à Son unité. Tout désir de préconiser une
valeur à outrance se transforme
en une espèce d'idolâtrie et aboutit à la
négation de la présence divine dans
le monde.

Un penseur comme Thomas Mann avait écrit qu'il ne parvenait pas à
etre impressiormé par les chemins de fer, ni par les bateaux
à vapeur. Pour
lui, ce genre de prorès ne pouvait représenter la civilisation humaine. Il
estimait en effet que seule l'élévation morale et spirituelle
de l'hornme
pouvait servir le progrès de l'humanité. Or, la
véritable moralité n'est-elle
pas d'essence divine ? C'est là précisément que reside
la faute de la
génération de la Dispersion: elle s'est attachée
à l'accessoire au détriment
de l'essentiel (voir Rachi sur Genèse, Xl, 19).

Nos Sages affirment que l'air de Babylone fait perdre la mémoire. La
vie en Babylonie distille une ambiance et une atmosphère propices
à l'oubli
de Dieu ! Et Rabelais avait parfaitement exprimé ce sentiment en disant:
"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme".

Ainsi, nos Sages insistent-ils sur le fait que le but des constucteurs de
la Tour te Babel n'etait rien d'autre que le bien-être
matériel de l'humanité
(Sifri Ekev, XI, 15). Assurément, le judaïsme n'est pas
opposé au progrès
materiel car sciences et technologies peuvent grandement contribuer au
bonheur physique de tous. Mais les batisseurs de la tour de Babel ont cru
qu'étant parvenus, grâce à la technologie la plus
avancée de leur temps, au
bien-être matériel, ils avaient atteint le sommet !
Gonflés d'orgueil et
d'auto saisfaction, ils se sont détachés de Dieu. Et
précisément en raison
de cela, ils se seraient deshumanisés.

En fin de compte, Dieu a tranché: "Allons, descendons et confondons
leur langage, de sorte que l'un n'entende pas le langage de l'autre !!'
Personne n'était plus capable de comprendre son prochain: un ouvrier
réclamait une brique et l'autre lui dormait du ciment, et ainsi de
suite...
jusqu'à ce que se développent des conflits internes qui
dégénéraient en
accrochages souvent meurtriers (Midrach Rabba). Ayant laissé de
coté
tout lien avec Dieu, les hommes de cette genération avaient par
là-meme
ruine les relations avec leurs prochains et donc avec eux-mênes.

Mais l'espoir d'une pleine réhabilitation existe: "A la fin des temps, Je
convoquerai toutes les nations et transformerai toutes leurs langues en
une langue pure afin, qu'ensemble, elles louent et servent Mon Nom,
épaule contre épaule" (Zefania,III, 9).