----------------------------------------------------------------- ------------- ©Tout droits réservés Sifriat Hava, Beit El, Mizrah Binyamin 96031 Israël Communauté On-Line : WWW.COL.FR ---------------------------------------------------------------------------- --NOAH LE GOLEM TECHNOLOGIQUE "Or, en immigrant de l'Orient, les hommes avaient trouvé une vallée dans le pays de Sennaar et ils y résidairent, Ils se irent l 'un à l 'autre: 'Allons, préparons-nous des briques et cuisons-les au feu'. : Et la brique leur tint lieu de pierre, et le bitume de mortier. Ils dirent: 'Allons, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet atteigne le ciel, et faisons-nous un nom pour ne pas nous disperser sur la surface de la terre' ." (Genèse7 X17 2). Ce projet de construcion que la tradition retiendra sous le nom de Tour te Babel" était apparemment à ce point dangereux que "Dieu les dispersa de là-bas sur toute la surface de la terre et ils cessèrent de construire la ville" (Genèse, Xl, 8). A la lecture ce de passage de la Bible, une question surgit: quelle fut donc précisément la faute commise par cette génération ? Pour y répondre, nos Sages précisent d'emblée que si les actes de la génération du éluge (celle de Noé) ont été explicités, ceux de la génération de la dispersion (Dor Ha-Plaga) ne l'ont pas eté (voir Midrach Berechit Rabba, 38, 6). En effet quoi de répréhensible à construire une ville et une tour faites de briques et de bitume ? La Tora s'opposerait-elle au progrès et au développement technologique ? La réponse ne fait aucun doute: loin de s'opposer au progrès, la Tora a au contraire tendance à l'encourager. Aillsi à propos du verset: "Et remplissez la terre et assujetissez-la" (Genèse I, 28), Nahmanide explique: "Dieu a donné aux hommes la force et le pouvoir sur terre de traiter les animaux selon leur désir, de déraciner, de planter, d'extraire les minéraux", etc. Le Maitre de l'univers a tonc laissé le champ libre à I'intelligence et au sens de la recherche te l'homme afin de l'associer à l'oeuvre de la création. L'essentiel de l'activité humaine est tournée vers la domestication de la nature. Ceci constitue à la fois une benédiction et un commandement. On ne peut donc reprocher à l'homme de souhaiter vraiment comprendre l'oeuvre divine et d'y exercer son initiative. Pour mieux comprendre l'etat d'esprit qui régnait sur le chantier de la Tour de Babel, écoutons cette histoire racontée par nos Sages: "La tour avait sept degrés à l'est et sept degrés à I'ouest. Les hommes montaient des briques d'un côté et descendaient de l'autre. Si un homme tombait et se tuait, on n'y pretait guère attention, mais si une brique tombait, les bâtisseurs restaient consternés par cette perte et disaient: 'Malheur à nous, combien de temps mettrons-nous avant de monter une nouvelle brique pour la remplacer ?' Abraham, fils de Terah, qui passait par la les vit construire la tour et les maudit au nom de son Dieu. Il dit: 'Seigneur fend leur la langue' (Psaumes, LV, 10)' (Pirkei de Rabbi Eliezer, 24). La réaction des batisseurs du "Dor Ha-Plaga" n'est pas sans rappeler la théorie prônée à notre époque par la plupart des hommes de science et de recherche: d'une part en effet, nous assistons à une impulsion formidable donnée à tous les domaines scientifiques et à la technologie, tandis que, de l'autre, se développe un discrédit inquiétant et qui va en s'amplifiant sur la valeur de l'homme. Seul importerait le prores technique, idéal pour lequel il faudrait tout sacrifier, y compris la vie humaine. Heureusement, Abraham passe par là et les maudit. Ce faisant, le patriarche nous apprent ainsi qu'il ne faut pas oublier que la technique ne peut être une valeur en soi, mais uniquement un instrument destiné a permettre l'élévation morale de l'homme - une explication que nous fournit Rabbi Itzhak Arama (dans son ouvrage Akedat Itzhak, XI, 1). Tout ceci nous permet de comprendre la définition donnée par nos Sages concernant la faute de la génération de la tour de Babel. C'est Rachi qui mentionne au nom des Sages: "lls se sont detachés du principe essentiel". Voici la formulation exacte de nos Sages: "Rabbi Eliezer dit: 'lls avaient des paroles unies [devarim ahadim]', ce qui sinifie qu'ils parlaient contre des principes sacrés comme l'Eternel notre Dieu, l'Eternel est un, et contre le fait qu'Abraham était unique sur terre. Ils osaient dire: Abraham est stérile, il n'engendrera rien. Contre le lieu unique, ils affirmaient: il n'est pas omnipotent et n'arrivera pas à maintenir le haut et le bas, construisons-nous une tour et pratiquons l'idolatrie et, à son sommet, plaçons une épée afin qu'elle sache combattre contre Lui" (Berechit Rabba, XXXVIII, 6). Selon cete explication reprise par Sforno. ces bâtisseurs sont effectivement coupables d'idolâtrie. Pourquoi ? Ethique et technique seraient-elles a ce point incompatibles ? En fait, pas du tout ! Mais, selon le judaïsme, il ne peut y avoir qu'une seule manière d'être un homme : respecter toutes les valeurs simultanément, même si elles possèdent parfois une dynamique contradictoire - la bonté et la justice, par exemple. Au contraire, les Grecs disaient à propos des différents idéaux: "Celui qui sacrifie à l'un sacrfie à l'autre", et leur mythologie est justement jonchée de combats entre dieux, c'est-à-dire entre différentes valeurs. Une seule et unique voie demeure morale: celle qui consiste à respecter toutes les valeurs simultanément, celle d'Abraham qui etait "unique sur terre". En tant que valeur, le progrès technologique doit être lui aussi subordonné au bien. C'est ce que la Tora nous avait enseigné a propos des enfants de Noé: "La beauté de Dieu est à Yafet ! Qu'elle réside dans la tente de Sem !" (Genèse, IX, 27). Mais quel est le sens profond de ce verset ? La "beauté de Dieu" représente en fait la sagesse de la Grèce, ce que les Sages appelaient les arts, les sciences et les techniques: Dieu a donné ce don à Yafet, ancêtre des civilisations occidentales. La tente de Sem représente quant à elle l'enseignement du sens du bien, de la morale et de l'éthique. Le prorès est donc amplement permis et même recommandé, mais uniquement dans la tente de Sem, et non dans l'entourage de Yafet. En un mot: la science doit etre subordonnée à l'éthique, et non l'inverse. Ne pas s'en tenir là constitue une forme d'idolâtrie que nous pourrions définir comme de la "sciencolâtrie" ou encore de la "technolâtrie". Vouloir privilégier aveuglément une valeur au détriment des autres, c'est briser l'unité du nom de Dieu, qui rassemble en Lui toutes ces vales, et cela revient finalement à ne pas croire en Dieu et à Son unité. Tout désir de préconiser une valeur à outrance se transforme en une espèce d'idolâtrie et aboutit à la négation de la présence divine dans le monde. Un penseur comme Thomas Mann avait écrit qu'il ne parvenait pas à etre impressiormé par les chemins de fer, ni par les bateaux à vapeur. Pour lui, ce genre de prorès ne pouvait représenter la civilisation humaine. Il estimait en effet que seule l'élévation morale et spirituelle de l'hornme pouvait servir le progrès de l'humanité. Or, la véritable moralité n'est-elle pas d'essence divine ? C'est là précisément que reside la faute de la génération de la Dispersion: elle s'est attachée à l'accessoire au détriment de l'essentiel (voir Rachi sur Genèse, Xl, 19). Nos Sages affirment que l'air de Babylone fait perdre la mémoire. La vie en Babylonie distille une ambiance et une atmosphère propices à l'oubli de Dieu ! Et Rabelais avait parfaitement exprimé ce sentiment en disant: "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme". Ainsi, nos Sages insistent-ils sur le fait que le but des constucteurs de la Tour te Babel n'etait rien d'autre que le bien-être matériel de l'humanité (Sifri Ekev, XI, 15). Assurément, le judaïsme n'est pas opposé au progrès materiel car sciences et technologies peuvent grandement contribuer au bonheur physique de tous. Mais les batisseurs de la tour de Babel ont cru qu'étant parvenus, grâce à la technologie la plus avancée de leur temps, au bien-être matériel, ils avaient atteint le sommet ! Gonflés d'orgueil et d'auto saisfaction, ils se sont détachés de Dieu. Et précisément en raison de cela, ils se seraient deshumanisés. En fin de compte, Dieu a tranché: "Allons, descendons et confondons leur langage, de sorte que l'un n'entende pas le langage de l'autre !!' Personne n'était plus capable de comprendre son prochain: un ouvrier réclamait une brique et l'autre lui dormait du ciment, et ainsi de suite... jusqu'à ce que se développent des conflits internes qui dégénéraient en accrochages souvent meurtriers (Midrach Rabba). Ayant laissé de coté tout lien avec Dieu, les hommes de cette genération avaient par là-meme ruine les relations avec leurs prochains et donc avec eux-mênes. Mais l'espoir d'une pleine réhabilitation existe: "A la fin des temps, Je convoquerai toutes les nations et transformerai toutes leurs langues en une langue pure afin, qu'ensemble, elles louent et servent Mon Nom, épaule contre épaule" (Zefania,III, 9).