----------------------------------------------------------------- ------------- ©Tout droits réservés Sifriat Hava, Beit El, Mizrah Binyamin 96031 Israël Communauté On-Line : WWW.COL.FR ---------------------------------------------------------------------------- --MATOT-MASSAE CONFORT MATERIEL ET COMBAT SIONISTE "Les enfants de Réuven et ceux de Gad possédaient de nombreux troupeaux, très considérables.... Ils vinrent parler à Moïse en ces termes: '.. Ce pays que l'Eternel a fait succomber devant les Enfants d'Israël est propice au bétail, or tes serviteurs ont du bétail. Si nous avons trouvé grâce à tes yeux, que ce pays soit donné en priorité à tes serviteurs; ne nous fais point traverser le Jourdain !' ... " (Nombres, XXXII, 1-5). A notre époque, il est relativement fréquent d'entendre quelques-uns parmi les brillants orateurs "amants de Sion", prêcher en faveur de l'enrôlement dans les forces de Tsahal, ou bien encourager le judaïsme de la diaspora à faire son aliya en Terre sainte, et réaffirmer avec fermeté notre "droit éternel" à conserver, sans la moindre concession, I'intégralité de la Terre d'Israël. Et souvent ces orateurs font une analogie entre l'épisode cité en exergue et la "faute des explorateurs" - une comparaison à propos de laquelle il est légitime de se poser des questions. Car en effet, les explorateurs refusaient toute attache avec la terre d'Israël, alors que de nos jours, ceux qui acceptent des concessions territonales, sont cependant prêts à se dévouer pour le reste du pays. Pourtant, il convient de replacer ce débat dans son contexte: les orateurs que nous avons évoqués ne sont en effet pas les premiers à avoir risqué la comparaison entre la faiblesse sioniste, et la médisance des explorateurs. Ils n'ont tout simplement fait là que reprendre les propos de Moïse aux deux tribus de Gad et Réuven qui réclamaient des étendues de terre en Transjordanie pour des raisons purement matérialistes Car, à la demande apparemment innocente de ces tribus, Moïse réagit avec une extrême véhémence: "Quoi! Vos frères iraient au combat et vous, vous demeureriez lci ?! Pourquoi voulez-vous décourager les Enfants d'Israël de marcher vers le pays que leur a donné I'Eternel ? Ainsi firent vos pères alors que je les envoyai de Kadesh Barnéa pour explorer ce pays lls montèrent dans la vallée d 'Eshkol, ils virent le pays ; puis ils découragèrent les Enfants d'Israël de se rendre au pays que leur avait donné I'Eternel.. Et voici vous prenez la place de vos pères, germes de pécheurs, pour ajouter encore à la colère de Dieu contre Israël !" (Nombres, XX, 6-14). Pourtant, une lecture plus approfondie devrait faire apparaître un point capital qui va remettre en question toute la comparaison faite à l'origine par Moïse. Alors qu'au travers de leurs propos malfaisants, les explorateurs avaient exprimé leur mépris de la terre d'Israël, les membres des deux tribus souhaitaient, eux, ardemment posséder un héritage en Eretz Israël, et ne semblaient pas contester le principe même de l'ordonnancement du peuple juif sur sa terre. Mais, pour des raisons économiques et "professionnelles", ils avaient choisi de réclamer des terres se situant de l'autre côté du Jourdain ! Une réponse se dégage à ce dilemme: de même que l'amour d'un homme pour sa femme ne saurait être partagé, I'amour de la terre d'Israël doit impérativement demeurer entier. Tout partage serait assimilable à l'attitude d'un homme qui resterait profondément attaché à une partie des six cent treize commandements et qui se permettrait certaines "libertés" avec une autre partie d'entre eux. Par exemple, quelqu'un qui ne respecterait le shabbat que partiellement, ne pourrait etre considéré comme un "shomer shabbat" (un observant du shabbat) à part entière. De même, celui qui aimerait passionnément ume partie du peuple juif, mais qui en hairait une seconde, ne pourrait être qualifié d'authentique amoureux de notre peuple. A plus forte raison ne peut-il y avoir de demi-mesure lorsqu'il s'agit de l'amour du peuple juif pour sa terre ! Si les enfants de Gad et de Réuven étaient effectivement attachés de manière sincère à la patrie d'Eretz Israël, ils n'en demeuraient pas moins prêts à se désolidariser de leurs frères qui s'apprêtaient à partir à la conquête du pays. C'est pourquoi l'on considère qu'ils étaient atteints du dangereux "virus" qui avait, en son temps, frappé les douze explorateurs. De surcroît, comme nous l'avons déjà évoqué plus haut, ces deux tribus et demie accordaient une prionté extrême aux activités économiques. Et nos Sages vont même jusqu'à dire qu'ils n'aimaient que trop leur argent "Nous construirons des clôtures pour nos troupeaux et des villes pour nos enfants" (Nombres, XXXI, 16). D'après l'ordre des arguments exposés dans ce verset, les affaires économiques avaient même priorité sur I'éducation des enfants. C'est pourquoi Moïse corige immédiatement leurs propos en insistant sur l'essentiel au détriment de l'accessoire: "Construisez-vous des villes pour vos enfants et des enclos pour vos troupeaux", répond-il, comme le remarque Rachi en citant le Midrash Rabba (XX, 91). Les membres de ces tribus plaçaient donc leur confort personnel au- dessus de leur devoir national d'assurer la présence et la souveraineté du peuple juif sur toute la terre d'Israël. De même, ils plaçaient leurs problèmes économiques et leurs intérêts matériels à un niveau bien supérieur à celui de l'éducation des enfants. Tous sommes donc en présence d'une double faiblesse spirituelle que Moïse ne manque pas de relever sur un ton de reproche: "Quoi ! Donc, vos frères iront à la guerre, et vous, vous resterez là ! " Pourtant la logique et une certaine honnêteté historique nous obligent à reconnaître que, finalement, ils acceptèrent ces reproches de Moïse et participèrent pleinement à la guerre d"'Indépendance" et de conquête de la terre d'Israël, se portant même, non sans un certain courage, aux premières lignes . S'il en est ainsi, tout cet episode n'est-il pas, en fait, une sorte de malentendu rapidement réglé grâce à un dialogue fructueux entre Moïse et les responsables de ces tribus ? Or les choses ne sont pas si simples, car avant de se rendre à l'évidence qu'ils devraient combattre aux côtés de leurs frères, ils avaient eu la ferme intention de se désolidariser d'eux, de ne pas prendre part à l'effort national, et même de donner priorité à leurs troupeaux au détriment de leur descendance . Cette attitude originelle témoigne bel et bien d'une profonde incompréhension des valeurs essentielles inhérentes à la Nation. On décèle chez les membres de ces tribus une volonté déliberée de brûler les étapes qui risque de les faire sombrer dans le "culte de l'immédiat". Et l'on constate, par ailleurs, que la punition face à un tel comportement finit par arriver puisque, selon le Midrash Rabba (Bamidbar Rabba, XX, 9), ces deux tribus et demie seront plus tard les premières à être frappées par la chute du royaume d'Israël, comme il est écrit: "Et le Dieu d 'Israël réveilla l 'esprit du roi d 'Assyrie et celui de Tiglat Pillesser, roi de Syrie, et il exila le Réubenite, le Gadite et la moihé de la tribu ménachite" , Chroniques, V, 29) Il ne s'agit pas là d'un hasard, ni d'un concours de circonstances, mais bien d'un évènement programmé par l'esprit divin, qui punit ainsi les descendants de ces tribus pour leur attitude egoïste. D'après nos Sages, cette faiblesse idéologique fut la cause principale de l'écroulement de Gad et Réuven: "Des gens matérialistes qui étaient riches, qui possédaient des troupeaux et qui aimaient leur argent" (Bamidbar Rabba, XX, 17). Plus tard, losque la guerre fut terminée et que Gad, Réuven et la demi- tribu de Ménaché furent revenus dans leurs foyers, ils construisirent un "grand autel", comme cela est stipulé dans le Livre de Josué (X7II, 9). Cet acte éveilla la suspicion des Enfants d'Israël qui partirent en guerre contre eux, pensant qu'ils avaient l'intention de procéder sur leur territoire à des sacrifices - car ils considéraient cette tentative comme un acte de rébellion contre la centralité spirituelle du culte (voir Josué, XXI, 16-20). Mais cet évènement trouva une heureuse fin puisque les sécessionnistes purent expliquer la pureté de leurs intentions: en édifiant cet autel, ils avaient tout simplement voulu que les autres tribus ne les considèrent justement pas comme exclus du peuple d'Israël. Néanmoins, les autres tribus les soupçonnèrent de se détacher du service divin central et de se construire une sorte de "religion autonome", alors que l'intention de Réuven et Gad en construisant cet autel était précisément de ne pas se sentir séparés du reste de la nation. Dans son commentaire sur le livre de Josué, Rabbi Lévi Ben Gershon - surnommé Gersonide - explique qu'il s'agissait en fait, de la part des deux tribus et demie, d'une réaction de profond remords quant à leur conduite passée. Elles s'étaient trop consacrées aux troupeaux, alors qu'il n'est point convenable que l'on soit ainsi mobilisé par des intérêts particuliers avant d'avoir profondément étudié la question sous tous ses angles. Ce n'est qu'après avoir donné la préséance à leurs activités d'élevage, qu'ils émirent ensuite des craintes quant à la possibilité de voir leurs enfants s'éloigner de Dieu et de la voie tracée par la Tora. Car il est évident que cet attachement profond à l'argent a favorise leur éloignement spirituel de Dieu. Rabbi Itzhak Abravanel remarque que, dans tous leurs propos, le Nom de Dieu n'est pas mentionné une seule fois (voir ibid, CXXII, 16-19). Ils dirent: "Et nous, nous irons en armes résolument devant les Enfants d'Israël" (17). Et Moïse de coriger: "Si vous accomplissez cette chose, si vous allez de l'avant devant l'Eternel pour le combat, et que chaque éclaireur se porte devant Dieu et que la terre soit conquise devant Dieu ... Et vous reviendrez et vous serez quittes devant Dieu et devant Israël. Et cette terre vous sera [attribuée] en territoire devant Dieu" (20-22). Il s'agit là d'une profonde mise en garde contre le risque de sombrer dans des intérêts passagers et dans le culte de l'immédiat, au détriment des véritables valeurs nationales et spirituelles. Mais, aujourd'hui, la gravité et l'ampleur des défis de notre époque assurent pleinement la réussite d'Israël: le peuple juif est fort et profomdément attaché à sa terre. Certes, il est parfois sujet à certaines faiblesses, mais, dans son for intérieur, brille un profond amour pour la terre d'Israël. Ne suffit-il pas de trouver l'étincelle propice à réveiller cet amour pour Sion qui repose dans l'âme de chaque juif ?