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--KEDOCHIM

LE SAINT N'EST PAS UN "FAIBLE" !

"Soyez saints, car Je suis Saint, Moi l'Eternel votre Dieu". Cette
injonction de la Tora est adressée à toute l'Assemblée
d'Israël.
Pourtant il pourrait se dégager de ce verset, qui ouvre la section
sabbatique Kedochim, ume certaine impression de faiblesse.

Lorsque l'on veut se représenter un "homme saint" selon l'imagerie
populaire, on débouche toujours sur une espèce de figure
"pâlotte" au
regard hagard et au sourire forcé. Définie de la sorte, la
"sainteté" semble
effectivement être synonyme de faiblesse et de manque de vitalité.
Evidemment, cette façon caricaturale de voir les choses exclut toute
aspiration à la sainteté de la part de notre
génération qui est assoiffée de
force, de santé, de naturel et de vitalité !

Si nos contemporains devaient choisir entre être des hommes pleins de
vitalité mais pas tellement saints, ou être des saints quasi
moribonds, à n'en
pas douter ils préfèreraient être de bons vivants. Ce
choix exprime une
sorte de réaction et de résistance face aux religions qui
encensent la mort,
aux religions d'un Dieu mort.

Mais dans le judaïsme, I'homme saint n'est en rien une créature
fragile
et affaiblie, mais bien au contraire: sa sainteté le renforce ! Il
est un être en
possession de toutes les facultés humaines, avec toutes leurs
énergies et
leur puissance sans aucune contradiction.

La Tora rous le prescrit clairement: "Soyez saints, car Je suis Saint".
La sainteté humaine est donc à l'image de la sainteté
divine. De même que
toutes les autres vertus, I'attachement à Dieu est défini par
nos Sages
comme une réplique à l'échelle humaine des
qualités divines: "Vous serez
attachés au Dieu vivant".

Mais comment l'homme peut-il s'attacher à Dieu qui est un "feu
dévorant" ?

Face à ce dilemme, il n'existe qu'une seule solution: de même
que le
Créateur est miséricordieux, sois, toi-même,
miséricordieux; de même
qu'Il est bon, sois bon. Toutes les vertus humaines constituent une espece
d"'imitatio Dei", et la sainteté ne fait pas exception à
cette règle. En effet,
la sainteté humaine est un effort pour imiter la sainteté
divine. Or, il est
évident que toute expression de sainteté divine ne diminue en
rien la toute-
puissance, la force et l"'épanouissement", si l'on peut parler
ainsi, de tous
les attributs du Créateur. Il en est donc de même pour
l'homme. C'est
parce que les autres spiritualités commettent effectivement une confusion
entre deux concepts - la sainteté et l'abstinence, ce
détachement des
réalités terrestres - qu'elles en sont arrivées
à caricaturer cette notion !

Cependant ces deux concepts sont effectivement distincts, bien qu'il
existe un certain lien entre eux, comme Rachi le remarque dans son
commentaire du verset cité en exergue. Ainsi, explique-t-il que "Yous
serez saints" signifie: "Vous serez détachés -
détachés du péché".

Il est évident qu'avant de pouvoir aspirer à une quelconque
sainteté, il
convient absolument d'être détaché du
péché. Ce sont là deux niveaux liés,
mais distincts. Précisément, dans son fameux ouvrage Messilat
Yecharim
("Le Sentier de la Rectitude"), Rabbi Moshé Haïm Luzzato nous expose le
long cheminement permettant d'acquérir la vertu: la sainteté
constitue la
dernière étape à laquelle on parvient à travers
la "Perichout", le
détachement de la matière, et à partir du point de
départ que constitue le
détachement du mal, à savoir la "Nekiout" - la justesse, la
propreté morale.
Cette première vertu qu'est la "Nekiout" constitue une exigence pour
chaque Juif. Et à la fin du processus d'affinement moral
décrit par ce livre,
seuls quelques rares membres de l'élite parviennent à
acquérir totalement
la sainteté ou Kedoucha.

La première étape - la Nekiout - consiste donc tout d'abord
à être en
règle avec toutes les prescriptions et les devoirs de la loi
sinaïtique, à
s'éloigner de tout péché, à combattre les
défauts de sa personnalité et à
acquérir le plus de vertus possible. Quant à la Perichout ou
Kedoucha, elle
constitue un détachement du monde de la matière: non pas parce
que cet
univers matériel serait un monde mauvais - n'a-t-il pas
lui-même été créé
par Dieu ? mais parce qu'il vaut mieux prendre ses précautions avec
lui et
éviter de s'en approcher trop au risque d'y trébucher gravement !

Ainsi n'est-il pas interdit de parler à bon escient, mais il vaut souvent
mieux garder le silence car il est si facile de dire du mal d'autrui. Manger
de la nourriture casher est certes tout à fait permis, mais ne
vaudrait-il
cependant pas mieux limiter cette activité physique de peur que l'on soit
entraîné à la gloutonnerie en éveillant trop
souvent ses appétits, voire
même à la consommation de nourritures interdites ?
 De la même manière, s'il est parfaitement admis d'être
en compagnie
d'amis et d'entretenir de nécessaires relations amicales, il
s'avère que vivre
trop souvent en societé entraine immanquablement vers des
désordres: on
peut vite déraper et glisser vers de graves défauts car chacun est
facilement influensable C'est pourquoi lorsque la société
environnante
n'est pas parfaite, il vaut mieux prendre ses distances avec elle et s'y
exprimer le moins possible

Tout un chacun a certes le droit - et même le devoir - de pourvoir
à ses
besoins matériels, d'avoir un niveau de vie honorable, mais il est
si facile
de devenir malhonmête et, ce faisant, de s'autoriser toutes sortes
d'entorses
à la loi ! Ne vaut-il donc pas mieux éviter le luxe et se
contenter autant que
possible de ce qui est strictement nécessaire ?

Tous ces aspects de la "retenue" sont en fait compris dans la vertu
suprême qu'est la Perichout, le détachement du monde. Mais
attention: ce
détachement n'est pas l'idéal suprême, mais
précisément une prise en
considération des faiblesses humaines et des facilités qui
nous font glisser
dans les méandres complexes du monde de la matière.

Mais lorsque nous parvenons à nous hisser jusqu'au monde lumineux
de la Kedoucha, il en est tout autrement: rien n'est banni, aucune
faculté
ou énergie humaine n'est écartée, tout est à sa
place, en sainteté, animé
d'un profond idéalisme !

Lorsque nous arrivons à cet ultime étape du perfectionmement
de notre
être, rien de tout ce qui fait la plénitude de la vie humame
n'est mis de
côté. Au contraire, tout reçoit une âme, tout est
animé par de profonds
idéaux ! Apparemment le fait de dormir n'a a priori rien de
particulièrement "saint", mais, puisque le sommeil est
nécessaire et qu'il
contribue à la santé physique, morale et spirituelle de l'homme, puisqu'il
constitue ume partie organique de sa vie, nous pouvons comprendre que
lorsque nous parlons d'un juste de la stature du patriarche Jacob, son
sommeil soit également considéré comme um
véritable service divin. C'est
pourquoi, selon nos Sages, les pierres éparses - sur lesquelles il
reposait
lors de la fameuse nuit du "rêve de l'échelle" - se sont
toutes réunies
pendant son sommeil pour avoir le mérite de soutenir sa tête.

Rabbi M[oshé Haim Luzzato cite un exemple semblable, même s'il
parait encore plus surprenant: boire du vin ne constitue pas a priori un
acte du service divin, mais plutôt, un simple plaisir de la table.
Cependant,
celui qui déverse du vin dans la gorge d'un "géant de
l'esprit", est considéré
comme s'il faisait ume libation sur l'autel, parce qu'en fin de compte, le vin,
consommé avec mesure, éveille la joie de la personne humaine,
lui procure
une sensation agréable et permet son épanouissement
spirituel. C'est
pourquoi, les quelques gorgées de vin consommées par ce Sage
s'intègrent
dans son effort spirituel et se trouvent, de ce fait, comparées
à des
"libations sur l'autel".

Il existe donc une nette différence entre la sainteté et le
détachement
des réalités terrestres. Le "détaché" pourrait
être pleinement heureux si le
monde de la matière n'existait pas et si, par exemple, il pouvait se
passer
de manger ou même renoncer carrément aux obligations sociales et
familiales. Même s'il est vrai que le monde risque pour lui de perdre une
partie de sa vitalité, le "détaché" est cependant
prêt de tout coeur à faire ce
sacrifice.

Pour l'homme saint, c'est le contraire: il ne voit aucune valeur
intrinsèque dans le fait de restreindre le monde de la matière:
plus cet
univers de matière est large, plus le corps est puissamt, plus le
domaine de
la sainteté s'élargit. C'est que cette suprême vertu a
besoin de réceptacles
et d'assises, tout comme l'esprit doit sincarner dans la matière pour
être
animé. Plus le monde de la matière est dense, plus l'âme
trouve un corps et
une substance qu'elle peut faire vivre et sublimer.

L'interrogation que nous avions précédemment formulée
au sujet de la
classique identitication de l'homme saint avec l'homme faible ou
détaché
du monde, trouve à présent une réponse: cette
caricature provient d'une
confusion entre les concepts de sainteté et de détachement.

Il est vrai que personne ne peut sauter les étapes: il faut d'abord
passer
par la Perichout, avant d'arriver à la sainteté ! Mais
l'objectif reste la
sainteté. Etre saint, c'est en fin de compte vivre dans toute la
puissance de
son être et de sa personnalité, au plan matériel et
spirituel, quand la
matière est illuminée par le spirituel.