----------------------------------------------------------------- ------------- ©Tout droits réservés Sifriat Hava, Beit El, Mizrah Binyamin 96031 Israël Communauté On-Line : WWW.COL.FR ---------------------------------------------------------------------------- --KEDOCHIM LE SAINT N'EST PAS UN "FAIBLE" ! "Soyez saints, car Je suis Saint, Moi l'Eternel votre Dieu". Cette injonction de la Tora est adressée à toute l'Assemblée d'Israël. Pourtant il pourrait se dégager de ce verset, qui ouvre la section sabbatique Kedochim, ume certaine impression de faiblesse. Lorsque l'on veut se représenter un "homme saint" selon l'imagerie populaire, on débouche toujours sur une espèce de figure "pâlotte" au regard hagard et au sourire forcé. Définie de la sorte, la "sainteté" semble effectivement être synonyme de faiblesse et de manque de vitalité. Evidemment, cette façon caricaturale de voir les choses exclut toute aspiration à la sainteté de la part de notre génération qui est assoiffée de force, de santé, de naturel et de vitalité ! Si nos contemporains devaient choisir entre être des hommes pleins de vitalité mais pas tellement saints, ou être des saints quasi moribonds, à n'en pas douter ils préfèreraient être de bons vivants. Ce choix exprime une sorte de réaction et de résistance face aux religions qui encensent la mort, aux religions d'un Dieu mort. Mais dans le judaïsme, I'homme saint n'est en rien une créature fragile et affaiblie, mais bien au contraire: sa sainteté le renforce ! Il est un être en possession de toutes les facultés humaines, avec toutes leurs énergies et leur puissance sans aucune contradiction. La Tora rous le prescrit clairement: "Soyez saints, car Je suis Saint". La sainteté humaine est donc à l'image de la sainteté divine. De même que toutes les autres vertus, I'attachement à Dieu est défini par nos Sages comme une réplique à l'échelle humaine des qualités divines: "Vous serez attachés au Dieu vivant". Mais comment l'homme peut-il s'attacher à Dieu qui est un "feu dévorant" ? Face à ce dilemme, il n'existe qu'une seule solution: de même que le Créateur est miséricordieux, sois, toi-même, miséricordieux; de même qu'Il est bon, sois bon. Toutes les vertus humaines constituent une espece d"'imitatio Dei", et la sainteté ne fait pas exception à cette règle. En effet, la sainteté humaine est un effort pour imiter la sainteté divine. Or, il est évident que toute expression de sainteté divine ne diminue en rien la toute- puissance, la force et l"'épanouissement", si l'on peut parler ainsi, de tous les attributs du Créateur. Il en est donc de même pour l'homme. C'est parce que les autres spiritualités commettent effectivement une confusion entre deux concepts - la sainteté et l'abstinence, ce détachement des réalités terrestres - qu'elles en sont arrivées à caricaturer cette notion ! Cependant ces deux concepts sont effectivement distincts, bien qu'il existe un certain lien entre eux, comme Rachi le remarque dans son commentaire du verset cité en exergue. Ainsi, explique-t-il que "Yous serez saints" signifie: "Vous serez détachés - détachés du péché". Il est évident qu'avant de pouvoir aspirer à une quelconque sainteté, il convient absolument d'être détaché du péché. Ce sont là deux niveaux liés, mais distincts. Précisément, dans son fameux ouvrage Messilat Yecharim ("Le Sentier de la Rectitude"), Rabbi Moshé Haïm Luzzato nous expose le long cheminement permettant d'acquérir la vertu: la sainteté constitue la dernière étape à laquelle on parvient à travers la "Perichout", le détachement de la matière, et à partir du point de départ que constitue le détachement du mal, à savoir la "Nekiout" - la justesse, la propreté morale. Cette première vertu qu'est la "Nekiout" constitue une exigence pour chaque Juif. Et à la fin du processus d'affinement moral décrit par ce livre, seuls quelques rares membres de l'élite parviennent à acquérir totalement la sainteté ou Kedoucha. La première étape - la Nekiout - consiste donc tout d'abord à être en règle avec toutes les prescriptions et les devoirs de la loi sinaïtique, à s'éloigner de tout péché, à combattre les défauts de sa personnalité et à acquérir le plus de vertus possible. Quant à la Perichout ou Kedoucha, elle constitue un détachement du monde de la matière: non pas parce que cet univers matériel serait un monde mauvais - n'a-t-il pas lui-même été créé par Dieu ? mais parce qu'il vaut mieux prendre ses précautions avec lui et éviter de s'en approcher trop au risque d'y trébucher gravement ! Ainsi n'est-il pas interdit de parler à bon escient, mais il vaut souvent mieux garder le silence car il est si facile de dire du mal d'autrui. Manger de la nourriture casher est certes tout à fait permis, mais ne vaudrait-il cependant pas mieux limiter cette activité physique de peur que l'on soit entraîné à la gloutonnerie en éveillant trop souvent ses appétits, voire même à la consommation de nourritures interdites ? De la même manière, s'il est parfaitement admis d'être en compagnie d'amis et d'entretenir de nécessaires relations amicales, il s'avère que vivre trop souvent en societé entraine immanquablement vers des désordres: on peut vite déraper et glisser vers de graves défauts car chacun est facilement influensable C'est pourquoi lorsque la société environnante n'est pas parfaite, il vaut mieux prendre ses distances avec elle et s'y exprimer le moins possible Tout un chacun a certes le droit - et même le devoir - de pourvoir à ses besoins matériels, d'avoir un niveau de vie honorable, mais il est si facile de devenir malhonmête et, ce faisant, de s'autoriser toutes sortes d'entorses à la loi ! Ne vaut-il donc pas mieux éviter le luxe et se contenter autant que possible de ce qui est strictement nécessaire ? Tous ces aspects de la "retenue" sont en fait compris dans la vertu suprême qu'est la Perichout, le détachement du monde. Mais attention: ce détachement n'est pas l'idéal suprême, mais précisément une prise en considération des faiblesses humaines et des facilités qui nous font glisser dans les méandres complexes du monde de la matière. Mais lorsque nous parvenons à nous hisser jusqu'au monde lumineux de la Kedoucha, il en est tout autrement: rien n'est banni, aucune faculté ou énergie humaine n'est écartée, tout est à sa place, en sainteté, animé d'un profond idéalisme ! Lorsque nous arrivons à cet ultime étape du perfectionmement de notre être, rien de tout ce qui fait la plénitude de la vie humame n'est mis de côté. Au contraire, tout reçoit une âme, tout est animé par de profonds idéaux ! Apparemment le fait de dormir n'a a priori rien de particulièrement "saint", mais, puisque le sommeil est nécessaire et qu'il contribue à la santé physique, morale et spirituelle de l'homme, puisqu'il constitue ume partie organique de sa vie, nous pouvons comprendre que lorsque nous parlons d'un juste de la stature du patriarche Jacob, son sommeil soit également considéré comme um véritable service divin. C'est pourquoi, selon nos Sages, les pierres éparses - sur lesquelles il reposait lors de la fameuse nuit du "rêve de l'échelle" - se sont toutes réunies pendant son sommeil pour avoir le mérite de soutenir sa tête. Rabbi M[oshé Haim Luzzato cite un exemple semblable, même s'il parait encore plus surprenant: boire du vin ne constitue pas a priori un acte du service divin, mais plutôt, un simple plaisir de la table. Cependant, celui qui déverse du vin dans la gorge d'un "géant de l'esprit", est considéré comme s'il faisait ume libation sur l'autel, parce qu'en fin de compte, le vin, consommé avec mesure, éveille la joie de la personne humaine, lui procure une sensation agréable et permet son épanouissement spirituel. C'est pourquoi, les quelques gorgées de vin consommées par ce Sage s'intègrent dans son effort spirituel et se trouvent, de ce fait, comparées à des "libations sur l'autel". Il existe donc une nette différence entre la sainteté et le détachement des réalités terrestres. Le "détaché" pourrait être pleinement heureux si le monde de la matière n'existait pas et si, par exemple, il pouvait se passer de manger ou même renoncer carrément aux obligations sociales et familiales. Même s'il est vrai que le monde risque pour lui de perdre une partie de sa vitalité, le "détaché" est cependant prêt de tout coeur à faire ce sacrifice. Pour l'homme saint, c'est le contraire: il ne voit aucune valeur intrinsèque dans le fait de restreindre le monde de la matière: plus cet univers de matière est large, plus le corps est puissamt, plus le domaine de la sainteté s'élargit. C'est que cette suprême vertu a besoin de réceptacles et d'assises, tout comme l'esprit doit sincarner dans la matière pour être animé. Plus le monde de la matière est dense, plus l'âme trouve un corps et une substance qu'elle peut faire vivre et sublimer. L'interrogation que nous avions précédemment formulée au sujet de la classique identitication de l'homme saint avec l'homme faible ou détaché du monde, trouve à présent une réponse: cette caricature provient d'une confusion entre les concepts de sainteté et de détachement. Il est vrai que personne ne peut sauter les étapes: il faut d'abord passer par la Perichout, avant d'arriver à la sainteté ! Mais l'objectif reste la sainteté. Etre saint, c'est en fin de compte vivre dans toute la puissance de son être et de sa personnalité, au plan matériel et spirituel, quand la matière est illuminée par le spirituel.