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CHOFETIM

UNE ROYAUTE ECLAIREE

"Lorsque tu viendras dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne,
que tu l'occuperas et que tu t'y établiras, et que tu diras: 'Je veux
mettre à ma tête un roi comme tous les peuples qui m'entourent' tu
pourras mettre à ta tête un roi qui soit du milieu de tes
frères; tu ne
pourras pas te donner un roi étranger qui ne soit pas ton frère"
(Deutéronome, XVII, 14-15).

De prime abord, nous pourrions nous étonner que la Tora
considère la
monarchie comme le régime idéal, laissant ainsi de
côté la démocratie !
Comment peut-on comprendre et accepter que la royauté, avec son
caractère habituellement despotique et cruel, puisse avoir eu la
priorité sur
le régime plus juste et égalitaire que constitue la
démocratie ?

Dans son Livre des Commandements, Maïmonide donne son
interprétation sur cette position apparemment surprenante de la Tora et
explique, brièvement mais clairement, que l'existence d'un roi au sommet
de la pyramide permet en fait de réunir le peuple tout entier et de
l'unifier.

Certes, la démocratie permet à l'ensemble de la nation d'exprimer
librement une multitude d'opinion et elle porte en elle tout un ensemble de
valeurs essentielles. Toutefois, ce système possède ses propres
inconvénients. En effet, un régime démocratique
favorise presque
inévitablement la partition de la nation et sa dislocation en de nombreux
mouvements idéologiques et partis politiques. Parfois, ces partis
oublient
qu'il existe un idéal supérieur au-dessus d'eux qui n'est
autre que la nation
elle-même ! Parfois, le système démocratique conduit la
collectivité à
s'entre-déchirer et à plonger dans de dangereuses luttes
intestines.

C'est pourquoi lorsque l'on designe à la tête du peuple un roi
qui devra
représenter fidèlement les différents courants au sein
de la nation, dont il
saura défendre les intérêts face aux autres pays, alors
la collectivité a de
meilleures chances de demeurer unie. Mais évidemment, un danger plus
grand encore la guette: celui de désigner un roi qui oublierait sa
mission et
qui n'en ferait qu"'à sa tête", bafouant les libertés
de ses sujets et
précipitant ainsi la nation dans un indescriptible tohu-bohu.

Peut-on eviter une telle situation ?

L'une des réponses à ce problème crucial découle
du statut que la Tora
accordé au roi: de même que la nation a le devoir de respecter
son roi, ce
dernier se doit de respecter ses sujets. Maimonide nous l'explique dans ses
"Hilchot Melakhim", Lois sur l'exercice de la royauté: "De
même que la
Tora lui a attribué les plus grands des honneurs et a astreint toute la
nation à l'honorer, ainsi lui a-t-elle aussi ordonné d'etre
,modeste face à
elle... Il ne doit donc en aucune manière se montrer hautain
vis-à-vis du
peuple d'Israël, comme il est écrit: 'Que son coeur ne s'eleve
pas au-
dessus de ses frères' ..." [Deutéronome, XVII, 20]. "Le plus haut
personnage de a nation doit demeurer miséricordieux aussi bien avec les
petites gens, qu'avec les grands notables. Il doit se préoccuper de tous
leurs besoins et de leur bonheur, et respecter l'honneur du plus humble
parmi les plus petits ! Et lorsqu'il s'exprimera devant la nation, il
utilisera un langage de douceur comme il est écrit: 'Ecoutez-moi donc
mes frères et mon peuple !' Parmi les dirigeants de notre peuple, le
meilleur exemple d'humilité est celui, bien connu, de notre
maître Moïse
qui était l'homme le plus humble de toute la terre puisqu'en public, il
n'avait pas hesité à dire: 'Que sommes-nous... ?' Le roi
d'Israël doit
s'identifier à ses sujets. Il doit supporter leurs fardeaux, leurs
peines,
leurs doléances, de meme que leurs colères, comme s'il
était une nourice
portant son nourisson. Ce n'est donc pas un hasard si la Tora désigne le
roi comme le 'berger' de sa nation . . . " (Maimonide, Hilkhot Melakhim, II,
alinéa 6).

Cette description de Maïmonide nous surprend agréablement.
N'aimerions-nous pas qu'elle puisse être appliquée à
présent par nos
dirigeants politiques ? Comme nous aurions apprécié de voir
nos chefs
d'Etat, ministres et autres députés agir selon cet enseignement du
Rambam!

Parmi les exemples historiques les plus remarquables, on citera bien sûr
le roi David, qui était un modèle d'humilité, tout en
demeurant sans cesse
ferme quant à la destinée de la nation. En effet, nos Sages
expliquent que
lorsque David partait en guerre, il défendait résolument la
terre et le peuple
d'Israël. Mais lorsqu'il rentrait dans son palais, il étudiait
la Tora et
redevenait l'homme le plus doux et le plus humble: "Je me sens comme un
vermisseau, et non pas comme un être humain" (Psaumes, XXII, 7.
Traité
Moed Katan p. 16/b).
David avait pour habitude de prendre conseil auprès de son
maître et il
lui demandait régulièrement s'il avait bien rendu la justice
et s'il avait
correctement résolu les multiples litiges qu'on lui soumettait (voir
le Traité
talmudique Berakhot, p. 4/a).

Mais comment, alors, nous assurer que le roi puisse justement atteindre
ce degré d'humilité ? Le fait même de diriger une
nation ne porte-t-il pas
presque naturellement un homme à l'orgueil ? On le
répète souvent à notre
époque: le pouvoir rend pervers, et le pouvoir absolu rend absolument
pervers .

La réponse à cette question se trouve dans un autre verset:
"Et lorsqu'il
siègera sur son trône royal, il écrira à son
usage, dans un Livre, une
copie de cette Loi, en s'inspirant des Lévites: elle sera près
de lui, et il la
lira tous les jours de sa vie, afin qu'il apprenne à craindre le Seigneur
son Dieu, à observer les paroles de cette Tora, à pratiquer
ses préceptes
afin que son coeur ne s'élève pas au-dessus de ses
frères" (Deutéronome,
XV, 18-20).

On le sait, chaque homme du peuple d'Israël a le devoir d'écrire un
"Sefer Tora" afin qu'il ne soit pas contraint de l'emprunter chez son
prochain ou à la synagogue - ce qui pour des raisons purement techniques
réduirait les possibilités et l'ampleur de son étude.
Or certains
décisionnaires ultérieurs - comme le Rosh, Rabbénou
Asher - ont
interprété pour notre époque ce commandement comme la
possibilité
d'acheter des livres écrits par d'autres, directive valant non
seulement pour
les ouvrages de la loi écrite, mais également pour ceux de la
loi orale qui
est elle-même objet et obligation d'étude. Mais si tout homme
d'Israël a le
devoir de posséder un Livre de la Tora, le roi se doit quant
à lui d'en avoir
deux .

Maïmonide explique - toujours dans ses Hilkhot Melakhim (III) - que le
roi pouvait en effet recevoir en héritage l'un de ces deux Livres de
la part
de ses ancêtres, mais qu'il devait impérabvement écrire
le second ! Chaque
livre avait son usage spécifique: I'un servait à
l'étude, et le second restait
enveloppé dans un étui à la disposition permanente du
souverain, lorsqu'il
rendait la justice, consultait la nation, et bien sûr lorsqu'il
partait en guerre
à la tête de ses troupes. Il le consultait sans cesse afin de
savoir quelle était
la bonne voie à suivre, comme il est écrit: "Et il sera avec
lui, et il le lira
tous les jours de sa vie" (ibid. 19). Il s'agissait en fait, pour des raisons
pratiques, d'un rouleau de la Tora miniaturisé et enfermé
dans un étui de
cuir, qui restait attaché sur son avant-bras. Maïmonide
précise que le roi
doit utiliser son temps soit à se consacrer à l'étude
de la Tora, soit aux
affaires de l'Etat. Puisqu'il porte une responsabilité si
importante, il ne peut
se permettre de dilapider son temps dans des futilités: "Son coeur est le
coeur de toute l'assemblée d'Israël' (Maimonide, Hilldot
Melakhim, III,
alina 6).

C'est donc l'étude de la Tora qui nous assure que le souverain restera
fidèle à la mission qui lui a été
confiée. Evidemment, en cas de défaillance,
le haut tribunal rabbinique - le Sanhédrin - les prophètes,
qui sont les
"garde-fous" politiques du pays, et parfois même la nation tout
entière,
doivent intervenir.

Cette précision nous conduit inévitablement à un
problème d'actualité.
Dans quelle mesure le gouvernement de l'Etat d'Israël repond-il de nos
jours à cette définition de la royauté ?

Précisons d'emblée que le Rav Kook considère que,
lorsqu'il n'y a pas
de roi, c'est le peuple qui hérite du statut de roi: la
collectivité peut aussi
transmettre les prérogatives du roi à celui qui lui
paraît le plus digne pour
diriger la nation (Responsa "Michpat Cohen", p. 337).

Il s'avère donc que le gouverement israélien actuel est, dans une
certaine mesure, une projection de la royauté d'Israël: il
assume en effet
les mêmes responsabilités que celles du roi, mais il doit
également remplir
les mêmes devoirs que lui. Evidemment, ce n'est pas un gouvernement
parfait, en particulier sur le plan de la fidélité à
la Tora et pour ce qui est
de la representativité de la nation dans son ensemble. Mais il incarne
cependant, d'une certaine manière, la première étape
vers un retour de la
royauté, et l'Etat d'Israël doit être perçu comme
le "Royaume d'Israël" en
chemin .

Il est probable qu'il nous faudra encore nous montrer patients avant de
voir sous nos yeux se former un Royaume d'Israël comfomme à
l'image que
la Tora nous présente ici. Et à la vérité,
notre histoire nous a bien montré
qu'au début de l'existence de la nation hébraïque sur sa
terre, nous ne
possédions pas encore de royaume ! Le peuple d'Israël
préférait en effet
vivre de manière assez "tribale", chaque tribu jouissant d'une certaine
autonomie et possédant sa propre armée et sa propre police.

On se souvient d'ailleurs que cette conception morcellée de la
collectivité d'Israël avait conduit à un
véritable désastre puisque chaque
sous-ensemble avait pris l'habitude de faire ce que bon lui semblait. Le
pays était en plein marasme dans tous les domaines: religieux,
économique, moral, sécuritaire et militaire - à tel
point que, parfois, il
tombait même entre des mains ennemies.

Nos Sages de la Michna ont polémiqué sur un point important: la
nomination d'un roi est-elle obligatoire ou facultative ? Dans son traité
Hilkhot Melakhim, Maïmonide statue et affirme que la
désignation d'un roi
est pour Israël obligatoire.

Cependant la nomination du roi dépend de la volonté du peuple, ainsi
que l'indique le verset "Et tu diras: je placerai un roi sur moi", c'est donc
le peuple qui doit exiger la désignation du roi. S'agit-il d'une
condition de
principe sine qua non, nécéssitant le complet accord de la
nation, ou bien
est-ce là une dimension "de facto": sans la confiance du peuple, le
roi ne
pourra pas accomplir la tâche de façon effective. Des
sommités telles que
le Natsiv, Rabbi Naftali Tsvi Yéhouda Berlin, et Rabbi Haïm
Benattar,
auteur de "Or haHaïm", sont divisés à ce sujet.

Il nous reste à espérer qu'avec les débuts
encourageants dont nous
avons été les témoins depuis près de cinq
décennies en Israël, nous
continuerons à frayer notre voie jusqu'à linstauration d'un
royaume
authentique et même jusqu'à l'avènement du roi par
excellence: le Messie.