----------------------------------------------------------------- ------------- ©Tout droits réservés Sifriat Hava, Beit El, Mizrah Binyamin 96031 Israël Communauté On-Line : WWW.COL.FR ------------------------------------------------------------------------------ CHOFETIM UNE ROYAUTE ECLAIREE "Lorsque tu viendras dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne, que tu l'occuperas et que tu t'y établiras, et que tu diras: 'Je veux mettre à ma tête un roi comme tous les peuples qui m'entourent' tu pourras mettre à ta tête un roi qui soit du milieu de tes frères; tu ne pourras pas te donner un roi étranger qui ne soit pas ton frère" (Deutéronome, XVII, 14-15). De prime abord, nous pourrions nous étonner que la Tora considère la monarchie comme le régime idéal, laissant ainsi de côté la démocratie ! Comment peut-on comprendre et accepter que la royauté, avec son caractère habituellement despotique et cruel, puisse avoir eu la priorité sur le régime plus juste et égalitaire que constitue la démocratie ? Dans son Livre des Commandements, Maïmonide donne son interprétation sur cette position apparemment surprenante de la Tora et explique, brièvement mais clairement, que l'existence d'un roi au sommet de la pyramide permet en fait de réunir le peuple tout entier et de l'unifier. Certes, la démocratie permet à l'ensemble de la nation d'exprimer librement une multitude d'opinion et elle porte en elle tout un ensemble de valeurs essentielles. Toutefois, ce système possède ses propres inconvénients. En effet, un régime démocratique favorise presque inévitablement la partition de la nation et sa dislocation en de nombreux mouvements idéologiques et partis politiques. Parfois, ces partis oublient qu'il existe un idéal supérieur au-dessus d'eux qui n'est autre que la nation elle-même ! Parfois, le système démocratique conduit la collectivité à s'entre-déchirer et à plonger dans de dangereuses luttes intestines. C'est pourquoi lorsque l'on designe à la tête du peuple un roi qui devra représenter fidèlement les différents courants au sein de la nation, dont il saura défendre les intérêts face aux autres pays, alors la collectivité a de meilleures chances de demeurer unie. Mais évidemment, un danger plus grand encore la guette: celui de désigner un roi qui oublierait sa mission et qui n'en ferait qu"'à sa tête", bafouant les libertés de ses sujets et précipitant ainsi la nation dans un indescriptible tohu-bohu. Peut-on eviter une telle situation ? L'une des réponses à ce problème crucial découle du statut que la Tora accordé au roi: de même que la nation a le devoir de respecter son roi, ce dernier se doit de respecter ses sujets. Maimonide nous l'explique dans ses "Hilchot Melakhim", Lois sur l'exercice de la royauté: "De même que la Tora lui a attribué les plus grands des honneurs et a astreint toute la nation à l'honorer, ainsi lui a-t-elle aussi ordonné d'etre ,modeste face à elle... Il ne doit donc en aucune manière se montrer hautain vis-à-vis du peuple d'Israël, comme il est écrit: 'Que son coeur ne s'eleve pas au- dessus de ses frères' ..." [Deutéronome, XVII, 20]. "Le plus haut personnage de a nation doit demeurer miséricordieux aussi bien avec les petites gens, qu'avec les grands notables. Il doit se préoccuper de tous leurs besoins et de leur bonheur, et respecter l'honneur du plus humble parmi les plus petits ! Et lorsqu'il s'exprimera devant la nation, il utilisera un langage de douceur comme il est écrit: 'Ecoutez-moi donc mes frères et mon peuple !' Parmi les dirigeants de notre peuple, le meilleur exemple d'humilité est celui, bien connu, de notre maître Moïse qui était l'homme le plus humble de toute la terre puisqu'en public, il n'avait pas hesité à dire: 'Que sommes-nous... ?' Le roi d'Israël doit s'identifier à ses sujets. Il doit supporter leurs fardeaux, leurs peines, leurs doléances, de meme que leurs colères, comme s'il était une nourice portant son nourisson. Ce n'est donc pas un hasard si la Tora désigne le roi comme le 'berger' de sa nation . . . " (Maimonide, Hilkhot Melakhim, II, alinéa 6). Cette description de Maïmonide nous surprend agréablement. N'aimerions-nous pas qu'elle puisse être appliquée à présent par nos dirigeants politiques ? Comme nous aurions apprécié de voir nos chefs d'Etat, ministres et autres députés agir selon cet enseignement du Rambam! Parmi les exemples historiques les plus remarquables, on citera bien sûr le roi David, qui était un modèle d'humilité, tout en demeurant sans cesse ferme quant à la destinée de la nation. En effet, nos Sages expliquent que lorsque David partait en guerre, il défendait résolument la terre et le peuple d'Israël. Mais lorsqu'il rentrait dans son palais, il étudiait la Tora et redevenait l'homme le plus doux et le plus humble: "Je me sens comme un vermisseau, et non pas comme un être humain" (Psaumes, XXII, 7. Traité Moed Katan p. 16/b). David avait pour habitude de prendre conseil auprès de son maître et il lui demandait régulièrement s'il avait bien rendu la justice et s'il avait correctement résolu les multiples litiges qu'on lui soumettait (voir le Traité talmudique Berakhot, p. 4/a). Mais comment, alors, nous assurer que le roi puisse justement atteindre ce degré d'humilité ? Le fait même de diriger une nation ne porte-t-il pas presque naturellement un homme à l'orgueil ? On le répète souvent à notre époque: le pouvoir rend pervers, et le pouvoir absolu rend absolument pervers . La réponse à cette question se trouve dans un autre verset: "Et lorsqu'il siègera sur son trône royal, il écrira à son usage, dans un Livre, une copie de cette Loi, en s'inspirant des Lévites: elle sera près de lui, et il la lira tous les jours de sa vie, afin qu'il apprenne à craindre le Seigneur son Dieu, à observer les paroles de cette Tora, à pratiquer ses préceptes afin que son coeur ne s'élève pas au-dessus de ses frères" (Deutéronome, XV, 18-20). On le sait, chaque homme du peuple d'Israël a le devoir d'écrire un "Sefer Tora" afin qu'il ne soit pas contraint de l'emprunter chez son prochain ou à la synagogue - ce qui pour des raisons purement techniques réduirait les possibilités et l'ampleur de son étude. Or certains décisionnaires ultérieurs - comme le Rosh, Rabbénou Asher - ont interprété pour notre époque ce commandement comme la possibilité d'acheter des livres écrits par d'autres, directive valant non seulement pour les ouvrages de la loi écrite, mais également pour ceux de la loi orale qui est elle-même objet et obligation d'étude. Mais si tout homme d'Israël a le devoir de posséder un Livre de la Tora, le roi se doit quant à lui d'en avoir deux . Maïmonide explique - toujours dans ses Hilkhot Melakhim (III) - que le roi pouvait en effet recevoir en héritage l'un de ces deux Livres de la part de ses ancêtres, mais qu'il devait impérabvement écrire le second ! Chaque livre avait son usage spécifique: I'un servait à l'étude, et le second restait enveloppé dans un étui à la disposition permanente du souverain, lorsqu'il rendait la justice, consultait la nation, et bien sûr lorsqu'il partait en guerre à la tête de ses troupes. Il le consultait sans cesse afin de savoir quelle était la bonne voie à suivre, comme il est écrit: "Et il sera avec lui, et il le lira tous les jours de sa vie" (ibid. 19). Il s'agissait en fait, pour des raisons pratiques, d'un rouleau de la Tora miniaturisé et enfermé dans un étui de cuir, qui restait attaché sur son avant-bras. Maïmonide précise que le roi doit utiliser son temps soit à se consacrer à l'étude de la Tora, soit aux affaires de l'Etat. Puisqu'il porte une responsabilité si importante, il ne peut se permettre de dilapider son temps dans des futilités: "Son coeur est le coeur de toute l'assemblée d'Israël' (Maimonide, Hilldot Melakhim, III, alina 6). C'est donc l'étude de la Tora qui nous assure que le souverain restera fidèle à la mission qui lui a été confiée. Evidemment, en cas de défaillance, le haut tribunal rabbinique - le Sanhédrin - les prophètes, qui sont les "garde-fous" politiques du pays, et parfois même la nation tout entière, doivent intervenir. Cette précision nous conduit inévitablement à un problème d'actualité. Dans quelle mesure le gouvernement de l'Etat d'Israël repond-il de nos jours à cette définition de la royauté ? Précisons d'emblée que le Rav Kook considère que, lorsqu'il n'y a pas de roi, c'est le peuple qui hérite du statut de roi: la collectivité peut aussi transmettre les prérogatives du roi à celui qui lui paraît le plus digne pour diriger la nation (Responsa "Michpat Cohen", p. 337). Il s'avère donc que le gouverement israélien actuel est, dans une certaine mesure, une projection de la royauté d'Israël: il assume en effet les mêmes responsabilités que celles du roi, mais il doit également remplir les mêmes devoirs que lui. Evidemment, ce n'est pas un gouvernement parfait, en particulier sur le plan de la fidélité à la Tora et pour ce qui est de la representativité de la nation dans son ensemble. Mais il incarne cependant, d'une certaine manière, la première étape vers un retour de la royauté, et l'Etat d'Israël doit être perçu comme le "Royaume d'Israël" en chemin . Il est probable qu'il nous faudra encore nous montrer patients avant de voir sous nos yeux se former un Royaume d'Israël comfomme à l'image que la Tora nous présente ici. Et à la vérité, notre histoire nous a bien montré qu'au début de l'existence de la nation hébraïque sur sa terre, nous ne possédions pas encore de royaume ! Le peuple d'Israël préférait en effet vivre de manière assez "tribale", chaque tribu jouissant d'une certaine autonomie et possédant sa propre armée et sa propre police. On se souvient d'ailleurs que cette conception morcellée de la collectivité d'Israël avait conduit à un véritable désastre puisque chaque sous-ensemble avait pris l'habitude de faire ce que bon lui semblait. Le pays était en plein marasme dans tous les domaines: religieux, économique, moral, sécuritaire et militaire - à tel point que, parfois, il tombait même entre des mains ennemies. Nos Sages de la Michna ont polémiqué sur un point important: la nomination d'un roi est-elle obligatoire ou facultative ? Dans son traité Hilkhot Melakhim, Maïmonide statue et affirme que la désignation d'un roi est pour Israël obligatoire. Cependant la nomination du roi dépend de la volonté du peuple, ainsi que l'indique le verset "Et tu diras: je placerai un roi sur moi", c'est donc le peuple qui doit exiger la désignation du roi. S'agit-il d'une condition de principe sine qua non, nécéssitant le complet accord de la nation, ou bien est-ce là une dimension "de facto": sans la confiance du peuple, le roi ne pourra pas accomplir la tâche de façon effective. Des sommités telles que le Natsiv, Rabbi Naftali Tsvi Yéhouda Berlin, et Rabbi Haïm Benattar, auteur de "Or haHaïm", sont divisés à ce sujet. Il nous reste à espérer qu'avec les débuts encourageants dont nous avons été les témoins depuis près de cinq décennies en Israël, nous continuerons à frayer notre voie jusqu'à linstauration d'un royaume authentique et même jusqu'à l'avènement du roi par excellence: le Messie.