----------------------------------------------------------------- ------------- ©Tout droits réservés Sifriat Hava, Beit El, Mizrah Binyamin 96031 Israël Communauté On-Line : WWW.COL.FR ------------------------------------------------------------------------------ BO LES BATISSEURS DU TEMPS ET DE L'ESPACE "L 'Eternel parla à Moïse et à Aaron dans le pays d 'Egypte en disant: 'Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois; il sera pour vous le premier mois de l 'année' ... " (Exode, Xll, 1-2). Notre section shabbatique fait mention de la première loi constitutionnelle énoncée dans la Tora concernant la collectivité juive. Cette loi se rapporte en fait au respect si particulier des traditions de la "neoménie" (en hébreu: le "Rosh Hodesh"). Notre grand commentateur Rachi enseigne que le Pentateuque est censé rassembler les multiples éléments de la vie juive quotidienne. Or si c'est effectivement le cas, une question s'impose: pourquoi la Tora débute- t-elle donc par la longue introduction historique relatée dans le livre de la Genèse, et non pas par le verset précité ? Nos Sages répondent à cette interrogation en expliquant ceci: il était nécessaire de faire connaître au peuple hébreu et à l'ensemble des nations du monde, I'origine du lien si particulier qui unit ce peuple à sa terre; et il était aussi indispensable de bien signifier aux générations futures de l'humanité le fait que la terre d'lsraël lui appartient de droit car elle lui a été destinée par Dieu lui-même (Rachi apud Genèse I, 1). Pour nous éclairer davantage, nos Sages citent la parabole suivante: "Un roi possédait une horloge qui lui était chère. Lorsque son fils eut atteint l'adolescence, il lui dit: 'Après avoir veillé au bon fonctionnement de cette horloge, il est temps que je te la confie. Prends-en soin et veille à ton tour à ce que son mécanisme tourne parfaitement'. La parabole signifie ceci: 'A l'époque des patriarches, l'Eternel fixait les mois et déterminait les années embolismiques. Mais à partir de notre section shabbatique, Dieu se 'décharge' de cette mission et la confie aux Enfants d'Israël: 'Jusqu'à aujourd'hui, c'est Moi qui calculais les dates des néoménies et des fêtes, désormais ce sera vous' ..." (Midrash Tanhouma). Pourquoi Dieu a-t-il ansi souhaité transmettre ce pouvoir aux Enfants d'lsraël ? Avant tout, parce que l'homme vit dans un cadre temporel: le temps est le registre le plus important au sein duquel s'inscrit la vie humame, et il appartient à l'homme de sanctifier sa vie. Nous remarquons que le Kiddoush (prière de sanctification suivie de vin) qui introduit cérémonieusement nos fêtes, se clôture chaque fois par une bénédiction qui sanctifie Israël et "les temps" . Nos Sages s'étaient longuement interrogés sur cette double expression - "Israël" et "les temps": en effet, il est de coutume de ne pas accomplir les commandements de la Tora de manière groupée, mais plutôt de donner à chacune des mitzvot l'importance et le moment qu'elle mérite. Selon ce principe, il aurait été souhaitable de réciter une bénédiction spécifique pour le peuple d'Israël, puis une autre pour le temps. Nos Sages réfutent cette argumentation en répondant que, dans notre cas, c'est "Israel qui sanchfie le temps" (Traité talmudique Beralot, p. 49/a). Autrement dit, les deux données de cette bénédiction n'en forment en fait qu'une seule: Israël. Dieu accorde au peuple d'Israël un degré de sainteté particulièrement élevé, et c'est le peuple qui, fort de cette qualité intrinsèque qui fait sa spécificité, se retrouve capable de "sanctifier le temps'', pnvilège unique dans l'histoire et la culture des nations. Nous l'avons dit, le temps est une structure à laquelle l'homme a affaire malgré lui: "C'est malgré toi que tu es créé, que tu nais et que tu vis" (Traite Avot, chap. IV). C'est par essence que le temps et ses mouvements dominent l'homme Or, dès l'apparition du peuple hébreu sur la scène de l'Histoire, se produit un bouleversement: Israël devient le seul peuple capable de dominer ce temps, de le maîtriser, de lui imposer une dimension spirituelle qui est celle de la sainteté et d'opérer la "séparation" du profane et du saint. En effet, la trame du temps juif est tissée entre des points singuliers: le shabbat et les jours de fêtes dispensent leur rayonnement sur les autres jours ouvrables. Nos Sages constatent amsi que pour la plupart des nations, les célébrations des jours fériés se résument en une série de distractions malsaines qui vont souvent des beuveries aux goinfreries, et qui n'ont pour effet que d'accroître le courroux divin - essentiellement parce qu'elles effacent la dimension spirituelle de l'existence. Il n'en est pas de même pour le peuple d'Israël: chaque célébration est l'occasion pour la famille juive de se régénérer spirituellement. Même si l'aspect folklorique et gastronomique occupe aussi une certaine place dans le rituel des fetes juives, les principales activités n'en demeurent pas moins la prière et l'étude de la Tora (voir Yalkout Shlmoni - section Pinhas). Tout homme le sent: le temps est semblable à un courant qui passe et qui ne revient plus ! A défaut de pouvoir "retrouver le temps perdu" comme le souhaitait Proust, il convient de remplir chacun de nos instants de signification. C'est la raison pour laquelle les lois de la néoménie et du calendrier sont les premières règles à avoir été transmises au peuple hébreu. Et ce, afin que nous puissions maîtriser ce temps et en retirer le maximum de profit spirituel. Il faut aussi ajouter que, de même que nous vivons dans le temps, nous vivons également dans l'espace - un espace en l'occurrence spécifique au peuple d'Israël : la terre d'Israël. Selon la Halakha, la loi juive traditionnelle, cette terre constitue pour nous un cadre de vie indispensable et même sine qua non. Et c'est la raison pour laquelle les lois concernant la sanctification des fêtes et la désignation des néoménies ne peuvent être édictées qu'en Eretz Israël. Dans son livre sur le Khouzari, rabbi Yéhouda Halévi cite, preuve à l'appui, que la terre d'Israël est bel et bien la terre de la Tora (Kouzari, II, 20). Maimonide insiste quant à lui sur le fait que comme il n'existe pas, de nos jours, de Grand Sanhédrin, la Cour suprême pour le droit public et privé, en Eretz Israël capable de proclamer la néoménie, nous devons nous référer aux repères calendaires conçus ad vitam eternam. Ainsi, le calendner hébraique en vigueur aujourd'hui est-il désormais fondé sur ce qui avait été fixé jadis par les habitants d'Eretz Israël, et il n'a pour but que d'élucider leurs fixations (Malmonide, Livre des commandements - Commandement positif § 153). Selon le Rambam, il existe donc un lien entre la dimension du temps et celle de l'espace, entre la sanctification du temps et celle de l'espace. Maimonide démontre ceci par l'absurde: "Si nous supposions par exemple que le peuple juif était totalement absent de la terre d'Israël en dépit de la promesse divine, notre calcul et notre calendrier seraient nuls et non avenus" (ibid.). La perpétuation du calendrier hébraique et de tout le système bien structuré des fêtes juives a comme fondement la présence permanente de Juifs en Eretz Israel, même si cette présence fut parfois infime. Car c'est cette continuité - une sorte de "support" - qui permet à la trame du temps de ne pas s'écouler sans signification et sanctification. L'un des principaux décisionnaires de la génération précédente, Rabbi Moshé de Presbourg - plus connu sous le nom de Hatam Sofer - affine davantage ces propos de Maïmonide en disant: "Effectivement, s'il ne reste aucun Juif en Eretz Israël, même si une grande partie du peuple juif était présente à l'étranger, cela impliquerait l'anéantissement de notre nation puisgu'il serait impossible de déterminer le temps et les fêtes juives" (Responsa, Yoreh Dea, 244). Et le Hatam Sofer d'insister sur le fait que tant qu'il demeurera de simples Juifs en Eretz Israël, même seulement des vignerons, nous pourrons continuer à pratiquer les fêtes selon la loi Juive . C'est cette chaîne jamais rompue de la sanctification du temps dans l'espace spécifique d'Eretz Israel qui rend possible de sanctifier les jours de fêtes juives dans le monde entier. S'il était advenu que l'absence de Juifs en ce lieu ait pu être un jour totale, les fêtes auraient disparu dans le monde entier, générant ainsi l'anéantissement du peuple d'Israël. Ce premier commandement de la Tora énonçant la règle de fixation de la néoménie définit donc le peuple d'Israël comme une nation particulière dont la qualité première est de pouvoir sanctifier le temps. Elle associe de manière indissoluble le peuple à sa terre, et permet à la trame du temps de persister avec toute sa profondeur régénératrice.