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BO

LES BATISSEURS DU TEMPS ET DE L'ESPACE

"L 'Eternel parla à Moïse et à Aaron dans le pays d
'Egypte en disant:
'Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois; il sera pour
vous le premier mois de l 'année' ... " (Exode, Xll, 1-2).

Notre section shabbatique fait mention de la première loi
constitutionnelle énoncée dans la Tora concernant la
collectivité juive.
Cette loi se rapporte en fait au respect si particulier des traditions de la
"neoménie" (en hébreu: le "Rosh Hodesh").

Notre grand commentateur Rachi enseigne que le Pentateuque est
censé rassembler les multiples éléments de la vie
juive quotidienne. Or si
c'est effectivement le cas, une question s'impose: pourquoi la Tora
débute-
t-elle donc par la longue introduction historique relatée dans le
livre de la
Genèse, et non pas par le verset précité ?

Nos Sages répondent à cette interrogation en expliquant ceci:
il était
nécessaire de faire connaître au peuple hébreu et
à l'ensemble des nations
du monde, I'origine du lien si particulier qui unit ce peuple à sa
terre; et il
était aussi indispensable de bien signifier aux
générations futures de
l'humanité le fait que la terre d'lsraël lui appartient de
droit car elle lui a été
destinée par Dieu lui-même (Rachi apud Genèse I, 1).

Pour nous éclairer davantage, nos Sages citent la parabole suivante:
"Un roi possédait une horloge qui lui était chère.
Lorsque son fils eut
atteint l'adolescence, il lui dit: 'Après avoir veillé au bon
fonctionnement
de cette horloge, il est temps que je te la confie. Prends-en soin et
veille à
ton tour à ce que son mécanisme tourne parfaitement'. La parabole
signifie ceci: 'A l'époque des patriarches, l'Eternel fixait les mois et
déterminait les années embolismiques. Mais à partir de
notre section
shabbatique, Dieu se 'décharge' de cette mission et la confie aux Enfants
d'Israël: 'Jusqu'à aujourd'hui, c'est Moi qui calculais les
dates des
néoménies et des fêtes, désormais ce sera vous'
..." (Midrash Tanhouma).

Pourquoi Dieu a-t-il ansi souhaité transmettre ce pouvoir aux Enfants
d'lsraël ?

Avant tout, parce que l'homme vit dans un cadre temporel: le temps est
le registre le plus important au sein duquel s'inscrit la vie humame, et il
appartient à l'homme de sanctifier sa vie.

Nous remarquons que le Kiddoush (prière de sanctification suivie de
vin) qui introduit cérémonieusement nos fêtes, se
clôture chaque fois par
une bénédiction qui sanctifie Israël et "les temps" .
Nos Sages s'étaient
longuement interrogés sur cette double expression - "Israël" et
"les temps":
en effet, il est de coutume de ne pas accomplir les commandements de la
Tora de manière groupée, mais plutôt de donner à
chacune des mitzvot
l'importance et le moment qu'elle mérite. Selon ce principe, il
aurait été
souhaitable de réciter une bénédiction
spécifique pour le peuple d'Israël,
puis une autre pour le temps.

Nos Sages réfutent cette argumentation en répondant que, dans
notre
cas, c'est "Israel qui sanchfie le temps" (Traité talmudique Beralot, p.
49/a). Autrement dit, les deux données de cette
bénédiction n'en forment
en fait qu'une seule: Israël. Dieu accorde au peuple d'Israël un degré de
sainteté particulièrement élevé, et c'est le
peuple qui, fort de cette qualité
intrinsèque qui fait sa spécificité, se retrouve
capable de "sanctifier le
temps'', pnvilège unique dans l'histoire et la culture des nations.

Nous l'avons dit, le temps est une structure à laquelle l'homme a affaire
malgré lui: "C'est malgré toi que tu es créé,
que tu nais et que tu vis"
(Traite Avot, chap. IV). C'est par essence que le temps et ses mouvements
dominent l'homme Or, dès l'apparition du peuple hébreu sur la
scène de
l'Histoire, se produit un bouleversement: Israël devient le seul peuple
capable de dominer ce temps, de le maîtriser, de lui imposer une
dimension spirituelle qui est celle de la sainteté et
d'opérer la "séparation"
du profane et du saint. En effet, la trame du temps juif est tissée
entre des
points singuliers: le shabbat et les jours de fêtes dispensent leur
rayonnement sur les autres jours ouvrables.

Nos Sages constatent amsi que pour la plupart des nations, les
célébrations des jours fériés se
résument en une série de distractions
malsaines qui vont souvent des beuveries aux goinfreries, et qui n'ont pour
effet que d'accroître le courroux divin - essentiellement parce qu'elles
effacent la dimension spirituelle de l'existence.

Il n'en est pas de même pour le peuple d'Israël: chaque
célébration est
l'occasion pour la famille juive de se régénérer
spirituellement. Même si
l'aspect folklorique et gastronomique occupe aussi une certaine place dans


le rituel des fetes juives, les principales activités n'en demeurent
pas moins
la prière et l'étude de la Tora (voir Yalkout Shlmoni -
section Pinhas).

Tout homme le sent: le temps est semblable à un courant qui passe et
qui ne revient plus ! A défaut de pouvoir "retrouver le temps perdu"
comme le souhaitait Proust, il convient de remplir chacun de nos instants
de signification. C'est la raison pour laquelle les lois de la
néoménie et du
calendrier sont les premières règles à avoir
été transmises au peuple
hébreu. Et ce, afin que nous puissions maîtriser ce temps et
en retirer le
maximum de profit spirituel.

Il faut aussi ajouter que, de même que nous vivons dans le temps, nous
vivons également dans l'espace - un espace en l'occurrence
spécifique au
peuple d'Israël : la terre d'Israël. Selon la Halakha, la loi juive
traditionnelle, cette terre constitue pour nous un cadre de vie indispensable
et même sine qua non. Et c'est la raison pour laquelle les lois
concernant la
sanctification des fêtes et la désignation des
néoménies ne peuvent être
édictées qu'en Eretz Israël. Dans son livre sur le
Khouzari, rabbi Yéhouda
Halévi cite, preuve à l'appui, que la terre d'Israël est
bel et bien la terre de
la Tora (Kouzari, II, 20). Maimonide insiste quant à lui sur le fait que
comme il n'existe pas, de nos jours, de Grand Sanhédrin, la Cour
suprême
pour le droit public et privé, en Eretz Israël capable de
proclamer la
néoménie, nous devons nous référer aux
repères calendaires conçus ad
vitam eternam.

Ainsi, le calendner hébraique en vigueur aujourd'hui est-il
désormais
fondé sur ce qui avait été fixé jadis par les
habitants d'Eretz Israël, et il n'a
pour but que d'élucider leurs fixations (Malmonide, Livre des
commandements - Commandement positif § 153). Selon le Rambam, il
existe donc un lien entre la dimension du temps et celle de l'espace, entre
la sanctification du temps et celle de l'espace.

Maimonide démontre ceci par l'absurde: "Si nous supposions par
exemple que le peuple juif était totalement absent de la terre d'Israël en
dépit de la promesse divine, notre calcul et notre calendrier
seraient nuls
et non avenus" (ibid.).

La perpétuation du calendrier hébraique et de tout le
système bien
structuré des fêtes juives a comme fondement la
présence permanente de
Juifs en Eretz Israel, même si cette présence fut parfois
infime. Car c'est
cette continuité - une sorte de "support" - qui permet à la
trame du temps
de ne pas s'écouler sans signification et sanctification.

L'un des principaux décisionnaires de la génération
précédente, Rabbi
Moshé de Presbourg - plus connu sous le nom de Hatam Sofer - affine
davantage ces propos de Maïmonide en disant: "Effectivement, s'il ne
reste aucun Juif en Eretz Israël, même si une grande partie du peuple
juif était présente à l'étranger, cela
impliquerait l'anéantissement de
notre nation puisgu'il serait impossible de déterminer le temps et
les fêtes
juives" (Responsa, Yoreh Dea, 244). Et le Hatam Sofer d'insister sur le fait
que tant qu'il demeurera de simples Juifs en Eretz Israël, même
seulement
des vignerons, nous pourrons continuer à pratiquer les fêtes
selon la loi
Juive .

C'est cette chaîne jamais rompue de la sanctification du temps dans
l'espace spécifique d'Eretz Israel qui rend possible de sanctifier
les jours de
fêtes juives dans le monde entier. S'il était advenu que
l'absence de Juifs en
ce lieu ait pu être un jour totale, les fêtes auraient disparu
dans le monde
entier, générant ainsi l'anéantissement du peuple
d'Israël.

Ce premier commandement de la Tora énonçant la règle de
fixation de
la néoménie définit donc le peuple d'Israël comme
une nation particulière
dont la qualité première est de pouvoir sanctifier le temps.
Elle associe de
manière indissoluble le peuple à sa terre, et permet à
la trame du temps de
persister avec toute sa profondeur régénératrice.