----------------------------------------------------------------- ------------- ©Tout droits réservés Sifriat Hava, Beit El, Mizrah Binyamin 96031 Israël Communauté On-Line : WWW.COL.FR ------------------------------------------------------------------------------ BERECHIT "ET QUE LA LUMIERE SOIT..." "Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre", (Genèse, 1, 1): nous comprenons à la lecture de ce premier verset de la Tora que Dieu a brusquement créé une réalité à partir d'un neant. Pourtant nos Sages nous font remarquer dans le traité Avot - les "Maximes de nos Pères" (V, 1) - que le monde a été créé par dix paroles. Il pourrait donc aussi s'agir d'une création progressive. A dix reprises, on peut lire dans la Genèse: "Et Dieu parla". Ce fut le cas à propos de la création de la lumière, de la séparation des eaux, etc. C'est alors que les Sages se posent une question inévitable: est-ce que, dans Sa toute puissance, Dieu n'aurait pas pu créer le monde le plus parfait grâce à une seule et unique parole ? La réponse ne fait bien sûr aucun doute: s'll le souhaite, Dieu peut créer d'emblée un monde de perfection. Mais Son désir est autre l'Eternel a voulu façonner le monde graduellement afin, nous disent les rabbins, de "donner un salaire aux justes qui font exister le monde qui a été créé par des paroles". Car un monde créé dans sa toute perfection empêcherait l'être humain d'être partie prenante du plus grand acte qui puisse être: celui de la création. On relate à ce propos l'histoire d'un Romain qui posa un jour la question suivante à un Sage: "Qu'y a-t-il de plus beau: I'¦uvre humaine ou l'¦uvre divine ?" A sa grande stupéfaction, le Sage lui répondit: "L'¦uvre humaine". Il s'expliqua en affirmant que cette comparaison en forme d'altenative équivalait à celles où l'on comparait le lin et le vêtement ou bien le froment et le pain. Le Romain reconnut la sagesse du rabbinn mais engagea un nouveau dialogue en disant: "Pourquoi pratiquez-vous la circoncision ? Est-ce que le corps humain n'a pas justement été créé déjà parfait ?" Le Sage lui répliqua que c'était là une question bel et bien importante et il répondit: "L'Éternel a créé des choses afin qu'elles soient perfectionnées par l'homme, comme nous le disons chaque vendredi soir dans le Kiddouch - 'Dieu a crée les choses afin qu'elles soient faites' !" Ces dix paroles divines ont donc hissé le monde du néant vers les niveaux successifs de la création. Mais Dieu a confié le dernier mouvement à l'homme et lui a donné la force intérieure d'accomplir jusqu'à son terme ce long processus. Une fois de plus, nous pourrions avoir tendance à considérer cette création comme une série d'à-coups et comme dix brusques paroles divines ayant opéré de soudaines apparitions. Or cela ne serait pas conforme à la lecture ésotérique du texte. En effet, les Kabbalistes nous révèlent que le phénomène mentionné par le verset "la lumière fut" n'a pas été un brusque passage de l'obscurité à la lumière, mais un long processus. Le passage du néant à l'être s'est donc opéré grâce à une infinité d'intermédiaires. A la fin du volume de la Michna Nezihn, dans une longue analyse appelée "Or Hahama", (la lumière solaire), Rabbi Israël Lifchitz, le "Tiferet Israël' - auteur du célèbre commentaire de la Mishna: "Tiferet Israël" - brosse une large fresque de l'apparition du monde. Il rapporte les propos du célèbre Midrash (commentaire homilétique) selon lequel Dieu avait construit des mondes puis, insatisfait, les avait détruits... "Et chaque monde etait plus perfectionné que le précédent" Le projet divin serait donc conçu de telle sorte que l'apparition de chaque monde exigerait au préalable la disparition du précédent. La destruction d'un monde serait en fait le prélude à la création d'un monde meilleur. Selon cette interprétation, notre monde n'aurait donc pas été le premier, mais bien le dernier à être creé: il serait donc un monde que Dieu aurait considéré comme apte à recevoir la lumière divine et la Tora, et à permettre l'apparition de la conscience humaine. Cependant, même ce monde fut loin de la perfection, puisqu'il a dû être englouti sous les eaux du déluge et fut rebâti par Dieu à partir de Noé qui représente, à jamais, la véritable source de l'humanité. Rabbi Israël Lifchitz rapporte egalement les moqueries des hommes de science qui, tout au long des siècles, ne cessèrent de prétendre que tous ces discours faisant état de mondes précédents étaient "insensés". D'après eux, les croyants n'avaient d'autres issues que de se réfugier dans leur foi car ils étaient incapables de répondre à ces critiques à l'aide d'arguments scientifiques. "Et voici, raconte le rav Lifchitz, nous faisant part de sa profonde joie à la lumière d'une nouvelle découverte: le mammouth, imposant par sa taille ef son envergure, est assurémenf le vestige d'un cycle précédent dont l'histoire ne possède aucun souvenir". En d'autres termes, même les scientiiques en viennent finalement à reconnaître la véracité des paroles de nos Sages ! Quoi qu'il en soit, Dieu aurait pu assurément créer notre monde sans le faire précéder de différents bouleversements cyclo-cosmiques. Il aurait pu faire en sorte que l'homme naisse adulte et que l'histoire de notre peuple advienne d'emblée au stade de son aboubssement messianique. Mais le Maître du monde a choisi de faire apparaître les créations de ce monde de façon progressive. Entre les ténèbres et la lumière éclatante, il existe des zones de clair-obscur où le plein jour et la nuit combattent férocement. L'homme est appelé à participer à ce combat. Ceci est vrai tant pour l'ongine du monde que pour la résurrection du peuple d'IIsrael, cette nouvelle genèse de notre peuple qui a lieu sous nos yeux avec tant de difficultés. Le Ramhal, Rabbi Moshé Haïm Luzzato, nous explique ainsi que le monde naît au plus bas et se hisse vers les hauteurs les plus sublimes: "C'est un monde déchiré et fracassé, un monde de vases brisés - qelim Chevourim' - mais ces vases peuvent être restaurés". C'est en fait grâce à la moralité humaine que le monde du désordre - "Olam ha-Tohou" - peut se transformer en "monde de la reparation" - "Olam ha-Tikoun". Ainsi, comme le disent les Sages, I'homme devient-il un associe de Dieu dans l'¦uvre de la création. Chaque homme qui perçoit les choses dans leur vérité ultime et qui participe par un effort spirituel et intellectuel à leur concréisation devient, de ce fait, le vecteur de la volonté divine dans la construction du monde. On peut toutefois concéder que l'imagination populaire s'accommode plus aisément d'une création faite d'apparitions soudaines: il lui est oifficile de concevoir un long et laborieux processus évolutif, surtout lorsque celui- ci implique un effort continu. Cette affirmation est particulièrement pertinente lorsqu'il s'agit de la Guéoula, cette "Délivrance" tant espérée. Mais il faut cependant reconnaître que nous avons pu apprendre, surtout au cours des dermères générations, à nous habituer à cette situation: même si nombre de nos coréligionnaires restent déçus par la lenteur avec laquelle se dévoile cette délivrance, ne savons-nous pas davantage aujourd'hui adapter cette pensée évolutive au phénomène même de la Guéoula qui se déroule sous nos yeux? Il ne faudrait surtout pas, comme certains sont tentés de le faire, voir là une quelconque faiblesse divine ou, pire encore, une sorte d'imcapacité du Créateur de résoudre instantanement tous les problemes surgissant sur la voie de la Gueoula I Au contraire, nous enseigne le Rav Kook, c'est là le signe de la puissance de Dieu qui évite soigneusnent d'intervenir pour bouleverser le processus naturel. S'il en était autrement, nous pourrions croire que le Créateur ne peut plus influencer de l'intérieur sur ce processus. Or c'est bien ansi qu'll agit : Dieu intervient au-dedans meme du processus naturel, lui insuffle la vie et l'infléchit délicatement vers sa finalité. Le Maitre de l'univers apparait donc comme une âmee cachée, qui est celle à la fois de la Nature et de l'histoire, une âme qui donne à ce processus une poussée ascensionnelle et constante, afin de le fire parverir au sommet.