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BECHALAH

SAVOIR DEVENIR UNE NATION VAILLANTE

"Et Pharaon s'approcha, et les Enfants d'lsraël levèrenf les yeux, et
voici que l 'Egypte marchait derrière eux; et ils furent remplis d
'effroi,
et les Enfants d 'lsraël crièrent vers l 'Eternel' (Exode, XIV, 10).

Constatant que l'armée égyptienne s'est lancée
à leur poursuite, les
Hébreux sont pris d'une peur terible: après un début
prometteur de leur
histoire en tant que peuple, les voici soudain confrontés à
la mort !

Et d'emblée, ils se plaignent auprès de Moïse "Est-ce faute de
tombeaux en Egypte que tu nous as pris pour mourir dans le désert ? Que
nous as-tu fait en nous tirant d 'Egypte ? N'est-ce pas là la chose
que nous
t'avions dite en Egypte en disant: 'Laisse-nous, et servons les Egyptiens?
Car mieux valait pour nous de servir les Egyptiens que de mourir dans le
désert" (Exode, XIV, 11-12).

Le célèbre commentateur de la Tora Rabbi Abraham Ibn Ezra s'etonne
de la réaction des Hébreux à cet instant, face
à la mer Rouge: comment
pouvaient-ils avoir peur, remarque-t-il, alors qu'ils représentaient une
"force de frappe" imposante totalisant environ six cents mille hommes ?
Comment ce peuple, qui avait osé défier ouvertement les
divinités
égyptiennes, pouvait-il craindre de se mesurer aux armées du
Pharaon ?
Comment les Hébreux, qui avaient assisté aux miracles divins
des dix
plaies, pouvaient-ils douter de leur succès face à Pharaon ?
De surcroît,
nos ancêtres étaient bel et bien armés comme il est
écrit: "Et c'est armés,
que les Enfants d'lsraël partirent du pays d'Egypte" (Exode,XIII,18).

D'ailleurs, dans la suite du récit biblique, nous verrons que ces armes
seront effectivement utilisées lors des campagnes militaires contre les
géants-rois que furent Sihon et Og, ainsi que contre Midian.
D'après le
Talmud de Jérusalem, les Hébreux possédaient tout un
arsenal composé
d'une quinzaine d'armes différentes (Talmud de Jérusalem,
Traité Shabbat,
VI, 7). Pourquoi n'ont-ils donc pas utilisé cet arsenal à ce
moment précis ?
Ils auraient eu là une occasion rêvée de se venger de
leurs oppresseurs
pharaoniques. Pourquoi ne pas l'avoir saisie ?

Et le Rabbi Abraham Ibn Ezra de répondre: "Bien que les Enfants
d'lsraël s'étaient déjà délivrés de
l'emprise physique des Egyptiens, ils
restaient toujours dépendants psychologiquement et moralement de leurs
anciens maitres egyptiens".

Il ne faut pas oublier que tous les membres de cette
génération, dès leur
enfance, ont appris à supporter le joug égyptien. Et c'est
ensuite pendant
toute leur existence que les Enfants d'Israël ont grandi avec cette marque
d'infériorité. Il était tout à fait impossible
d'évacuer ces traumas en un seul
jour, ou même en une semaine ! Et malgré leur nombre et leur
ampleur,
même les plus grands prodiges de l'Etemel n'avaient pas pu faire
complètement disparaître cette relation de "maître
à esclave" entretenue
par les tyrans égyptiens pendant plusieurs siècles. Dans ces
conditions,
comment les Hébreux auraient-ils pu combattre avec
témérité les
Egyptiens ? Le problème n'était donc pas "technique",
stratégique ou
militaire: c'était un problème d'ordre psychologique.

Visiblement, ceux qui se sont habitués à supporter si
longtemps le joug
de l'oppresseur, ceux qui ont vu leur honneur personnel et national
bafoué,
ceux dont la bravoure a été brisée
systématiquement, sont incapables de se
relever comme un seul homme et de combattre avec un sang neuf !

Nous comprenons alors pourquoi les Enfants d'Israël durent faire ce
long détour: "Et lorsque Pharaon renvoya le peuple, Dieu ne le dirigea
point par le pays des Philistins, car il était proche; parce que Dieu
disait: 'De peur que le peuple ne le regrette quand ils verront la guerre,
et qu'ils retournent en Egypte"' (ibid., 17).

Sur la route des Philistins, ils auraient en effet été
contraints de
combattre, et ce alors que le peuple d'lsraël n'était pas en mesure
d'assumer ces affrontements. C'est pourquoi Dieu leur a fait faire ce
"détour" par la mer Rouge.

Evidemment, on peut, avec Maïmonide, se poser la question et dire: au
lieu de faire un détour, peut-être aurait-il mieux valu qu'on
leur donne la
possibilité de se confronter avec l'univers de la guerre. Il
n'aurait pas alors
été nécessaire de faire ce détour guidé
par "la colonne de nuée pendant le
jour", et "la colonne de feu pendant la nuit" ? La réponse du Rambam est
claire: si, en effet, nen n'empêche Dieu de changer la nature de la
réalité,
le Créateur ne modifiera pas la nature des êtres humains de
façon
"miraculeuse" (Guide des Egarés, vol. m, chap. 3). Evidemment, Dieu
peut également modifier la nature psychologique des gens et transformer
ainsi les gens peureux en personnes courageuses ! Mais sauf exception
rarissime, le Maître de l'univers n'intervient pas dans un domaine
censé
être régenté par le libre arbitre de l'homme: c'est une
"intervention" qu'Il
ne souhaite justement pas faire.

Quelle sera alors la solution, compte tenu de cet handicap moral et
psychologique subi par Israël en Egypte ? Réponse de
Maïmonide: en fin
de compte, un jour ou l'autre, les Hébreux devront assumer de se
confronter à des guerres lorsque leurs descendants entreront en terre
d'Israël .

En effet, jusqu'à la conquête de Josué, quarante
années seront passées
dans le désert. Or ces longues pérégrinations auront
justement eu pour
finalité de transformer un peuple d'esclaves apeurés en un peuple
d'hommes fiers et courageux. Et Maïmonide de conclure: "Ce n'est pas de
la nature de l'homme de grandir dans l'asservissement et l'esclavage. Il
n'était guère aisé de passer d'une activité de
fabrication de briques en
glaise, de laver tout à coup ses mains sales, et de se battre contre des
géants !" (Guide des Egarés, III 32).

Tel fut le but ultime de ces longs et parfois pénibles
déplacements dans
le désert: forger un peuple courageux - comme il est écrit
"Il t'a fait
souffir, Il t'a affamé, Il a donné la manne que tu ne
connaissais pas et
que tes ancêtres ne connaissaient pas, afin de te faire du bien en fin de
compte" (Deutéronome, VIII).

Le but des teribles épreuves du désert - la dure marche dans
ce désert
infesté de scorpions et de serpents, la faim succédant
à la soif (et ce,
malgré la manne et le puits de Myriam) - nous ont forgés et
rendus aptes à
nous mesurer avec les problèmes qu'il nous faudra justement affronter en
pénétrant dans notre pays !

C'est seulement ainsi qu'un peuple, non seulement esclave, mais aussi à
l'esprit d'esclave, pourra se transformer en un peuple courageux A la
vérité, il n'existait alors qu'un seul homme vraiment
courageux dans le
peuple d'Israël: c'était Moïse, lequel n'avait pas peur de se présenter
devant Pharaon et d'exiger sans crainte le renvoi du peuple hors d'Egypte.

Ainsi, lorsque Moïse est venu vers le peuple hébreu avec la promesse
de la délivrance, " ... Iui et Aaron partirent et assemblèrent
tous les
anciens des Enfants d 'lsraël " (Exode, IV, 29) Mais seuls Moïse
et Aaron
se présentèrent devant Pharaon. Où donc les Anciens
avaient-ils disparu ?

Rachi nous dévoile donc ce secret: les Anciens se sont en fait
dérobés à
cette démarche initiée par Moïse et Aaron, laquelle se
voulait collective. Et
lorsque les deux leaders du peuple se présentèrent devant le
maître de
l'Egypte, tous les Anciens avaient disparu en raison de leur crainte envers
Pharaon ! (Rachi apud Shemot V, 1).

Mais Moïse n'avait pas peur. D'après Rabbi Abraham Ibn Ezra, ce
courage nous éclaire sur une autre énigme étrange: on
le sait, au lieu de
grandir comme tous les autres Hébreux dans la détresse,
Moïse a été élevé
dans le somptueux palais de Pharaon: "Et ce fut dans ces jours-là, et
Moïse grandit" (Exode, Il, I l). Le Midrash s'étonne: n'est-il
pas tout à fait
normal que les enfants grandissent... ? Réponse: cela vient nous indiquer
que Moïse ne grandissait pas comme tous les autres Hébreux ( Midrash
Shemot rabba, I;) En un mot: n'aurait-il pas été
préférable qu'il grandisse
dans des yeshivot, assis à étudier nuit et jour ?

Sur ce registre, Rabbi Abraham Ibn Ezra nous explique combien sont
profondes les pensées du Créateur: "Et qui pourra saisir Son
secret, et
c'est lui seul qui connait Ses projets ! Et peut-être Dieu a-t-Il
délibérément souhaité que Moise grandisse dans
un palais royal afin
qu'il sache dominer et commander, et qu'il ne soit pas habitué
à être
rabaissé et à vivre dans une maison d'esclavage. Ainsi a-t-il
pu tuer
l'Egyptien qui avait fait violence [à un Hébreu], et de
même, il a protégé
les filles de Jétro contre les bergers" (Rabbi Abraham Ibn Ezra,
Exode, II,
3).

Moïse était donc un homme courageux: ceci nécessitait
qu'il ne
grandisse pas au milieu de personnes opprimées, mais dans un monde
libre. Et c'est cet écart déjà largement pris avec
l'univers de l'oppression
qui rendait Moïse si différent de ses frères.

Même s'il acceptait d'accomplir sa mission de leader et de
libérateur,
Moïse craignait que les Enfants d'lsraël ne croient pas que Dieu
s'était
précisément révélé à lui,
Moïse: il n'était finalement pas connu comme un
"grand" au sein du peuple, et il n'était guère
célèbre pour sa piété.

Contre toute attente donc, Moïse est celui qui sera
désigné par Dieu
pour guider le peuple: il avait le charisme, la stature et le courage d'un
authentique leader. Et ce n'est que bien plus tard que le peuple
reconnaîtra
que son chef était aussi pourvu des plus hautes qualités
morales et
spirituelles: la pureté, la sincérité et, en
même temps, I'humilité.