Chronique publiée dans
LArche n° 501/novembre 1999
Les Juifs dans les timbres
Sassoon de Bagdad
David Sassoon (prononcez Sassoun), né à Bagdad en 1792,
était lun des sept fils de cheikh Sassoon ben Saleh, riche
marchand juif, dirigeant communautaire et trésorier du gouverneur
ottoman local Ahmet Pacha. En 1829, une révolution de palais obligea
les Sassoon à quitter précipitamment Bagdad, en y abandonnant
presque tous leurs biens. Ils sinstallèrent à Bandar-Buchehr,
le grand port iranien sur le Golfe persique, où David ouvrit un bureau
de commerce avec lInde. Quatre ans plus tard, muni de son stock de
tapis, il traversa les détroits pour sétablir à
Bombay.
Il débuta dans une petite échoppe, mais bientôt, grâce
à son sens des affaires, à son expérience et à
ses relations, son entreprise prospéra. Il diversifia ses activités,
ouvrit des succursales, lia habilement ses intérêts à
ceux de la Compagnie anglaise des Indes orientales, et son expansion prit
une tournure si colossale quil finit par diriger un véritable
empire commercial. En 1850, avec ses huit fils placés aux endroits
stratégiques, il détenait le quasi-monopole du commerce de
lInde, et quil sagisse dor, dargent, de soie,
dépices, dopium, de coton, de laine ou de céréales,
tout passait par la Sassoon & Sons.
Plus tard, ses fils se transformèrent en parfaits gentlemen, à
commencer par Abdullah, devenu Sir Albert Sassoon, qui fut lami du
roi Georges VII, épousa Caroline de Rothschild et fit de Brighton
une station à la mode. Mais David demeura un Juif pieux et versé
dans le Talmud. Il ne changea rien à ses traditions, dans un pays,
il est vrai, habitué aux castes et aux particularismes, ne parlant
quarabe, shabillant à la baghdadi, toujours coiffé
de son inséparable turban, et faisant venir ses meubles et ses objets
de culte directement de Bassora. Fidèle aux préceptes de la
tsedaka, il se montra dune grande générosité
envers ses coreligionnaires, embauchant des Juifs nécessiteux par
familles entières et leur construisant synagogues, hôpitaux
et écoles. LInde bénéficia, elle aussi, des largesses
de ce mécène avisé, qui la dota de monuments construits
dans le style néo-gothique quil affectionnait, hérissé
de clochetons, de tourelles et dhorloges, comme la bibliothèque
David Sassoon, à Bombay, dont ce timbre du 30 novembre 1998 nous
montre la façade.
30 000 VOLUMES
Cest en 1862 quayant eu connaissance du projet, David Sassoon
offrit soixante mille roupies pour sa construction, sur un terrain offert
par le gouvernement. Inaugurée officiellement en mars 1870, la bibliothèque
contient aujourdhui trente mille volumes ; et dans son hall dhonneur,
la grande statue en marbre blanc de laïeul fondateur semble contempler
tristement les dégâts que, chaque année, les pluies
de mousson et la voracité des insectes occasionnent aux collections
de livres précieux. Car lentretien dun tel ensemble coûte
cher, et on parle depuis vingt ans de sa fermeture. Pour léviter,
le conseil dadministration de la bibliothèque en appelle aux
philanthropes et aux institutions publiques, et compte sur la philatélie
pour diffuser largement son message.
|
Déjà, le 16 mai 1988, une oblitération illustrée
nous avait rappelé quau cur de la ville, havre de paix
dressé sur les remparts, cette bibliothèque témoigne
de la splendeur passée des baghdadi de Bombay. « Il y a ici
cinquante familles juives de Bagdad, écrivait à lépoque
le voyageur Jacob Saphir, et David Sassoon, tel un prince, trône sur
elles. » |
|