Les Juifs dans les timbres

Sir Joshua Hassan de Gibraltar
par ClaudeWainstain
Chronique parue dans l’Arche n°486/juillet 1998

 

Gibraltar, tout le monde connaît. C’est la position stratégique, avec la forteresse qui surveille le détroit, c’est le célèbre Rocher et ses singes, c’est la cohue des touristes venus faire leurs achats en duty-free.
C’est aussi une page méconnue de l’histoire juive. « Djebel al-Tarik », la « montagne de Tarik », qui deviendra « Gibraltar », porte le nom du chef de guerre qui, en 711, entra le premier en Espagne à la tête des armées musulmanes.
Tarik avait promis aux Juifs persécutés par les Wisigoths qu’il leur apporterait la liberté et qu’il leur rendrait leurs synagogues. Il trouva donc un appui, au Maghreb, auprès des tribus berbères judaïsées, dont les guerriers et les officiers formèrent le quart de son armée et participèrent à la conquête de l’Espagne. Tarik lui-même, selon certains, venait d’une famille juive convertie à l’Islam. Les siècles passèrent, et les Juifs de Gibraltar vécurent le destin de Sefarad, avec ses périodes fastes et ses heures sombres, jusqu’à l’expulsion de 1492.
Mais ils furent les premiers exilés à retourner en Espagne. Gibraltar fut en effet cédée aux Anglais en 1713 par le traité d’Utrecht, et un accord conclu en 1729 autorisa les sujets juifs du Sultan du Maroc à s’y réinstaller. Très vite se constitua dans l’enclave une communauté séfarade nombreuse et prospère, régnant sur le commerce local. Pendant les guerres napoléoniennes, on installa même la mairie dans le palais du riche négociant Aaron Nunez Cardoso. A deux reprises, lors du siège de la ville, de 1779 à 1783, et pendant la deuxième guerre mondiale, les Juifs de Gibraltar furent évacués à Londres, où beaucoup se fixèrent.

 Le plus illustre fils de cette communauté,
Sir Joshua Hassan, est représenté sur ce timbre du 10 décembre 1997. Avocat, issu d’une famille originaire de Majorque et neveu du grand rabbin séfarade de Londres, c’était un Juif pieux qui n’avait jamais manqué un office à sa synagogue. Avocat, élu maire de la ville en 1945 puis premier ministre, il conserva pendant quarante-deux ans la charge de ce minuscule bout d’Angleterre fiché dans le talon de l’Espagne. Grâce à des réformes constitutionnelles, il émancipa le Rocher, abolit la loi martiale, et défendit, malgré le blocus imposé par Franco, le droit de ses concitoyens à demeurer britanniques. Il était respecté et aimé, et lorsqu’il mourut à l’âge de 81 ans, en juillet 1997, tout Gibraltar suivit son cercueil. Dans la foule, on se répétait ses bons mots – il avait un humour très british – et certains se souvenaient l’avoir aperçu, tout premier ministre qu’il était, allant de maison en maison recueillir le contenu des petites boîtes bleues du KKL. •
 


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