Zmirro, les chanteurs de Zamora
par Catherine Garson

RACINES : L’ORIGINE DES NOMS JUIFS

Chronique publiée dans L’Arche n°519 Mai 2001

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Deux origines possibles pour le patronyme Zmirro (et ses semblables, Zamiro et Ben Zemiro). La première se situe dans la péninsule ibérique. Dans cette éventualité, les Zmirro seraient venus de Zamora, ville espagnole située près de la frontière portugaise qui abrita une grande communauté juive. L'autre hypothèse, moins probable, est que cette appellation serait dérivée du mot zamir, signifiant chanteur en hébreu. Les ancêtres des Zmirro auraient été, dans ce cas, des chantres ou des individus à la voix mélodieuse

Ce qui est sûr, c'est qu'avant de se retrouver en Afrique du Nord - du Maroc et en Algérie, pour être précis -, les Zmirro affirmaient leur présence en Espagne, où leur nom se disait Abenzamerro, Aben Semerro ou Ben Zemerro, pour ne citer que quelques versions. Le premier des ces "Espagnols" dont l'Histoire a retenu le nom s'appelait "Johan Ferrandes, qui se dit Absemerro"; il fut amnistié par le roi Pedro Ier en 1355. Plus tard, en 1386, Don Youcef Aben Semerro est l'un des fermiers (collecteurs d'impôts) des boucheries de Séville. Meïr Abensemerro, qui possède une maison dans le quartier juif de cette même ville, reçoit, en signe de gratitude, des cadeaux des bouchers chrétiens de la grande cité andalouse, en 1460. Toujours à Séville, Don Youda Abensemerro, originaire de Guadalcanal, perçoit les taxes sur le bois en 1483.

Puis, c'est l'expulsion d'Espagne et les Ben Zmirro seront désormais célèbres au Maroc. Ainsi Avraham Ben Zmirro, né à Grenade, s'installe après 1492 à Fès, puis dans le port de Safi - alors aux mains des Portugais -, dont il est élu grand rabbin en 1510. La même année, il participe à la défense de la ville contre les chérifs de Marrakech. En 1526, il servira d'intermédiaire pour un accord de paix entre le Maroc et le Portugal. Un de ses parents, prénommé Itzhak, ira délivrer le commandant en chef de Safi, alors que la ville est assiégée. Il équipe à ses frais deux navires sur lesquels il fait embarquer certains de ses coreligionnaires, qui pénètrent de nuit dans la ville et sauvent Nino Fernandez d'Atayde et ses hommes.

On retrouve ensuite: Itzhak ben Zmirro, rabbin de Tétouan (fin XVIe - début XVIIe siècle), David Ben Zamerro, Naguid de la communauté de Fès au XVIIe siècle, ou bien encore Zakhariah Zamirro, rabbin mort à Jérusalem en 1838. Reste à mentionner la légende selon laquelle sept frères Zmirro, vivant et étudiant ensemble la Torah à Safi, disparurent par miracle, engloutis par la terre, ne laissant derrière eux qu'un grand bassin d'eau. En souvenir de cet "événement", un mausolée fut érigé, près de Safi, mausolée qui devint un lieu de pèlerinage tant pour les Juifs que pour les Musulmans.

• CATHERINE GARSON

© 2001 L’Arche, le mensuel du judaïsme français (39 rue Broca, 75005 Paris).

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