Racines : l’origine des noms juifs
Wizman n’est pas Weizmann
Chronique paru dans L’Arche 484/mai 1998

Bien que certains aient émis des hypothèses contraires, il semble quasi certain que le patronyme Wizman, Wizeman ou Ouizman soit d’origine berbère. Dans ce cas, il aurait désigné, à l’origine, des Juifs vivant près de la tribu des Ait Izemen qui séjournait dans l’oasis des Todgha, dans le bassin de l’Oued Zia, ou près de celle des Izemin (au Maroc, toutes deux).
A l’origine, cette appellation se rencontrait plutôt dans des agglomérations reculées de l’Atlas, telles que Minta, dans le sud de Marrakech, ou Ighil Nora, dans la province de Ouarzazate. Par « émigration », on en retrouve certains dans des villes du sud marocain comme Marrakech et Mogador ainsi qu’en Algérie voisine. Notons enfin que ce patronyme est parfois précédé de l’index de filiation : il y a ainsi des Ben Wizeman, Ben Ouizeman…
Très peu de célébrités. Signalons tout de même Shmouel Wizeman, qui était grand-rabbin de Mogador à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe. Et Yahya ben Wiezman, mort en 1796, qui occupait le même poste, mais dans la ville de Marrakech.
Que répondre à ceux qui voudraient que les Wizeman et compagnie soient les descendants d’immigrants ashkénazes nommés Weizmann ? Certes, tout au long de l’histoire, des Juifs venus du Nord ont débarqué au Maroc, comme l’attestent des patronymes « marocains » voire « algériens », tels que Askénazi ou Abramovici. Mais ces derniers, une fois arrivés, ne mettaient pas le cap sur des trous perdus des chaînes de l’Atlas et restaient, logiquement, dans les grandes villes, surtout portuaires, là où ils pouvaient exercer leurs talents d’artisans ou de commerçants.
Profitons de l’occasion pour faire un petit détour ashkénaze du côté des Weizmann – littéralement, « homme blanc ». Là, un peu d’histoire. Quand on imposa un nom de famille aux Juifs du royaume de Pologne, toutes sortes de moyens furent employés pour choisir les patronymes. Une de ces méthodes était de regarder l’aspect physique du candidat à l’appellation qui, dans le cas de Weizmann, aurait donc eu une complexion laiteuse. Mais pas forcément, car cette désignation relève de ce que les spécialistes appellent « les noms de famille artificiels », c’est-à-dire donnés au petit bonheur la chance. Pour ce qui concerne encore la Pologne, ce nom se retrouve plutôt dans les régions de Lublin, Radom et Siedlice.
Dans l’Empire russe voisin, l’obligation faite aux Juifs d’adopter un nom fut plus tardive. Les régions proches de l’ex-royaume de Pologne « copièrent » souvent les appellations déjà données de l’autre côté de la frontière. C’est pourquoi on retrouve de nombreux Weizmann dans les régions de Khotin (en Ukraine) et de Kishinev, Orgeev, Bendery et Soroki (en Moldavie). D’ailleurs, en 1907, Vajsman (autre graphie pour Weizmann) était l’un des dix noms les plus courants en Bessarabie (qui correspond plus ou moins à la Moldavie).
Le Weizmann le plus célèbre est bien entendu le premier président de l’Etat d’Israël, prénommé Haïm (1874-1952). A quelqu’un qui lui reprochait de ne pas avoir hébraïsé son patronyme, il répondit : « Le problème, c’est que je me suis déjà fait un nom ! » • Catherine Garson


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