Ces Juifs du bout du monde

Odessa: En parcourant la rue juive

par David Bornstain
Extrait d'un article paru dans l'Arche N°480. Janvier 1998

 

 

Depuis 1990, la communauté juive d'Odessa voit chaque année 10% de ses membres sauter par-dessus la frontière ukrainienne. La moitié opte pour Israël, 30% pour l'Allemagne (le pays est proche et sa protection sociale plus développée, explique-t-on au rabbinat de la ville), le reste pour les Etats-Unis. Mais la ville compte encore 40 000 Juifs, troisième communauté d'Ukraine derrière celles de Kiev et Dniépropetrovsk. Dans l'ensemble du pays, on en dénombrerait 500 000.

Empruntant le souterrain creusé au pied de la grandiloquente façade de la &laqno;gare héroïque», les touristes ­ bien moins rares ici que dans le reste du pays ­ fuient vers un petit jardin circulaire où les attendent, éclaboussés par une fontaine aux vannes trop généreuses, les parasols d'un petit café tranquille. De la masse compacte se détache soudain un groupe de sept jeunes coiffés d'une kippa et discutant en hébreu. Un kilomètre plus loin, au commencement de la rue Tolstoï, un rayon de soleil éclairant un petit morceau de nickel a révélé une pièce israélienne de dix agorot.

Ville ouverte, Odessa accueille aussi ces pélerins israéliens en quête d'une communauté qui comptait avant-guerre 150 000 Juifs; les Juifs constituaient alors le tiers d'une population largement multiculturelle (à Odessa, on habite encore non seulement la " rue juive"mais aussi la "rue grecque ", la " rue bulgare" ou la "rue polonaise "), cimentée par la pratique du russe et des affaires. Et aujourd'hui, entre Israël et l'Ukraine indépendante, les affaires marchent : ici une voiture protège son pare-brise du soleil à l'aide d'une enseigne publicitaire en hébreu, là une babouchka ramène du marché une boîte de chocolats israéliens Elite. A plus grande échelle, des sources informées rapportent que les deux pays ont lancé un programme de coopération dans l'armement.

Quartier Moldavanka. La gare centrale est aussi la dernière frontière entre le centre, huppé et commerçant, et l'ancien quartier populaire de la Moldavanka, ainsi baptisé en souvenir des premiers immigrés moldaves, mais peuplé pour l'essentiel, jusqu'en 1945, d'ouvriers et d'artisans juifs. Ses habitants auraient même développé leur propre dialecte à base de russe, d'ukrainien et de yiddish.·