Juin 1967: la Guerre des Six Jours

Extrait de l'article paru dans l'Arche n· 474/juin 1997

Il y a trente ans de cela, une guerre opposait Israël à ses voisins arabes. Une guerre très brève, mais dont les effets continuent de se faire sentir. Voici le film des événements. Par Ouri Nissan.

La tension

L'année 1966 avait été marquée par une vive tension israélo-syrienne, dont l'enjeu principal était le contrôle des sources du Jourdain. En novembre 1966, l'Egypte signait avec la Syrie un accord de défense mutuelle. Le dirigeant égyptien Gamal Abdel Nasser avait bien signifié à cette occasion qu'il n'entendait pas se laisser entraîner dans une guerre prématurée contre Israël, aussi longtemps que le monde arabe n'était pas uni et que l'armée égyptienne n'y était pas prête (50 000 de ses soldats étaient à l'époque immobilisés au Yémen dans une guerre qui se prolongeait depuis cinq ans). Mais la Syrie, qui venait d'assumer le rôle de «parrain» politique du Fatah de Yasser Arafat, voulait manifester sa présence au premier rang du combat arabe «contre Israël et pour la Palestine»; elle provoqua, dans les premiers mois de l'année 1967, une série d'incidents à la frontière israélo-syrienne.

Le 7 avril, à titre d'avertissement, Israël envoyait ses avions au-delà de la frontière. Un combat aérien s'ensuivit, où six Mig syriens furent abattus sans aucune perte du côté israélien. Le chef d'état-major de Tsahal, Itzhak Rabin, fit à cette occasion des déclarations très dures contre le régime de Damas. Les Syriens, soutenus par leurs alliés soviétiques, affirmèrent alors qu'Israël massait des troupes pour une offensive contre la Syrie. Le premier ministre israélien Lévi Eshkol publia un démenti, proposa - en vain - à l'ambassadeur d'URSS en Israël de se rendre à la frontière pour vérifier qu'il n'y avait aucune concentration de troupes, et envoya un message dans le même sens à Nasser. Ce dernier décida alors d'une opération qui devait, à ses yeux, renforcer le prestige de l'Egypte sans lui faire courir le risque d'une guerre: le 15 mai, il mit l'armée égyptienne en état d'alerte, annonça une mobilisation générale et décida l'envoi de troupes dans la presqu'île du Sinaï (où une «force d'urgence» de l'ONU était stationnée depuis la guerre israélo-égyptienne de 1956).

En Israël, on estima qu'il ne s'agissait là que d'une opération symbolique et on se contenta de rappeler, discrètement, une seule unité de réservistes. Mais le lendemain, l'armée égyptienne demanda au commandant des forces de l'ONU de rassembler ses hommes en trois points du Sinaï. Celui-ci, après consultation avec le secrétaire général des Nations unies, U Thant, répondit que les soldats de l'ONU resteraient où ils étaient - sinon, ils s'en iraient. Nasser releva le défi et exigea le départ de l'ONU, qui fut effectué le 19 mai. L'escalade s'enclencha: des soldats palestiniens prirent la place des forces onusiennes à Gaza, le réserves égyptiennes affluèrent dans le Sinaï, et on enregistra des mouvements de troupes en Syrie et en Jordanie. Simultanément, Nasser commença à rapatrier ses forces d'élite, encore retenues au Yémen.

L'escalade

Le 20 mai, des parachutistes égyptiens prenaient position à Sharm-el-Sheikh, position stratégique qui commandait le détroit de Tiran (clé de la mer Rouge et point de passage obligé pour les navires à destination du port israélien d'Eilat), et où était installée jusque-là une division yougoslave de l'ONU. Le 22 mai, Nasser annonçait la fermeture du détroit de Tiran à tous les navires en provenance d'Israël ou s'y rendant ; le même jour, au cours d'une rencontre avec des aviateurs égyptiens dans une base du Sinaï, il déclara que si Rabin voulait la guerre «il était le bienvenu».

Le ministre israélien des affaires étrangères, Abba Eban, entreprit le 24 mai un tour des principales capitales occidentales, afin de les avertir du risque de guerre et de demander leur soutien. Il n'obtint sur quelques bonnes paroles, sans engagement concret. En revanche, on exigea de lui l'engagement qu'Israël n'ouvrirait pas les hostilités. Il y avait alors 100 000 soldats égyptiens dans le Sinaï, soit beaucoup plus que la totalité de l'armée israélienne. La «logique de guerre» était à l'œuvre. L'Etat juif procéda à une mobilisation générale, qui entraîna une paralysie de la plupart des activités économiques. Tout le pays vivait dans l'angoisse. Les réservistes étaient cantonnés dans des bases militaires, dans des terrains vagues et dans des orangeraies. Un peu partout dans le pays, les civils creusaient des tranchées et remplissaient des sacs de sable pour se prémunir contre des bombardements. Dans les capitales arabes, des manifestants appelaient à l'élimination des «sionistes». Le 26 mai le principal commentateur politique égyptien, Hassanein Heikal, écrivait qu'un affrontement armé avec «l'ennemi israélien» était devenu «inévitable». Le 27 mai, le gouvernement israélien débattit de l'éventualité d'une attaque préventive; 9 ministres étaient pour, et 9 contre; on décida d'attendre une intervention internationale. Le lendemain, Nasser exigea qu'Israël évacue le port d'Eilat et l'agglomération de Nitsana. Des forces palestiniennes installées à Gaza (sous contrôle égyptien) bombardèrent les kibboutzim voisins. Nasser annonça à une délégation arabe: «Ce sera une offensive générale pour la destruction d'Israël». Le 30 mai, le roi Hussein de Jordanie se rendit au Caire où il signa un accord avec Nasser et plaça son armée sous le commandement d'un général égyptien.

Le 1er juin, une force d'élite égyptienne arriva en Jordanie et on signala des mouvements de troupes en Irak. Le 2 juin, un «gouvernement d'union nationale» fut constitué en Israël, sous la direction de Lévi Eshkol avec Moshé Dayan au ministère de la défense. Le 3 juin, de Gaulle imposa l'embargo sur les livraisons d'armes françaises au Proche-Orient, ce qui revenait concrètement à priver Israël des équipements qui lui étaient nécessaires. Le même jour, il apparaissait qu'une intervention internationale était exclue et qu'une offensive arabe était inévitable. Le 4 juin, le gouvernement israélien décida l'entrée en guerre.