Extrait d'une interview publiée dans

L'Arche n°509/510 de juillet/août 2000

Noa, ce que je chante, ce que je pense

Elle parle beaucoup, habituellement en anglais, et réussit à se faire comprendre au-delà des mots par ses intonations, sa gestuelle et ses mimiques. Le nom qu'elle s'est choisi, Noa, est apparenté en hébreu au mot " mouvement ". Bien trouvé : elle est une actrice innée, qui non seulement sait bouger sur scène avec grâce mais peut imiter des personnes, des objets ou des animaux. Elle aime raconter des histoires sur le mode confidentiel. De sa voix cristalline elle raconte ses interrogations sur la vie, ses rêves ou ses peurs, surtout sa recherche du bonheur et son désir d'enfant avec son pédiatre de mari à qui elle dédie une de ses dernières chansons.

Vous représentez la chanson israélienne, et pourtant vous chantez beaucoup en anglais. Je chante en hébreu et en anglais. Mais je me présente comme Israélienne, je parle hébreu et j'essaie de montrer qu'il y a en Israël autres choses que les guerres et les terroristes. À travers mes chansons, j'essaie d'éliminer toutes les connotations négatives que les gens peuvent avoir au sujet d'Israël. Je veux donner à voir et entendre un pays jeune, en quête de paix.

On a l'impression que vous vous produisez surtout hors d'Israël. Pourquoi ce choix ? Ce n'est qu'une impression. Tout d'abord, je vis en Israël et toute ma famille aussi. C'est là que je travaille et que j'écris mes chansons. Avec Gil [Dor], nous nous produisons autant en Israël qu'à l'étranger, sinon davantage. Mais je suis très heureuse que ma carrière se développe à l'étranger, car le marché de la musique et des variétés traverse une grave crise ces dernières années en Israël.

Quelles sont vos relations avec la communauté juive ? Quand je chante en France, je chante aussi pour la communauté juive, mais pas seulement ou pas spécialement pour elle. De même, dans des pays comme l'Italie, le Japon et la Corée, mes disques se vendent très bien sans aucun rapport avec la communauté juive. Aux États-Unis, en revanche, nous n'avons pas réussi à dépasser les frontières de la communauté juive.

Vous avez chanté deux chansons en français qui ont eu beaucoup de succès, et dans votre nouvel album la chanson Si je m'abandonne à toi a été traduite et commercialisée en français. Pourquoi est-ce important de chanter en français ? Il y a deux raisons : une raison émotionnelle et une raison technique. La raison émotionnelle est que la langue est très importante pour moi. Je préfère toujours communiquer avec les gens dans leur langue. C'est important pour moi qu'on me comprenne. Il se trouve que je parle l'anglais et que j'écris mes chansons en anglais, et il est évidemment plus facile pour les gens de comprendre l'anglais que l'hébreu. Mais s'il est possible d'arriver à un meilleur degré de communication en parlant le français, je suis prête à faire cet effort, et je le fais avec beaucoup d'amour.

Est-ce qu'il est important pour vous d'inclure au moins une chanson en hébreu dans vos albums ? Pas forcément. La plupart des chansons que j'écris sont en anglais. Mais j'enregistre en hébreu pour les albums israéliens. Si je ne mets pas une chanson en hébreu dans les albums internationaux, on pense que je le fais exprès.

La politique israélienne est mise en avant dans chacune des interviews que vous donnez dans les médias français. N'êtes-vous pas lasse qu'on vous interroge toujours sur ce même sujet ? Effectivement, cette question revient à chaque interview. Mais je n'ai pas l'impression de m'exprimer plus longuement là-dessus que sur d'autres sujets. Peut-être que, quand l'interview est montée, les journalistes font ressortir la partie qui porte sur la politique… Cela dit, je peux les comprendre : pour eux je ne suis pas qu'une simple chanteuse avec une bonne voix, je suis une Israélienne. Ils pensent que la musique chez nous est toujours mêlée à la politique, et que ce doit être ma particularité.

Comment définissez-vous votre rapport personnel au judaïsme ? Je ne suis pas pratiquante. Je ne l'ai jamais été, et mes parents non plus. Mais, après leur arrivée aux États-Unis, nos parents ont craint de nous voir, mon frère et moi, nous éloigner de notre identité juive et israélienne. Plutôt que de nous confronter au monde laïque américain, ils ont préféré nous mettre dans une école juive relevant du mouvement orthodoxe moderne : mon frère avait une kippa et je portais une jupe longue. C'était une bonne décision de leur part car j'ai beaucoup appris dans cette école, d'autant que la religion n'était pas vécue d'une manière obsessive. C'est après mon arrivée en Israël que mon attitude envers la religion a changé : j'ai vu qu'on l'utilisait négativement et qu'on amenait les gens à s'en éloigner au lieu de les rapprocher. La politique fait tant de mal à la religion. Au lieu que la religion soit un lieu de ressourcement spirituel et de rapprochement avec Dieu, elle est devenue un lieu de pouvoir et de scandales. Les jeunes ne veulent plus entendre de la religion juive, ils en ont une vision déformée et négative. Les jeunes Israéliens vont voir ailleurs - dans des sectes, ou jusqu'en Inde - pour accéder à la paix intérieure. Mais j'ai beaucoup de respect pour notre tradition.