Extrait du dossier publié dans
L’Arche n° 495/mai 1999
Israël : le dossier des élections

Ensemble, ils seront responsables de l’avenir d’Israël

Le 17 mai et – éventuellement – le 1er juin, les Israéliens iront aux urnes. En Israël, toute élection est aisément qualifiée de « critique », « décisive », voire « historique ». Mais cette élection-ci mérite sans doute de tels qualificatifs. D’abord, et on nous le répète chaque jour, à cause de ses implications sur le processus de paix et sur l’avenir d’Israël. Mais aussi, et on a tendance à l’oublier, parce que c’est l’occasion d’un reclassement à grande échelle dans la vie politique et sociale du pays. Options religieuses, intérêts financiers, héritages idéologiques et problèmes de générations, tout cela se mêle dans un immense sac d’embrouilles. Le débat public cache parfois des confrontations internes ou des alliances implicites. Les amis d’hier sont devenus les ennemis d’aujourd’hui, ou vice versa. Que l’observateur extérieur se méfie : entre les « bons » et les « méchants », les lignes de partage ne sont pas aussi simples – et certainement pas aussi permanentes – qu’il y paraît. Quoi qu’il en soit, les hommes – et les quelques trop rares femmes –dont les portraits ornent la couverture de ce numéro de L’Arche ont un point en commun : tous ensemble, ils seront responsables de l’avenir d’Israël. • M. W.
(Un dossier préparé par Jacques Tarnov.)

Les Israéliens qui iront voter ce 17 mai placeront deux bulletins dans l’urne : le premier, de couleur blanche, pour désigner le parti de leur choix aux élections législatives, et le second, de couleur jaune, pour désigner le premier ministre. Il y aura un peu plus de 7 000 lieux de vote, avec des dispositions spéciales pour les militaires en opération, les détenus dans les prisons, les marins en cours de navigation et les diplomates en poste à l’étranger.

La Knesset
Les 120 sièges de la Knesset, l’unique chambre du Parlement d’Israël, seront répartis proportionnellement aux voix obtenues par les partis le 17 mai. La Knesset est élue pour quatre ans (sauf élections anticipées, comme c’est le cas ici). Sont électeurs tous les citoyens israéliens âgés d’au moins 18 ans ; sont éligibles tous les citoyens âgés d’au moins 21 ans.
Trente-trois listes se disputeront les suffrages de 4 285 428 électeurs inscrits. Les voix s’additionneront à l’échelle du pays tout entier, la seule condition pour être représenté à la Knesset étant de recevoir au moins 1,5% des suffrages exprimés, soit un peu moins de 60 000 électeurs. On comprend donc que de nombreux groupes tentent leur chance : outre les principaux partis politiques, on trouve en lice des adeptes s farfelude la méditation transcendantale, des partisans de la légalisation du cannabis, etc.
Même si l’on néglige les cas les plus, il y aura sûrement à la prochaine Knesset des avocats de diverses composantes minoritaires au sein de la population israélienne. Ceux-ci tenteront de faire prévaloir les intérêts de leurs mandants et pour cela de nouer des alliances en tous genres. Il serait donc prématuré de résumer la composition de cette Knesset – la quinzième du nom –en termes de gauche et droite, ou de laïques et de religieux. Mais cela n’empêchera pas vos quotidiens de le faire.

Le premier ministre
Dans le passé, le premier ministre (il serait plus exact de dire, selon la terminologie hébraïque : le chef du gouvernement) était investi par la Knesset, comme c’est le cas en Grande-Bretagne et comme c’était le cas en France sous la Quatrième République. Mais une loi de 1992, mise en œuvre pour la première fois en 1996, dispose que le premier ministre sera élu au suffrage universel, de la même manière que le président de la République dans la France actuelle.
Un candidat aux fonctions de premier ministre doit être âgé d’au moins trente ans. Le premier ministre est élu, en principe, pour une période de quatre ans. Pour être élu au premier tour, le 17 mai, il faudra recevoir la majorité des voix ; sinon, un second tour aura lieu le 1er juin, entre les deux candidats les mieux placés. Si, comme c’est le cas cette année, l’élection du premier ministre a lieu en même temps que les élections législatives, un candidat premier ministre doit nécessairement occuper la première place dans une liste de candidats à la Knesset.

L’équilibre des pouvoirs
La loi de 1992 avait pour objet d’assurer la stabilité de l’exécutif, face à une Knesset en proie au jeu des alliances et où les petits partis pouvaient, grâce à leur position charnière, exercer un chantage politique quasi permanent. Mais cette stabilité, en fait, ne peut être préservée que si le premier ministre parvient à s’appuyer sur une majorité parlementaire : c’est parce que Binyamin Netanyahou, élu en 1996, s’est trouvé en minorité à la Knesset que les élections ont été avancées d’un an et demi.
Or la désignation du premier ministre au suffrage universel a aggravé encore la division des forces à la Knesset. L’électeur qui dépose simultanément deux bulletins de vote peut utiliser celui du premier ministre pour « voter utile »… et celui de la Knesset pour « se faire plaisir ». D’où un probable éparpillement des voix. La constitution d’une majorité parlementaire stable risque donc d’être plus délicate que jamais, à moins d’un raz-de-marée politique ou d’une « grande alliance » post-électorale. •